Brexit : La City de Londres, aspirateur de flux financiers des paradis fiscaux ?

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Un an après le referendum qui a approuvé la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne, le Brexit, les pourparlers ont commencé le 19 juin pour établir quand et comment cela sera effectif. Theresa May à rendu visite a Emmanuel Macron le tout nouveau Président français le 12 juin puisque le Commissaire européen chargée du dossier n’est autre que Michel Barnier, un français membre à ce jour des Républicains et conciliateur, tandis que David Davis, ministre anglais chargé de la négociation est un conservateur brexiter dur.

La nouveauté est que la procédure du Brexit a été engagée et elle n’a pas été enterrée comme les referendums en France, aux Pays Bas et en Irlande qui avaient refusé la Constitution Européenne en 2005 mais que les élites dirigeantes avaient fait approuver par les « partis de gouvernement » dans les parlements. Personne n’ignore d’ailleurs que le vote anglais a été le résultat de la politique économique désastreuse appliquée avec constance et par alternance par les sociaux-libéraux et les conservateurs qui ont expliqué cette politique était une exigence de la Commission.

Ceux qui, par le passé, soutenaient que le Brexit serait un désastre pour la Grande Bretagne ont commencé à réviser leurs prévisions car la seule nouveauté en un an a été une dévaluation de la livre de 10% qui a renchérie et limitée les importations de voitures allemandes chères et diminué du même taux la valeur en Euro des avoirs des continentaux à Londres.

Michel Barnier a posé explicitement trois problèmes à traiter


•a) le statu des résidents européens en Grande Bretagne (3 millions de personnes)

•b) la question de l’Irlande, libre circulation des biens et des personnes se dirigeant vers le continent sur le territoire anglais, ainsi que la situation de l’Irlande du Nord et

•c) la question économique et en particulier celle de la régulation des flux financiers.

Le premier point est important pour les pays d’Europe centrale et orientale, l’Espagne et le Portugal qui sont de pays exportateurs de main d’œuvre. La destruction de l’éducation en général et des études médicales et paramédicaux en particulier, par les conservateurs britanniques (comme Macri en Argentine) a conduit à ce que de nombreux médecins, infirmières, kinésithérapeutes, biochimistes mais aussi des plombiers, des électriciens, etc. travaillent en Angleterre. Ils ont des contrats genre « travailleurs détachés » touchent des salaires inférieurs aux anglais ce qui constitue une juteuse affaire pour les entreprises spécialisées dans le trafic de main d’œuvre mais dans sa configuration actuelle une source importante de revenus pour ces pays exportateurs.

Un autre point important est l’instauration de droits de douane britanniques aux exportations européennes, en particulier agricoles, qui devront se passer de la préférence communautaire et resteront à la merci de la concurrence des exportations américaines et argentines, entre autres. Elles pourraient en plus pâtir de la « préférence impériale » (qui a coûté a l’Argentine le Traité Roca Runciman en 1933) et dont l’application a déjà été réclamée par l’Australie, le Canada et la Nouvelle Zélande.

Quand à l’instauration des droits de douane européens cela nécessitera une âpre négociation à l’intérieur de l’Union où chaque pays essayera de tirer son épingle du jeu et obtenir la meilleure protection possible selon sa convenance.

Le principal point d’achoppement sera le problème de flux financiers. Rappelons que 40% des sièges sociaux européens des 250 multinationales les plus importantes du monde se trouvent en Grande Bretagne. Si ces entreprises déménagent cela constituera une perte fiscale nette importante pour les anglais.

Mais pour l’Union Européenne le problème du Brexit est tout autre. Elle craint que le Royaume Uni se transforme en une sorte de « méga plateforme » d’évasion fiscale ce qui est déjà en partie le cas aujourd’hui. Les Iles Vierges, les Bahamas, Bermudas, Anguilla, Caïman, Maldives, Turks-et-Caïcos, Man, Jersey, Guernesey etc. sont sous souveraineté britannique. Cela préoccupe beaucoup l’Allemagne et l’Autriche quant au sort de leur paradis fiscal à eux, le Liechtenstein, mais aussi la France avec Monaco et Andorre.

Si le « territoire financier britannique » n’est pas soumis aux règlements communautaires et choisi, comme il en a tout l’air, « d’alléger » les contraintes et régulations fiscales et financières, la City se transformera en un gigantesque aspirateur des flux financiers. L’enjeu est de taille puisque, à ce jour, les dépôts dans les paradis fiscaux classés noir ou gris foncé atteignent 7,5 mil milliards (trillons en anglo-saxon) d’Euro dont 80% est du à l’évasion fiscal..

Deux alternatives s’ouvrent : le hard Brexit (dur) où le Royaume Uni aurait vis-à-vis de l’UE un statu similaire à celui de la Suisse. Ou un soft Brexit (mou) où il aurait un statu comparable a celui de la Norvège (libre accès au marché européen en s’acquittant d’une compensation financière). Les discussions seront très longues et difficiles car des relations économiques et financières complexes ont été tissées pendant 45 ans.


* Bruno Susani est Docteur en Sciences Économiques. Ex conseiller régional de l’Ile de France (pour le Parti Socialiste). Auteur du livre « Le péronisme, de Perón à Kirchner », Ed. de L’Harmattan, Paris 2014.

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