La nouvelle avancée fondamentaliste en Amérique Latine et en Europe

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Le modèle de contrôle hégémonique prévu [par les Etats-Unis d’Amérique] pour l’Amérique Latine est composé d’ancrages médias, de tribunaux, d’agences d’espionnage (locales et internationales) et de dispositifs de manipulation numériques basés sur l’intelligence artificielle et les technologies Big Data. Dans plusieurs pays d’Amérique Latine, s’ajoute à cette combinaison, l’action développée par les secteurs évangéliques fondamentalistes, ayant des racines et des ramifications dans les sphères les plus rétrogrades de Washington.

Au cours de la première quinzaine d’août, un consortium de 15 médias non hégémoniques, dirigé par Columbia Journalism Investigations (CJI) et appartenant à l’Université de Columbia, en partenariat avec le Centro Latinoamericano de Investigación Periodística , a publié un dossier sur le ce conglomérat extrémiste.

Le groupe qui mène l’offensive en Amérique Latine [et partout dans le monde] est la Capitol Ministries (CM) , dirigé par Ralph Kim Drollinger , un ancien basketteur de la NBA devenu un véritable croisé contre les idéologies de genre, les processus migratoires, la séparation de la religion et de l’État, et toutes les luttes sociales émancipatrices.

Les rapports présentés par le CJI montrent la présence de Capitol Ministries au Mexique, au Honduras, au Brésil, au Pérou, en Uruguay, en Equateur et au Costa Rica. Au Nicaragua, au Panama et en Argentine, ils opèrent par l’intermédiaire d’organisations satellites liées au même programme néolibéral, assaisonné d’un langage suprématiste.

Le lien de Drollinger avec l’administration républicaine actuelle se visualise à l’intérieur de la Maison-Blanche, il office le Faith and Opportunity Initiative (WHFOI), un espace au sein duquel le vice-président Mike Pence, le secrétaire d’État au département, Mike Pompeo, et le ministre de l’éducation Betsy De Vos, partagent des réunions théologiques « de guérison » organisées par Capitol Ministries.

Ces réunions ont un rang institutionnel depuis que l’ actuel homme d’affaires devenu président, a signé le décret # 13831 du 3 mai 2018, par lequel le WHFOI est défini comme un espace spirituel de réflexion pour le gouvernement.

Drollinger fut à Buenos Aires en novembre 2009 dans l’intention de renforcer l’opposition au Kirchnerisme qui, à cette époque, cherchait à affaiblir le gouvernement de Cristina Fernández. Depuis cette époque, sa représentation à Buenos Aires est gérée par l’organisation Parliament and Faith, dirigée par Luciano Bongarra, un participant régulier à la Delegación de Asociaciones Israelitas Argentinas (DAIA), avec laquelle il partage sa sympathie pour la politique de Bibi Netanyahu.

Bongarra figure sur le réseau professionnel Linkedin en tant que directeur pour l’Amérique Latine chez Capitol Ministries, alors que le même titre est attribué au pasteur péruvien Oscar Zamora, qui a été le bâtisseur le plus efficace du réseau évangélique avec les différentes délégations diplomatiques de Washington au sud du Rio Grande.

Criminalisation

Dans une de ses interprétations bibliques, selon les exigences du trumpisme, Drollinger a souligné que les processus migratoires devraient être basés uniquement sur des textes sacrés et que la ségrégation ne devrait jamais être mise en question : « Exclure les individus qui peuvent être des criminels, des traîtres, des terroristes ou qui puissent avoir des maladies transmissibles n’est en rien du racisme.

Capitol a justifié la séparation des familles à la frontière mexicaine sur la base de la criminalisation des migrants et a promu la peine de mort sur la base d’un prétendu soutien biblique. L’ancien joueur de basket a également estimé que les femmes ne sont pas aptes à enseigner la Bible et que la présence de femmes dans les domaines législatifs est sans aucun doute un péché, car les femmes doivent prendre soin de leurs enfants et ne pas être loin de chez elles, car elles finissent par fraterniser avec des inconnus.

La relation affective entre les personnes du même sexe, ajoute Drollinger, devrait être considérée comme « une affaire qui suscite la colère de Dieu ». Pour Katherine Franke, professeur de droit et d’études sur le genre et la sexualité à la Columbia University, la présence de Capitol à la Maison Blanche viole la Constitution des États-Unis en promouvant une conviction religieuse particulière : « Le gouvernement [des États-Unis] encourage la religion en tant que projet gouvernemental officiel et cela viole clairement l’une des clauses de la Constitution », a-t-elle déclaré.

Le pasteur Mario Bramnick, descendant de Cubains basé à Miami, a également organisé un mouvement appelé « Latinos for Trump », qui a des ramifications au Mexique et en Amérique Centrale et aux Caraïbes. Bramnick est également le fondateur de la « Coalition latino-américaine pour Israël (LCI) », un groupe de pression évangélique au soutien non critique du gouvernement Bibi Netanyahu. Les pasteurs Bramnick et Drollinger ont institué le ministère pastoral de Capitol Ministries aux Honduras, aux côtés de leur président, Juan Orlando Hernández, afin que ce dernier soit libéré des accusations de trafic de drogue qui pesaient sur lui.

