Une défaite pour Matteo Renzi
Le premier acte en est indiscutablement la démission du Premier-ministre italien, M. Matteo Renzi. Ce dernier était vu par les responsables des institutions européennes et par les dirigeants des principaux pays de l’Union européenne, comme un garant des réformes à imposer à l’Italie. Or, et la campagne référendaire l’a montré, ce sont ces réformes qui ont mobilisé les électeurs pour le « non ». Renzi a commis l’erreur de vouloir faire de ce vote un plébiscite de sa politique. Elle a été nettement rejetée. Or, sa politique, et ce fut aussi largement dit dans la campagne, était l’application à l’Italie du cadre disciplinaire conçu à Bruxelles et à Berlin. La victoire du « non » est ainsi directement une défaite pour les européistes d’Italie et d’ailleurs.
Il n’est pas dit que des élections immédiates suivent la démission de Renzi. Il peut « gérer les affaires courantes » pendant plusieurs semaines, ou le président de la république italienne peut tenter une formule de replâtrage avec un des ministres du gouvernement de Renzi. L’idée étant de « tenir » jusqu’en 2018 et d’éviter des élections anticipées. Il est peu probable cependant qu’un gouvernement de transition tienne plus que quelques mois. Des élections sont donc à venir en 2017 en Italie.
La montée des tensions dans la zone Euro
Mais, la situation de l’Italie est aujourd’hui à un point critique pour ce qui concerne son économie et ses banques. Le Monte dei Paschi di Siena, la plus ancienne des banques italiennes, doit émettre 5 milliards de titres cette semaine. Dans le contexte politique créé par l’échec cuisant du référendum, cela ne se fera pas sans difficultés. Plus globalement, le plan – fort complexe – de règlement du problème des mauvaises dettes accumulées dans le système bancaire italien est lui aussi mis en cause. On sait que pour le Monte dei Paschi di Siena ces dettes se montent à 27,7 milliards. Le deuxième acte se jouera sur l’économie et il faudra suivre dans les jours qui viennent comment évolueront les taux de la dette à dix ans de l’Italie. Ce pays est, après la Grèce, le plus endettée de la zone euro.
Or, l’Allemagne refuse tout sauvetage global du système bancaire italien, tout comme elle refuse un règlement global de la dette grecque par la voie d’une annulation d’une partie de ces dettes, ce qu’exige désormais le FMI. La combinaison de ces deux problèmes, la situation italienne et le bras de fer entre l’Allemagne et le FMI sur la Grèce, est grosse d’une nouvelle crise de l’euro.
Vers un changement majeur en Italie ?
Le troisième acte se jouera devant les électeurs italiens. Les élections à venir en Italie, et bien des choses ici dépendent de la volonté non seulement des partis au pouvoir mais aussi de certains partis d’opposition, vont probablement montrer des changements importants. Si les élections devaient avoir lieu rapidement, il est probable que le M5S de Beppe Grillo aurait une large majorité au Parlement, voire une majorité absolue.
C’est pour cela que les élites au pouvoir ont une telle peur de ces élections. Si ces dernières sont repoussées de 6 mois, voire de 9 mois, la possibilité que la Ligue de Salvini (ex Ligue du Nord) prenne de l’ampleur n’est pas à écarter. Le système électoral italien est complexe, et le jeu des partis l’est encore plus. Mais, une chose est claire : le consensus austéritaire et européiste est en train de se fracturer. A l’horizon se profile la question du maintien, ou non, de l’Italie dans la zone euro. Le débat est plus avancé qu’il ne l’est en France. Un nombre grandissant d’acteurs et de responsables a compris que l’Italie DOIT sortir de l’euro. Mais, le problème pour eux est de savoir comment.
Cela implique, et c’est le quatrième acte, que les conséquences pour la France seront importantes. Je l’ai déjà écrit. En un sens, la défaite de Renzi est aussi la défaite de l’austérité, et donc celle de Fillon. Il faudra voir comment ce dernier va réagir et s’il va recomposer son projet économique. Mais, en tout état de cause, la victoire du « non » au référendum italien ouvre un espace important aux forces qui en France contestent l’euro et l’union européenne.
*Jacques Sapir est un économiste français, il enseigne à l’EHESS-Paris et au Collège d’économie de Moscou (MSE-MGU). Spécialiste des problèmes de la transition en Russie, il est aussi un expert reconnu des problèmes financiers et commerciaux internationaux. Il est l’auteur de nombreux livres dont le plus récent est « La Démondialisation » (Paris, Le Seuil, 2011).