Érysichthon de Thessalie en terres arabes

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Érysichthon, prince de Thessalie fils de Triopas roi de Thessalie, ordonne à ses courtisans d’abattre le peuplier sacré destiné au culte de Déméter, la déesse grecque de l’agriculture. Tous les hommes qui s’opposèrent au sacrilège furent décapités, exilés ou emprisonnés. Déméter ordonne alors à la prêtresse Nicippé d’aller raisonner Érysichthon, mais en vain. Déo, une des dryades (nymphes déesses mineures présidant au culte des arbres) qui vivait dans l’arbre le prévient qu’il sera châtié, mais il persiste à abattre l’arbre sacré. Il persiste et abat l’arbre. Déméter, pour le punir, l’affecte alors d’une faim insatiable.

Tourmenté par sa faim dévorante il vend tout ce qu’il possédait pour assouvir son appétit sans fin. En quelques jours il a mangé autant de provisions que la population d’une grande cité. Très vite, tout son or et ses biens sont engloutis dans l’achat de nourriture. Il ne lui reste alors qu’à vendre comme esclave sa jeune et jolie fille Mestra. Mestra, ne voulant pas devenir esclave demande à Poséidon de lui accorder le don de se métamorphoser à volonté, en humain ou en animal. Elle peut ainsi pourvoir à la subsistance de son père qui parvient à la revendre grâce à sa capacité d’échapper aux acheteurs en changeant de forme.

La fille lassée d’être traitée en esclave par son père, se métamorphose et échappe à son regard et à son emprise. La spirale infernale de manger, manger et encore manger ne peut être rassasié par vendre et revendre l’unique et dernier bien qui a fini par se volatiliser. Le roi Triopas ruiné et honteux par la conduite du prince Érysichthon décide de répudier son fils Érysichthon dépensier insatiable. Érysichthon privé de filiation et de biens va passer les derniers jours de sa vie à mendier et fouiller les ordures. Rien ne pouvait freiner sa faim dévorante : il n’avait le choix qu’entre deux résignations cruelles : mourir de faim ou se dévorer les mains. La faim est plus forte : il meurt en se dévorant lui-même.

Erysichthonisme n’a rien à voir avec l’analgésie où celui qui en est atteint peut se mordre les doigts et la chair jusqu’à l’os. Sans L’analgésie congénitale, cette maladie qui empêche de ressentir toute douleur physique est une forme grave, mais rare. Elle est grave, car elle provoque des handicaps lourds faute de précautions devant l’absence de signaux d’alarme. Elle est rare, car c’est une mutation génétique qui ne concerne que quelques personnes dans le monde et qui montre dans leur cas que ce qui semble être un avantage (ne pas souffrir) est en réalité un inconvénient majeur.

Le mythe d’Érysichthon ou le syndrome « bouffe jusqu’à bouffer le monde, bouffe jusqu’à te bouffer » est plus grave, car il met en danger les peuples et les ressources d’une nation voire la paix dans le monde. Par contre, il n’est pas rare, lorsqu’on observe le système de rente et le mode de gouvernement, d’appropriation des biens et de consommation tant matérielle qu’immatérielle. Il est l’aboutissement logique des systèmes pervers narcissiques : l’enfantement des monstres.

Ce mythe montre la fin violente et tragique de ceux qui pratiquent la prédation avec voracité et qui commettent des actes sacrilèges. Combien de rois, de princes, de présidents, de gouvernants, d’administrateurs, dans les contrées arabes et musulmanes vivent sans dévorer les biens de la nation? Quelle funeste destinée les attend? On peut se consoler en se disant que les Européens et les Américains cultivent le même mythe avec une façade démocratique et une narrative médiatique qui font illusion de bonne gouvernance. C’est partout kifkif, sauf que les uns y mettent la brutalité du « non-civilisé » et d’autres le raffinement du « civilisé ».