Le 2 août, grâce aux interventions des pasteurs, un tribunal fédéral de New York a accusé le frère du président hondurien, Tony Hernández, de trafic de drogue et d’avoir recueilli 1,5 million de dollars pour financer la campagne électorale de son frère. Selon les enquêtes de CJI et du CLIP, le président ne figure pas parmi les accusés, en raison des bons offices probables de ses amis fondamentalistes de l’OFCB. En échange des dites interventions de Drollinger et Bramnick, Juan Orlando Hernández s’est engagé à déplacer l’ambassade de Honduras à Jérusalem, à la demande du gouvernement de Donald Trump.

Au Mexique, les hôtes de Drollinger se sont organisés autour de l’ Alliance Defending Freedom (ADL) [Alliance pour la Défense de la Liberté], qui anime les mouvements pro-vie et cherche à justifier le mur le long de la frontière mexicaine comme une forme de lutte contre le trafic de drogue : les entrées de la drogue aux États-Unis limitées , affirment les pasteurs , réduira la violence des gangs criminels immédiatement, au fur à mesure que leur financement diminue.

L’une des organisations membres de l’ADL est l’association Incluyendo México AC , qui a réussi à recueillir environ 62 millions de dollars pour les dépenser dans la diffusion d’activités anti-avortement et promouvoir les cliniques proposant des programmes de conversion des homosexuels.

Les prises de position publiques des pasteurs fondamentalistes, promoteurs des thérapies de guérison forcée pour les personnes appartenant aux groupes LGBTI, ont conduit l’American Psychiatric Association (AAP) à publier pour la énième fois que l’homosexualité ne peut être considérée une maladie ou une déviation et qu’il y a près de 5 décennies, en 1972, elle avait été rayée de la liste des troubles mentaux. Pour sa part, l’Organisation mondiale de la santé a accompagné les déclarations du AAP avertissant que, pour la Cour interaméricaine des droits de l’homme, les soi-disant thérapies de conversion pour les personnes LGBTI sont assimilables aux pratiques de torture et doivent être punissables en tant que telles.

Au Paraguay, l’offensive fondamentaliste est dirigée par le représentant de Capitole Ministries à Asunción, Miguel Ortigoza, qui promeut la lutte contre l’immigration des Afro-descendants et des musulmans et s’oppose à la parité des sexes dans les zones représentatives du Congrès guarani. Pour le pasteur Ortigoza, il existe des raisons bibliques d’empêcher l’arrivée d’hérétiques potentiels qui se cachent aux frontières : « Les musulmans ont commencé à venir, et ils sont venus de toutes les couleurs. Ils ont déjà commencé à investir, ce qui entraîne la migration ».

Au Brésil, les partisans de Drollinger et de Bramnick sont des adeptes fervents de Jair Bolsonaro qui, en juin, ont mis en cause un jugement de la Cour Suprême de leur pays qui assimilait l’homophobie à un crime similaire au racisme. A cette occasion, le président a déclaré que la Cour avait « complètement tort ».

Quelque temps auparavant, le ministre de l’Éducation brésilien, le pasteur évangéliste Damares Alves, avait estimé que les filles devaient porter des vêtements roses alors que les garçons devaient faire attention à s’habiller avec la couleur bleue. Il a également expliqué que les viols des filles dans les secteurs populaires étaient causés par le manque de sous-vêtements. Le problème, a suggéré Alves, pourrait être résolu efficacement avec la mise en place d’entreprises fabriquant des culottes.

Diviser

Les membres de Capitol ont pour tâche fondamentale de promouvoir une législation anti-droits et d’affronter ceux qui défendent les idéologies de genre. Cependant, l’objectif principal est de diviser les majorités populaires, sous le prétexte de la protection de la famille noyau, territoire du soutien de base de l’affectivité sociale des groupes les plus vulnérables.

Basée sur la promotion de cette segmentation caryocinétique, on vise à empêcher la formation et/ou la sollicitation d’identités politiques cohérentes, capables de remettre en cause la logique néo-libérale. En outre, pour contribuer à cet objectif, les membres de l’OFCB proclament la théologie de la prospérité, une doctrine qui bénit ceux qui s’enrichissent et méprisent les humbles.

Pour ces conceptions, les pauvres arrivent à la misère à la suite d’une punition divine : les riches - affirment les membres de Capitole - seront récompensés tandis que les nécessiteux seront les destinataires de la leçon théologique méritée. Par nature transitive, les États-Unis sont prospères par décision céleste, tandis que les habitants de l’Amérique Latine sont les nécessiteux du fait de leur responsabilité propre et absolue.

Ils marchent. Mais ce ne sont pas des saints.


*Jorge Elbaum est sociologue, Docteur en Sciences Économiques. Président du « Llamamiento Argentino Judío ».

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