Le système libéral à l’occidentale a échoué. Il faut en tirer les conséquences

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1. Élections présidentielles américaines. À votre avis, y aura-t-il une différence avec Trump, si c’est Biden qui l’emporte ?

Il y aura une différence de forme, bien sûr, mais le fond risque d’être à peu près le même. Le problème, avec Trump, c’est qu’il tenait un langage de rupture avec l’impérialisme, mais il le démentait aussitôt par ses actes avec un aplomb extraordinaire. Il disait qu’il ne voulait pas que les États-Unis continuent à jouer au “gendarme du monde”. Mais si c’était vraiment son intention, pourquoi a-t-il maintenu 725 bases militaires à l’étranger ? Pourquoi a-t-il continué d’infliger des sanctions économiques à 39 pays ?

Si Trump voulait rompre avec la politique belliciste des États-Unis, pourquoi a-t-il porté son budget militaire de 620 à 740 milliards ? Il critiquait le Pentagone côté cour, mais côté jardin il mangeait dans la main du complexe militaro-industriel. Ses partisans en Europe disent qu’il n’a déclenché aucune nouvelle guerre.

C’est vrai. Mais il a affamé le Venezuela, harcelé Cuba, menacé l’Iran, bombardé la Syrie et calomnié la Chine. Trump, c’est le roi de l’esbroufe. Biden, c’est autre chose. Un démocrate bon teint, pur produit de l’establishment, qui va mobiliser le camp occidental contre les “méchants” avec une rhétorique droit-de-l’hommiste.

2. Dans ce contexte, la Chine continuera d’être “l'ennemi” à affronter ?

Oui, bien sûr. Trump a pris l’initiative de cette nouvelle guerre froide, mais un autre président aurait fait de même. Nous sommes entrés dans une ère nouvelle, et la confrontation va se poursuivre à tous les niveaux. La guerre tarifaire va continuer, mais en baissant d’intensité, car la Chine a décidé de développer son marché intérieur, comme l’a annoncé, à Pékin, le dernier plénum du comité central préparatoire au prochain Plan quinquennal.

La guerre technologique va s’amplifier, mais rien n’empêchera la Chine d’accéder au premier rang dans un domaine où elle investit davantage que les États-Unis. Washington va aussi accentuer sa pression militaire sur la Chine, dont la façade côtière est cernée par un véritable glacis de pays satellisés, de bases militaires et de forces aéronavales.

Mais les États-Unis, surtout, vont intensifier l’offensive diplomatique sur la question des droits de l’homme. Graham Allison explique dans Le Piège de Thucydide que les États-Unis ne peuvent pas remporter la compétition économique avec la Chine, car elle a déjà gagné, et qu’ils ne peuvent pas l’affronter militairement, car ce serait prendre le risque d’une destruction mutuelle. Reste le seul domaine où ils peuvent affirmer leur supériorité : les droits de l’homme !

C’est pourquoi Washington s’ingère systématiquement dans les affaires intérieures chinoises, du Tibet au Xinjiang en passant par Hong Kong. Tout est bon pour déstabiliser la Chine, et l’imagination occidentale est sans limite. Le dernier exemple de cette propagande, c’est la fable grotesque des “trois millions de Ouïghours” enfermés dans des camps de concentration.

3. Vous avez écrit un article, le 19 mars 2020, sur la victoire remportée par la Chine contre le Covid-19, au moment où d’autres pays ont commencé à appliquer le confinement. Les problèmes que connaissent actuellement les systèmes de santé occidentaux, qui paient les conséquences de leurs politiques libérales, marquent-ils la défaite du système capitaliste ?

Oui, j’ai été l’un des premiers, en Occident, à annoncer que la Chine avait réussi ce qu’aucun pays n’a jamais réussi à faire : vaincre une épidémie en deux mois par une mobilisation massive de la société et de l’État. Après avoir signalé le virus à l’OMS le 31 décembre 2019, la Chine s’est mise en ordre de bataille. Le confinement de millions de personnes, dès le 23 janvier, a ralenti la progression de l’épidémie. Apparu masqué à la télévision le 8 février, le président Xi a décrété “une guerre du peuple contre le nouveau démon”. Des dizaines de milliers de volontaires ont afflué dans le Hubei, des dizaines d’hôpitaux ont été construits en quelques semaines, des milliers d’équipes ont été envoyées pour tracer les contacts entre les malades et leur entourage.

La vérité, c’est que le système chinois a fait la démonstration de sa supériorité. La Chine a un État qui fonctionne. Mais le nôtre, où est-il ? Dans un pays où la propriété publique est négative en raison de la dette extérieure, où l’on a privatisé et démantelé les services publics, où l’État est l’otage volontaire des milieux financiers, nous sommes incapables d’effectuer 10% de ce que les Chinois ont fait. Le système libéral à l’occidentale a échoué. Il faut en tirer les conséquences.

4. Cuba, le Venezuela, le Vietnam, voire la Chine, pays socialistes aux caractéristiques particulières, avec leur système de santé publique, ont pu mieux faire face à la pandémie. Le socialisme est-il la nouvelle voie ?

