Dans un discours prononcé devant le Parlement européen à Strasbourg en janvier, le président Français Emmanuel Macron a déclaré qu’il estimait que le moment était venu pour l’Europe de construire « un nouvel ordre de sécurité et de stabilité ».
« La sécurité de notre continent », a-t-il poursuivi, « nécessite un réarmement stratégique de notre Europe en tant que puissance de paix et d’équilibre, en particulier dans le dialogue avec la Russie ».
Dimanche, Macron a été le premier président Français à être réélu depuis Jacques Chirac il y a 20 ans, avec une victoire de 17 points sur la populiste d’extrême droite Marine Le Pen.
Pourtant, la réélection de Macron ne garantit en aucun cas que sa quête d’autonomie stratégique pour l’Europe sera couronnée de succès dans les années à venir. En effet, Macron hérite désormais d’une France politiquement fracturée chez elle et d’une Europe rongée par la guerre en Ukraine à l’étranger.
Comme me le dit Marlene Laruelle, professeure à l’Université George Washington et directrice de son programme d’études illibérales, c’est peut-être une défaite le jour des élections pour Le Pen, mais pour le droit de vote illibéral en France, « c’est une victoire politique ». Laruelle a également noté le taux record d’abstentions: 28% en général, avec un taux record de 42% chez les jeunes électeurs, comme un signe inquiétant.
À l’étranger, le plus grand défi auquel Macron est confronté est la guerre russo-ukrainienne qui, quoi qu’il arrive, affectera inévitablement les plans du président Français pour une défense européenne plus indépendante et autosuffisante.
Ce à quoi nous pouvons nous attendre, selon le professeur de politique internationale à l’Université américaine de Paris, Hall Gardner, c’est que Macron « continue à poursuivre un règlement négocié ».
Selon Gardner, auteur du livre à paraître, Toward an Alternative Transatlantic Global Strategy:
« Il doit y avoir quelqu’un pour engager des discussions entre belligérants, même en temps de guerre et malgré d’horribles crimes de guerre. Macron soutient que la Russie « refusera » un accord de paix jusqu’à ce qu’elle obtienne une certaine forme de « victoire », peut-être – mais pas nécessairement – par la célébration russe du 9 mai de la défaite soviétique de l’Allemagne nazie. Néanmoins, Macron a continué à soutenir qu’il n’y aura pas de paix en Europe à moins qu’un nouveau système de sécurité européenne intégrant la Russie puisse être construit une fois le conflit russo-ukrainien réglé. »
Mais sur ce front, Macron fait face à une Europe profondément divisée. Laruelle note :
« La façon dont les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada prennent l’initiative d’aider l’Ukraine comprime quelque peu la stratégie de Macron consistant à dire « nous devrions avoir une vision européenne de l’autonomie ». Je pense que cela peut aller dans les deux sens: il y a une prise de conscience en Europe que, d’accord, nous devons être en mesure de travailler ensemble sur cette question. Dans le même temps, à cause de la guerre, l’OTAN s’est renforcée. »
Et à l’heure actuelle, il semble que la plus grande question quant à savoir si Macron réussira dans sa quête d’autonomie stratégique est l’Allemagne.
Gardner estime que les plans de Macron « seront facilités par la décision allemande d’augmenter considérablement les dépenses de défense de 100 milliards d’euros, plus les efforts européens pour mieux coordonner les dépenses de défense ».
D’autre part, comme l’observe Laruelle, « l’Allemagne est vraiment en train de changer sa position antérieure envers la Russie et rejoint maintenant le récit d’Europe centrale sur la Russie. C’est maintenant un récit plus orienté vers l’OTAN que vers l’autonomie européenne. » Mardi, le ministère allemand de la Défense a annoncé qu’il livrerait pour la première fois des chars antiaériens Gepard à l’Ukraine.
L’inquiétude pour Macron, dit Laruelle, est de savoir si l’Allemagne « embrasse totalement le point de vue polonais, balte, ukrainien », ce qui finirait par isoler le projet de Macron de prendre une certaine distance par rapport à l’OTAN en poussant pour une politique européenne plus autonome.
Reste à savoir si le nouvel engagement de l’Allemagne en matière de dépenses de défense s’avère être une réaction éphémère au traumatisme de l’invasion russe.
Mais ce qui est certain, c’est que la seule issue au conflit passe par un règlement pacifique soutenu par les puissances européennes. À cette fin, « il est crucial que les États-Unis commencent bientôt à prendre des mesures pour travailler avec, et non contre, la France et l’Allemagne, pour rechercher la paix avec Moscou afin de mettre fin à cette guerre dès que possible », souligne Gardner, ajoutant, « si ce n’est pas également accompagné d’une offensive diplomatique qui acceptera certaines concessions et compromis avec la Russie sur la Crimée et le Donbass, les efforts de l’administration Biden pour « affaiblir » la Russie est un jeu à haut risque .