Regardez ce qu’ils ont fait en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, au Yémen, et ce qu’ils comptent faire de nouveau en Syrie, en Libye, au Liban, en Algérie et en Égypte. La liste n’est pas exhaustive. Jamais l’urgence et la priorité n’ont été aussi fortes que maintenant pour fédérer les honnêtes gens contre le massacre préparé contre les peuples, la confiscation de leurs ressources, la spoliation de leurs territoires et le démantèlement de ce qui leur reste valide comme principe et mémoire. Changer de régime ne doit pas se faire sur les décombres d’un pays et l’effusion du sang de ses habitants.

Les « bouffeurs » dévorants et insatiables sont des fauteurs de troubles, mais dialectiquement ils sont aussi le symptôme de la fin d’un système qui ne peut plus se régénérer par l’effort, l’intelligence et l’innovation. Il est otage de ses « sacrilèges », de son impunité, de sa force, de ses appétits et de ses clients : il court inévitablement et inexorablement à sa perte comme les héros tragiques des mythes grecs.

Le mythe n’est ni un conte pour enfant ni une affabulation pour sénile, mais mémoire horrifiée qui se fabrique une catharsis sociale afin d’évacuer les drames légués par l’histoire et continuer à survivre. Dans un siècle la mémoire arabe aura fabriqué une narrative pour raconter comment deux irresponsables, un monarque sénile et son fils, ministre de la défense, fou démoniaque, ont dévoré le monde arabe.

Pour les naïfs et les sectaires on va leur rappeler quelques vérités occultées par ceux qui cherchent à déchirer le Liban et qui mobilisent les insensés contre le Hezbollah libanais sous prétexte qu’il est hezb as chaytan, l’agent de l’Iran, le collabo d’Israël, le bâtard et autres vulgarités pour le faire dévorer par le sionisme et son maître l’Empire.

La force sociale, politique et militaire du Hezbollah est consacrée, en partie, par l’accord (traité inter-libanais) de Taëf (Arabie saoudite) signé le 22 octobre 1989 pour mettre fin à la guerre civile de 1975. Cet accord, sous couvert d’une commission tripartite (Algérie, Maroc, Arabie saoudite) parrainé par l’Arabie saoudite reconnaissait de facto le caractère politico confessionnel du Liban, la tutelle de la Syrie et la souveraineté du Liban. En toile de fond, l’accord, sur demande américaine :

1 – Il éliminait la seule et véritable force politique et militairesunnite opposée à Israël : Les palestiniens.


2 – Il préparait lesaccords d’Oslo et la reconnaissance d’Israël.


3 – Il préconisait la reconstruction de Beyrouth dont les concepteurs et les réalisateurs étaient la Banque mondiale et le bureau saoudien « Dar al Handassa ». Il s’agissait pour un coût de 1000 milliards de dollars de changer radicalement (occidentaliser) l’architecture, l’urbain et la mentalité pour que le Liban perde son arabité, sa médiation entre l’Orient et l’Occident et se confine dans le nouveau rôle de porte d’entrée de l’Occident en terres arabes.


4 – Il fomentait une guerre fratricide entre les musulmans appelés à se déchirer sur les questions ethniques, confessionnelles, idéologiques et territoriales. Bernard Levy et Brezinski le disaient ouvertement dans leurs livres.

Mais, les Palestiniens et les Libanais ont réussi à déjouer ce complot et continuent de résister.

La voracité des monarchies du golfe et la prédation de l’Empire vont durer encore longtemps jusqu’à ce que la monstruosité de leur entreprise ne trouve plus de naïfs et de sectaires pour se nourrir et finir par s’auto phagocyter. Pour l’instant, en arrêtant de financer l’armée libanaise non seulement l’Arabie saoudite montre qu’elle est en train de se dévorer médiatiquement et diplomatiquement, mais qu’elle le fait d’une façon maladroite et odieuse juste avant qu’elle ne soit épinglée par le parlement européen qui demande un embargo sur les livraisons d’armes des pays de l’Union européenne à l’Arabie saoudite.

Si les mythes sont vrais et ont la vie dure, les miteux vont être dévorés sinon ils vont se dévorer selon la loi implacable :

« Comme tu fais il te sera fait » !!!


Omar Mazri, auteur et écrivain

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