En effet, il est frappant que les pays les plus efficaces dans la gestion de la pandémie sont soit des États à orientation socialiste, comme la Chine, le Vietnam, Cuba, l’État indien du Kerala ou encore le Venezuela, soit des États asiatiques de tradition confucéenne, comme le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et Singapour.

Les pays les moins efficaces, à l’inverse, ce sont les États-Unis, en plein marasme, l’Inde (sauf le Kerala dirigé par les communistes) et le Brésil, c’est-à-dire de grands pays capitalistes dirigés par une oligarchie cupide et réactionnaire. Vous voulez échapper à la pandémie ? Vous savez ce qu’il vous reste à faire. Dès qu'il s'agit de sauver des vies humaines, la supériorité du socialisme sur le capitalisme n’est pas un article de foi, c’est une réalité objective.

5. La Syrie vit une guerre d’agression depuis près de 10 ans. Pourquoi la Syrie d’Assad est-elle un adversaire inconfortable pour l’Occident ? Pourquoi le récit de la “révolution” contre la “dictature” est-il encore si vivace, alors que les soi-disant “rebelles” sont en fait des djihadistes ?

La tragédie syrienne est révélatrice d’une hypocrisie monumentale : celle d’un Occident qui ose parler de démocratie tout en orchestrant une guerre ignoble contre un peuple qui ne lui a rien fait. Pour légitimer une telle ignominie, depuis dix ans, on a vu apparaître dans l’espace médiatique occidental une foule de charlatans. Certains courants de gauche, en particulier, se sont littéralement vautrés dans la fange.

En demandant aux puissances occidentales d’armer les soi-disant rebelles, ils ont pris leur part de responsabilité dans la tragédie syrienne. Ils ont jeté un écran de fumée sur les enjeux du conflit. Ils ont fait passer une insurrection mafieuse et réactionnaire pour une révolution populaire et démocratique. Ils ont blanchi le terrorisme chez les autres tout en le condamnant dans leur propre pays.

Ils ont calomnié l’armée syrienne en la faisant passer pour une bande de tortionnaires, alors que cette armée nationale a payé un lourd tribut pour défendre la patrie. Plus personne ne croit à cette narration mensongère, mais elle aura fait des dégâts considérables.

6. Damas peut-il sortir victorieux de la nouvelle vague de sanctions ? La Russie, l’Iran et la Chine peuvent-ils donner un coup de main concret pour renverser cette terrible situation économique ?

La Syrie est dévastée, mais elle tient bon. Malgré les sanctions occidentales qui affament son peuple, malgré la guerre et l’occupation étrangère de certaines parties du territoire qui n’ont pas encore été libérées. Si elle tient bon, c’est parce que son État ne s’est pas effondré, parce que son armée se sacrifie pour sauver le pays et parce que la Syrie a des alliés fiables.

En fait, il n’y a jamais eu de guerre civile en Syrie. Cette guerre par procuration a été déclenchée par les puissances impérialistes. Une coalition criminelle s’est formée pour abattre l’État syrien, lequel a su former une coalition, à son tour, pour éliminer un par un les groupes terroristes qui servaient de piétaille à la coalition adverse.

L’analyse des rapports de forces doit donc tenir compte de cette double internationalisation du conflit. Mais elle doit aussi intégrer l’hétérogénéité des deux coalitions. Celle que dirigent les États-Unis est une meute groupée autour du mâle dominant de l’impérialisme, avec les pétromonarchies comme bailleurs de fonds et les puissances occidentales de second rang, comme la France, dans le rôle de supplétifs et de faire-valoir.

La coalition de nations souveraines qui leur fait face est d’une tout autre nature. La Chine et la Russie sont les acteurs majeurs de la transition qui voit succéder un monde multipolaire à la jungle que l’impérialisme affuble du titre ridicule de “monde libre”. Mais ceux qui se prennent encore pour les maîtres du monde ne voient pas que le sol s’effondre sous leurs pieds.

7. Les récents accords de normalisation avec Israël, promus par Trump, de Bahreïn, des Émirats arabes unis, du Soudan sont-ils une stratégie pour liquider la cause palestinienne ou pour combattre l’Iran ?

Ces accords de normalisation sont des pactes de la honte où les rois du pétrole ont fini par vendre leurs frères palestiniens au plus offrant. Mais la cause palestinienne, en tant que telle, personne ne pourra la liquider. Aussi longtemps que le peuple palestinien poursuivra la résistance, cette cause représentera la mauvaise conscience de l’humanité, une sorte de tache honteuse située dans le dernier recoin de la planète où on colonise en toute impunité un territoire dont les propriétaires légitimes sont traités comme des usurpateurs.

L’État-colon s’imagine sans doute qu’il est à l’abri de sa puissance militaire et du parapluie américain, mais en ce monde rien n’est éternel. En 2006, l’armée sioniste croyait qu’elle pourrait “éradiquer” le Hezbollah libanais. Or la seule chose qui a été éradiquée, c’est le mythe de l’invincibilité de l’armée israélienne.

Comme disait Engels à propos de l’histoire en général, les relations internationales sont “le domaine des intentions inconscientes et des résultats imprévus”.

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