Le Funambule, de Jean Genet

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Je viens enfin de lire « Le funambule » de Jean Genet, dont je ne connaissais (depuis des décennies) que les plus célèbres citations. Et je découvre que ces citations sont, sinon assassines, du moins impuissantes à révéler la très étrange beauté de ce texte. Celle d’un bloc animé d’une tension lyrique très singulière, 25 pages d’écriture étincelante qui forment une sorte de poème en prose serrée, comprenant fortes et folles déclarations d’amour de l’auteur pour le corps de l’artiste, son art virtuose et sa mort attendue…

Oui ce texte est fascinant de maîtrise pour dire justement la fascination qu’exerce sur le poète Genet le funambule Abdallah.

Et Genet fait là exercice littéraire parallèle à l’exercice physique du danseur acrobate, exercice inouï pour un gratuit « geste de beauté », tant du spectacle de cirque que du texte créé. Avec cette différence fondamentale que le poème reste pour toujours créé tandis que le funambule ne danse qu’un fugitif moment. Puis entre deux spectacles survit en « vieille clocharde édentée » … ou bien tombe et meurt.

Mais, si reste le poème parfois, le poète, lui, passe toujours : vit sa vie de funambule entre sauts périlleux et clocharde édentée …ou bien tombe et meurt.

Avis aux cartésiens : cette littérature n’est pas pour vous, car Genet est un fou. En fin de texte, il assène : « Il faut aimer le Cirque et mépriser le monde. Une énorme bête, remontée des époques diluviennes, se pose pesamment sur les villes : on entre, et le monstre était plein de merveilles mécaniques et cruelles : des écuyères, des augustes, des lions et leur dompteur, des trapézistes allemands, un cheval qui parle et qui compte, et toi. (…) Dehors, c’est le bruit discordant, c’est le désordre ; dedans c’est la certitude généalogique qui vient des millénaires, la sécurité de se savoir lié dans une sorte d’usine où se forgent les jeux précis qui servent l’exposition solennelle de vous-mêmes, qui préparent la Fête ».

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