« Le principe de l’individualisme énonce que, pour expliquer un phénomène social quelconque (…), il est indispensable de reconstruire les motivations des individus concernés par le phénomène en question, et d’appréhender ce phénomène comme le résultat de l’agrégation des comportements individuels dictés par ces motivations. » (1986)
1/ Biographie
Raymond Boudon est né à Paris, le 27janvier 1934. Adolescent, il a fréquenté le lycée Condorcet de 1946 à 1951 puis le lycée Louis le Grand de 1951 à 1954. Il rentre ensuite à l'École normale supérieure (ENS) d’où il sort agrégé de philosophie 1958.
Après son service militaire, il se rend aux États-Unis pour faire une année d'études à l’Université de Columbia à New York (1961-1962) sous la direction de Paul Lazarsfeld, sociologue et épistémologue de renommée internationale. Raymond Boudon disait à propos de son professeur, « Je crois, qu'il a été l'influence la plus forte que j'ai subie ». L'ancien élève de l'École normale supérieure fera un doctorat ès lettres et sciences humaines à la Sorbonne (1967) où il a fait l’essentiel de sa carrière en tant que professeur de sociologie.
Raymond Boudon était membre de l'Institut de France (Académie des sciences morales et politiques), de l'Academia Europae, de l'Académie internationale d'éducation (International Academy of Education) Oxford/Bruxelles et membre associé de l'Académie américaine des arts et des sciences. Il a reçu de nombreux prix scientifiques pour quelques-uns de ses ouvrages fondamentaux, notamment L'inégalité des chances (1973), Effets pervers et ordre social (1977) et L'art de se persuader (1990).
2/ Une approche individualiste
Raymond Boudon rejette l'approche de Bourdieu. L'école n'est pas responsable des inégalités scolaires. Pour comprendre l'inégalité des chances, il faut partir des stratégies des individus.
« Lorsque la famille définit plus ou moins confusément le statut qu’elle considère que le jeune peut légitimement chercher à obtenir, elle se détermine dans une large mesure par référence à son propre statut. Il en va de même du jeune lui-même : pour un individu donné, l’intérêt relatif de tel ou tel statut est normalement déterminé, dans une certaine mesure du moins, à partir du statut provisoire que sa famille lui confère. » (1990)
3/ Des inégalités liées aux choix des familles
Au sein du système scolaire, les parents et leurs enfants sont confrontés à des choix d'orientation. Pour effectuer ces choix, ils évaluent les avantages, les coûts et les risques liés à chaque alternative. Par exemple, la poursuite d'études longues est coûteuse et risquée mais elle permet d'obtenir une profession bien rémunérée.
« Les motivations sont affectées par l'origine sociale : les coûts socio--économiques d'une scolarité supplémentaire tendent à croître à mesure que la classe sociale est plus basse; en outre, les avantages anticipés d'un supplément de scolarité tendent à être perçus comme d'autant plus faibles que la classe sociale est plus basse (en effet, un individu de classe basse atteint plus vite le niveau scolaire lui permettant d'espérer un statut social supérieur à celui de sa famille d'origine); enfin le risque encouru à s'engager dans un investissement scolaire varie avec la classe sociale. ». (1982)
Ainsi, les stratégies sont influencées par l'origine sociale. Les catégories supérieures connaissent bien les avantages du diplôme, peuvent facilement supporter les coûts de la scolarité et savent gérer les risques de l'échec scolaire. À l'inverse, les catégories populaires sous-estiment les avantages du diplôme, ont des difficultés à financer les études et surestiment les risques.
Les inégalités proviennent donc de ces choix d'orientation et comme ces choix sont nombreux au sein du système scolaire, les inégalités sont cumulatives : « Étant donné que le système scolaire propose aux individus une suite d'orientations au cours de leur carrière scolaire, il en résulte que l'effet des différences de motivations est multiplicatif. » écrivait-il.
Exemple d’une stratégie familiale
2.3/ La lutte contre l'inégalité des chances
Pour restaurer l'égalité de chances, il faut combattre les effets pervers des stratégies. En limitant les choix d'orientation, on pourrait limiter les inégalités mais dans ce cas, l'école ne serait plus en adéquation avec les besoins professionnels.
L'augmentation des bourses permettrait de limiter les coûts des études. Mais pour Boudon, la meilleure solution serait de lier la carrière scolaire aux résultats des élèves, les professeurs orientant les élèves en fonction de leurs résultats.