10 ans après, la formidable résistance des familles des Martyrs et des blessés de la Révolution !

Le 17 décembre 2020, date anniversaire de la Révolution, les familles des Martyrs et des blessés qui réclamaient la publication au JORT de la liste des Martyrs et des blessés à la Kasbah ont été tabassés par des agents de l'ordre à quelques pas de la Présidence du gouvernement ! Cette ingratitude envers ceux qui ont payé le lourd tribut de la vie et du sang concerne l'ensemble des acteurs politiques, associatifs, syndicaux, etc. La plupart d'entre eux sont trop occupés par leurs concurrences indécentes pour le pouvoir à coups de chantages de dossiers.

Cynisme et totale inversion des valeurs ! Aussi, au moment-même où les blessés de la Révolution sont en sit-in, le gouvernement décide-t-il de décréter quatre jours de confinement à compter du 14 janvier, date anniversaire du départ de Ben Ali sous la pression du soulèvement populaire. On est en droit de s'interroger sur les motivations réelles de cette mesurette. Quatre jours de confinement ! Soyons sérieux !

Le déni de la lutte des familles des Martyrs et des blessés est révélateur du décalage entre ceux qui ont fait la révolution et ceux qui l'ont récupérée. Ces derniers n'ont eu de cesse de falsifier les évènements et de dénigrer les vrais acteurs de la révolution. Un récit erroné. Et c'est là où le rôle des Médias, particulièrement les chaînes privées, s'est révélé décisif. Un récit écrit pour et par les élites à l'antipode des réalités de la Tunisie réelle.

Dès le 17 décembre, le dénigrement des Martyrs et des blessés de la Révolution a commencé avec la campagne de détraction dont Bouazizi a fait l'objet. Est-il besoin de rappeler les prétendues indignations en boucle sur les plateaux de télévision au nom de la lutte contre "la culture de la mort" destinées à délégitimer celui qui était à l'origine du déclenchement de la Révolution ?

Une véritable guerre de lexiques a ainsi vu le jour, visant à disqualifier la Révolution et ses véritables acteurs en faisant passer ces derniers pour des voyous, des voleurs, et allant jusqu'à parler de "révolution de la brouette". Des procès iniques se sont même tenus contre certains blessés tantôt accusés d'avoir brûlé des postes de police pendant la Révolution (comble du cynisme et de l'indécence !), tantôt accusés d'avoir été à l'origine de "troubles" après la Révolution.

Une "Kobba" constituée de gens "bien nés" s'est mise en place pour contrer une Kasbah incarnée par des jeunes des régions défavorisées, des familles de Martyrs et des blessés de la Révolution présentés par leurs détracteurs comme des "délinquants" ou des "islamistes". Ces mêmes détracteurs ont pourtant vite fait de mettre en place toutes sortes d'alliances avec les vrais islamistes et ces derniers ont eux-mêmes tourné le dos aux révolutionnaires et trempé dans toutes sortes de compromis et de compromissions avec l'ancien régime !

Dix ans après, la vérité éclate au grand jour. La porosité entre les chroniqueurs et les chroniqueuses, les experts des plateaux de télévision et les milieux politico-financiers n'a jamais été aussi flagrante !

La justice transitionnelle (JT) a aussi fait l'objet d'un matraquage en boucle. Le processus a pourtant résisté grâce à la ténacité des victimes et la légitimité de l'institution. Les machinations visant à le faire avorter se sont succédé à bien des niveaux. Un des éléments tendant à torpiller le processus est la loi dite de réconciliation qui visait à le faire avorter. Dix ans après la révolution, les caciques de l'ancien régime persistent en proposant encore des réconciliations fallacieuses.

Les procès relatifs aux Martyrs et aux blessés de la Révolution ont aussi été sabotés. Ce sont des juridictions militaires à la fois juges et parties qui ont statué sachant que des familles avaient aussi accusé des militaires dans certains assassinats de civils pendant la Révolution. Les négociations ont abouti à des peines révisées sur-mesure en appel et passant à trois ans de détention afin de permettre la libération immédiate des accusés dans la plupart des cas quand ces derniers n'ont pas été complètement blanchis. La Constitution de la seconde République énonce pourtant clairement que les tribunaux militaires sont inaptes à statuer lorsque des civils sont impliqués !

Le Ministère de l'Intérieur (MI) a activement participé à cette falsification. Il a fait un usage à deux vitesses des preuves qu'il détenait à l'instar des registres sur lesquels sont mentionnés le nom de l'agent de l'ordre, l'arme qui lui est remise et le nombres de balles qu'elle contient lors de sa réception par l'agent et au moment où ce dernier la restitue.

Ainsi, le MI a prétendu que lesdits registres avaient brûlé lors de la révolution pour empêcher l'établissement des liens d'imputabilité des crimes à leurs auteurs. Pourtant, quand cela a pu servir à les disculper, des agents de l'ordre ont pu s'en prévaloir devant les mêmes juges militaires ! Ces derniers ont fermé les yeux devant ces contradictions.

La Cour d'Appel militaire est allée jusqu'à requalifier les chefs d'accusation ! Ainsi, en ce qui concerne les agents de l'ordre sur le terrain, clairement identifiés par les manifestants comme ayant tué et gravement blessé d'autres manifestants, les chefs d'accusation sont passés d’homicide volontaire à homicide involontaire voire même à violences ayant causé des dommages corporels.

Ceux qui ont poursuivi les manifestants jusque dans leurs cités et leur ont tiré dessus à balles réelles en visant à plusieurs reprises les organes vitaux ont donc été jugés pour des violences ayant entraîné des dommages corporels ! Pour ce qui est des responsables qui avaient émis les ordres, la participation à homicide a été requalifiée en non-assistance à personnes en danger du fait de n'avoir pas pris les mesures nécessaires visant à mettre fin aux exactions (pourtant commanditées par ces mêmes responsables).

D'un côté il y avait donc cette détermination farouche de dénigrement et d'effacement du rôle des Martyrs et des blessés, véritables acteurs de la Révolution tunisienne, de l'autre, une volonté effrénée d'amnistier ceux qui les avaient assassinés et violentés et de disculper tous les coupables de l'ancien régime.

Ces dossiers des Martyrs et des blessés sont à présent pendants devant les chambres spécialisées de la JT, dernier rempart pour enfin réécrire un récit objectif de la Révolution. Aussi l'espoir n'est-il pas perdu. Les dernières élections en date ont aussi démontré à l'envie qu'il n'est pas vain de résister.

La jeunesse de la Révolution a exprimé de manière démocratique et pacifique par les urnes son rejet des représentants de l'ancien régime avec leurs partis, leurs médias, leur argent. Ils ont gagné contre tout ce dispositif mis en place en face. Ainsi, si les choses avancent difficilement et lentement, elles avancent quand même. Mais beaucoup reste à faire et notamment au niveau de la JT.

En effet, le processus de la JT vise à rétablir la vérité pour préserver la mémoire et éviter la répétition. Son rôle est donc essentiellement pédagogique et il est salvateur. Il devra contribuer à la construction du récit objectif et à la réhabilitation des victimes. L'objectif ultime est la réconciliation de la victime avec les institutions qui devront être réformées. Ce n'est qu'en passant par ces différentes étapes que nous pourrons tous aspirer à une véritable réconciliation nationale.

Il va sans dire que la publication de la liste des Martyrs et des blessés de la Révolution est une étape nécessaire et indispensable de ce processus. Aussi convient-il d'appeler encore le Président de la République à publier cette liste au Journal Officiel de la République Tunisienne ce 14 janvier, date symbolique !

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