Le premier tour de l’élection présidentielle Français a lieu dimanche et les sondages indiquent que la course entre le président sortant Emmanuel Macron et la dirigeante du Rassemblement national Marine Le Pen se resserre.
Si aucun candidat n’obtient 50% des voix au premier tour (Macron est actuellement en tête avec un peu plus de 25%, Le Pen dans les 20 ans), alors il ira au second tour le 24 avril.
Pourtant, Macron pourrait trouver un certain réconfort dans la victoire écrasante de Viktor Orban en Hongrie dimanche dernier. Un certain nombre d’analystes pensent que la gestion par Orban des pressions concurrentes exercées sur la Hongrie en raison de la guerre en Ukraine l’a aidé à remporter une victoire convaincante sur une large coalition gauche-droite à six partis qui comprenait des partis aussi disparates que la Coalition démocratique libérale et le Jobbik antisémite d’extrême droite.
Alors qu’Orban a condamné l’invasion russe, il a également refusé de se joindre à tout coup de sabre des autres États hongrois de Visegrad et de leurs voisins baltes. Sa politique, y compris le refus de transférer des armes à l’Ukraine, reflète une détermination à empêcher son pays de devenir un co-belligérant dans le conflit.
Marcon, lui aussi, pourrait bien voir un « rebond de guerre » le 10 avril.
Les candidats d’extrême droite Eric Zemmour, Marine Le Pen et le gauchiste Jean-Luc Mélenchon ont été pénalisés par leurs déclarations conciliantes envers Vladimir Poutine. La candidate de centre-droit Valérie Pécresse a tenté de gagner du terrain dans la course en dépeignant les trois comme des apologistes de Poutine. Mais elle n’a pas pu faire la même chose avec Macron, et pour cause.
Macron a su habilement enfiler l’aiguille avec une politique qui pourrait se résumer ainsi : condamner mais s’engager.
Dans un discours à la nation le 2 mars, Macron a noté que « les conséquences de ces événements se feront sentir non seulement à court terme, [ou] au cours des prochaines semaines », a-t-il déclaré. « Ils marquent également le début d’une nouvelle ère. »
Cela ne semble que trop vrai.
La crise a permis à Macron de sortir pleinement et enfin de l’ombre portée par l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel. Dans un sens, Macron a également été aidé par la concurrence, après tout, le clown Boris Johnson et le gaffeux Joe Biden ont, jusqu’à présent en tout cas, échoué à projeter des messages clairs pour répondre au moment. Macron, peut-être le seul parmi les dirigeants occidentaux, semble posséder la capacité d’agir comme un intermédiaire honnête entre les Russes et les Ukrainiens.
Cela s’explique en partie par sa poursuite de « l’autonomie stratégique » de la France, d’une politique étrangère gaulliste plutôt qu’atlantiste. Le gaullisme, comme je l’ai écrit ailleurs, est une philosophie de gouvernement basée sur 4 piliers : sur la primauté de la souveraineté nationale et de l’État-nation ; sur le scepticisme à l’égard de l’atlantisme et des prétentions impériales de l’Amérique; sur le respect des traditions nationales; et sur la valeur des relations Est-Ouest, comme en témoignent l’Ostpolitik du chancelier allemand Willy Brandt et la détente de l’ancien président Richard Nixon.
Les principaux conseillers de Macron reconnaissent depuis longtemps que l’ancien paradigme de la guerre froide poursuivi par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN, y compris, en particulier, le Royaume-Uni, la Pologne et les anciennes républiques soviétiques d’Estonie, de Lettonie et de Lituanie, est dépassé.
Dans une interview accordée au Financial Times en février, le ministre Français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que Macron estimait que « nous devions parler à la Russie, même si c’est difficile, très exigeant, épuisant [...] parce que c’est un voisin, un grand, et qu’il n’a pas l’intention de déménager. Bruno Le Maire, le ministre Français de l’Economie, a également appelé l’OTAN à « abandonner ses approches idéologisées de la guerre froide ».
Rappelons qu’en juin dernier, Macron et Merkel ont proposé une réunion au sommet entre Vladimir Poutine et les dirigeants de l’UE. Pourtant, l’idée n’est allée nulle part, en grande partie grâce à l’opposition des États baltes et de la Pologne. Rétrospectivement, la décision de mettre la proposition de côté semble être le comble de la myopie, en particulier de la part des États situés à la frontière occidentale de la Russie qui bénéficieraient le plus d’un dialogue durable sur la sécurité. L’insistance à continuer à faire ce que les États membres de l’OTAN ont fait pendant 30 ans – c’est-à-dire parler fort pendant que l’Oncle Sam porte le gros bâton – n’a pas, c’est le moins qu’on puisse dire, répondu aux réalités de l’après-guerre froide sur le terrain.
Apparaissant à la télévision Français le 27 mars, Macron a observé que « les États-Unis et la Russie ont structuré le monde pendant la guerre froide. Nous ne sommes plus dans la guerre froide. » Il est, a-t-il dit, temps pour l’Europe de développer « une politique de défense et nous devons définir une architecture de sécurité pour nous-mêmes et ne pas déléguer cette tâche ».
L’autonomie stratégique européenne est basée sur la reconnaissance que, dans un monde multipolaire, les vieux nostrums du caractère indispensable américain ne s’appliquent pas. Les récalcitrants qui veulent, comme l’a fait le président Dwight Eisenhower, que les États-Unis se retirent en Europe et que l’Europe paie pour sa propre défense et se débrouille seule, devraient se réjouir d’une telle politique.