Les dernières déclarations de la chef du gouvernement italien sont principalement politiques, mûrement méditées et planifiées. Elles insistent sur l’impératif d’aider la Tunisie auprès du FMI et des pays donateurs, pour éviter l’effondrement de l’économie tunisienne. Pour dit-elle protéger l’Italie contre un afflux massif d’émigrants irréguliers de la Tunisie et de l’Afrique en général.
L’axe Rome-Alger
Un scénario catastrophe plausible du point de vue de la probabilité. Un scénario anticipé et discuté entre elle et le président algérien, il y a seulement deux mois, lors de sa visite d’Etat en Algérie? l’Algérie serait de mèche dans cette démarche annonciatrice d’effondrement.
Et pas pour rien, l’Italie souhaite élargir ses alliances au Sud de la Méditerranée pour sécuriser son approvisionnement en gaz et pétrole, damant au passage le pion à sa concurrente la nébuleuse de la France-Afrique. L’Algérie joue le jeu, et fait tout pour écarter les intérêts et ambitions française dans la région.
La Tunisie, en difficulté économique grandissante, son président s’allie à son ami Macron, soit à la France coloniale d’antan. On devine le reste, l’axe Rome-Alger fonctionne à merveille en neutralisant la Tunisie, et en craignant comme la peste l’effondrement de la Tunisie, et le scénario libyen (partition et chaos novateur).
C’est pourquoi l’Algérie et l’Italie jouent la main dans la main pour le dossier tunisien.
Le scénario de l’effondrement de l’Etat tunisien est désormais adopté par les 27 pays de l’Union européenne. Et cela n’est pas rien!
Le stress économique est réel
Advenant ce scénario catastrophe, une vague de migration clandestine et incontrôlée, s’enclenche vers l’Italie, et par ricochet vers la France et l’Allemagne, de façon indirecte.
Les services de renseignements italiens estiment à presque 700 000 immigrants africains qui attendent en Libye pour partir en Italie, via la Tunisie, si l’Etat tunisien exsangue venait à s’effondrer et à perdre contrôle sur services publics essentiels.
Il n’y a pas que l’Italie qui voit venir l’imminence d’une banqueroute en Tunisie, si jamais le président Kais Saied maintenait sa procrastination face aux réformes exigées par le FMI et les bailleurs de fonds.
Pour de nombreux analystes et économistes, la Tunisie est déjà techniquement en faillite, incapable de rembourser une dette insoutenable, une dette devenue en même temps incontournable pour payer les salaires de presque un million de fonctionnaires (tous les secteurs publics et parapublics), sur une population active occupée totale de 3,7 millions.
L’accord du FMI est incontournable
L’accord avec le FMI devenait de facto la première bougie d’allumage pour d’autres aides et financements internationaux. Mais cela n’est que le début d’une longue trajectoire de réformes douloureuses sur tous les plans. Le pays s’appauvrit de façon lente et continue depuis 2011. Les processus d’appauvrissement et de destruction de la classe moyenne se sont renforcés dangereusement depuis 2018.
Mais cela ne convient pas au président Kaïs Saied qui a monopolisé tous les pouvoirs et qui souhaite entamer les prochaines élections présidentielles avec un minimum d’encombrés et d’accros sociaux, sécuritaires et tensions avec les syndicats.
Le statu quo prôné par Kais Saïd n’est certainement pas tenable, les caisses de l’Etat sont vides, déficitaires de 25 milliards de dinars pour boucler le Budget de l’Etat (60 milliards de dinars).
Les Européens voient que le pays est pris en tenaille entre le pouvoir autoritaire du président Kaïs Saied d’un côté et le blocage avec le FMI, et indirectement avec les bailleurs de fonds internationaux. C’est pour cela, que l’UE durcit le ton et veut faire bouger les lignes entre la Tunisie et le FMI, d’un côté et de l’autre entre les dimensions politiques et enjeux économiques au sein de l’Etat tunisien.
Épée de Damoclès!
L’économique constitue désormais une épée de Damoclès qui pendouille sur le régime de Kais Saied et sur la stabilité politique en Tunisie.
L’Italie est non seulement un pays voisin joignable en peu de temps en bateau (200 km), mais il est aussi un partenaire économique majeur pour la Tunisie. Le volume des exportations tunisiennes vers l’Italie avoisine les 20%, et les importations frôlent les 14 % des totaux import-export.
Plusieurs centaines d’entreprises tunisiennes exportent en Italie (pêche, huile d’olives, légumes, fruits, …). Le principal gazoduc qui relie l’Algérie à l’Italie passe par la Tunisie, et pour rien au monde, l’Italie ne veut se faire surprendre par des coupures et sabotages issus d’un effondrement de la Tunisie, et le retour au chaos vécu les années qui ont suivi 2011, la fuite du dictateur Ben Ali.
Ces chiffres en disent long sur l’importance des dégâts occasionnés à l’économie tunisienne, si l’Italie venait à mettre davantage de pressions sur la Tunisie. On peut penser aux sanctions qui cibleraient la restriction des importations, ou l’imposition de taxes additionnelles sur les exportations, ou même le blocage purement et simplement de certains produits.
Appauvrissement et pourrissement…
Ce scénario extrême mettrait en danger des centaines de milliers d’emplois en Tunisie. Il peut empirer si l’Union européenne emboîte le pas pour un imposer des sanctions économiques ou un boycott de la Tunisie, pour ses productions en plus d’un resserrement des activités touristiques, profitant à la Tunisie.
Les enjeux sont énormes pour l’économie tunisienne, et le gouvernement tunisien doit pouvoir naviguer intelligemment et montrer qu’il est à la hauteur des défis, agissant avec lucidité et loin des diatribes et rhétorique politiques affectionnées par le président Kaïs Saied.
L’investissement est à plat, et l’Etat ne peut même plus entretenir ou remplacer des infrastructures économiques vitales. Le tissu productif se disloque et s’effiloche, morceau après morceau, secteur après secteur…Il faut être aveuglé par la gestuelle politique partisane pour ne pas voir comme l’économie craque et craquelle de partout.
L’Etat tunisien ne doit pas continuer à jouer avec le feu, en se fermant les yeux, sur l’urgence des réformes et d’un accord avec le FMI, accord qui lèverait l’état de siège financier imposé de facto sur la Tunisie.
Le gouvernement tunisien doit aussi mieux communiquer relativement à ces enjeux, de manière transparente et documentée, chiffres à l’appui.
Faute de quoi, la panique actuelle peut sortir du contrôle pour déboucher rapidement sur une instabilité politique, des fuites de capitaux et un départ précipité des investisseurs étrangers opérant en Tunisie.
Aux économistes d’assumer leur rôle de déclencheur d’alerte!
À bon entendeur salut…