La presse écrite entre le permis et l’interdit !

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A chaque régime politique son système et à chaque système politique ses médias (presse écrite, radiophonique et télévisée).

Sous la colonisation française, comme sous la première république de Bourguiba et de Ben Ali , les rares occasions où la presse écrite a cherché sa liberté d’expression afin de respirer une petite bouffée d’oxygène, elle s’est vu , harcelée , censurée et interdite périodiquement ou définitivement . C’était la règle et rien d’autre !

Seuls les journaux soumis aux directives du pouvoir et à ses discours, ont pu traverser les années sans grande difficulté tout en garantissant leur continuité et leurs intérêts.

Les exemples ne manquent pas ; depuis les journaux qui paraissaient sous l’occupation Française comme la Dépêche Tunisienne, le Petit Matin, La Presse Tunisienne, Ezzohra, etc... Pour n’en citer que ces grands noms. Et dont, seule La Presse Tunisienne, a pu se reconvertir au bourguibisme puis au ben Alisme et a ajouté un journal en langue Arabe (Essahafa)…

Bien qu’en 2007, le site officiel du gouvernement indique que la Tunisie compte quelques 245 quotidiens et revues contre 91 seulement en 1987 , il faut noter que la majeure partie desdits quotidiens et revues , hebdomadaires et mensuels étaient en grande partie ( environ 90 %) détenus par des groupes privés et des personnes indépendantes mais ; c’est le discours gouvernemental qui accapare tout l'espace médiatique.

Même “ Essabah “ et plus tard “ Le Temps “ de feu Habib Cheikhrouhou, qui étaient considérés, à l’époque, comme des journaux indépendants, avaient une ligne rouge qu’ils prenaient garde à ne pas franchir…

Avec la république et la prise du pouvoir par le zaim Habib Bourguiba en juillet 1957 , l’Action , Al amal , puis plus tard leurs “dérivés” comme la revue Dialogue, le journal soi-disant de critique en Arabe Kol Chay bel makchouf dont le nom a été copié sur le journal satirique et de critique kol chay Bel Makchouf fondé par Hedi Saidi (paru entre 1937 et 1939) . Ont été parmi les outils de la machine propagandiste du parti unique le PSD et du culte de la personnalité de “ fakhamet errais el moujehid el akbar Habib Bourguiba “ jusqu’en 1987 où, après que ce dernier fut écarté du pouvoir par Ben Ali, les journaux Le Renouveau et El Horria du RCD ont prit la relève pour cette fois là servir le despotisme de son successeur que ses larbins appelaient “rajoul ettahawel el moubarek ”. Quant aux médias radiophoniques ou télévisées, eux, n’ont fait que changer le fusil d’épaule…

La révolution de 2011 a mis fin à cette situation de l’allégeance médiatique aveugle à un seul sens mais sans tout à fait l’éradiquer puisque des journaux, se disant indépendants, ont continué et continuent encore à ce jour, à caresser dans le sens des poils du pouvoir actuel voire flirter avec lui pour préserver leurs intérêts ….

J’espère y revenir surtout en ce qui concerne les chaines télévisées dont certaines sont passées carrément à la prostitution médiatique …

Dans toute cette foule de paperasse de journaux Tunisiens, il existe un hebdomadaire en langue Française, paraissant chaque lundi et ce depuis 1973. Il se revendique comme le premier hebdomadaire Tunisien ayant eu un format identique à celui de la presse quotidienne et ayant été parmi les premiers à introduire sur ses pages la couleur dans les reproductions photographiques dans les années 80... (Haha pub. gratuite) .Il s’agit comme vous l’avez deviné de Tunis –Hebdo.

Dans les années 80, hormis les journaux édités par l’opposition tels Erraï et El mostakbal ou celui de l’UGTT “ Echaab “ qui, à une certaine période faisait mal au pouvoir par sa rubrique “ Harboucha” de la plume de Mohamed Guelbi, paix à son âme... Tunis-Hebdo , était peut être le seul journal qui , de temps à autre , osait donner des coups de coudes aux flancs de la cour de la presse écrite à cette époque totalitaire ce qui , d’ailleurs , lui a valu, à plusieurs reprise, la suspension....et c’est justement pour lui rendre hommage et saluer par la même occasion mon cher ami Hatem Bourial, le journaliste professionnel , au vrai sens du mot , que je publie un article paru sur Tunis-Hebdo au numéro 2233 de la semaine du 13 au 19 novembre 2017 et dans lequel l’éditorialiste M’hamed Ben Youssef sous le titre “ Faites disparaître Tunis Hebdo “, raconte la tyrannie subie par la presse écrite pendant les années de braise 70- 80 ..

FAITES DISPARAITRE TUNIS-HEBDO

Il y a trente-cinq ans environ, un de nos lecteurs m’a remis la fiche de paie du patron d’une grande entreprise dirigée, à l’époque, par un certain Zneidi, décédé depuis.

Il y avait inscrit un montant « faramineux « se rapportant à des heures supplémentaires que ce PDG prétendait avoir effectuées chaque dimanche après midi .Selon ses dires , il se rendait hebdomadairement , dans son bureau , au centre de la capitale , pour déchiffrer l’évolution de la bourse internationale dont il recevait une copie par fax.

J’ai, alors, fait publier cette fiche de paie en première page avec un commentaire virulent condamnant le gaspillage des deniers publics.

Le président Bourguiba séjournait, à l’époque, à Tozeur où il aimait admirer ses magnifiques oasis. Il y lut l’article en question concernant la fiche de paie, dont le montant était exorbitant. Il a très mal réagi. Il téléphona alors, au premier ministre, feu Mohamed Mzali. Et c’est Mezri Chkir, son chef de cabinet (et son parent), qui me contacta à son tour.

Il m’annonça, sans ménagement, que le président a exigé de faire disparaître “ Tunis-Hebdo”.

Surpris, je répondis impulsivement : “ Mais si Mezri qui peut encore prendre au sérieux les recommandations de Bourguiba ? “

Puis Tahar Belkhodja, ministre de l’information de l’époque, me contacta pour m’annoncer d’arrêter définitivement la parution de mon journal, sans me donner d’explications ni sur le motif ni sur la durée de cette suspension que le journal devrait subir.

Dès lors, j’ai consulté un ami, M. Kamel Gordah, à l’époque juge au tribunal de Tunis .Il m’a recommandé de réclamer un document quelconque mentionnant la durée cette suspension. C’est ce que j’ai demandé de suite à Tahar Belkhodja.
Entre-temps, on me fit un procès en bonne et due forme.

Le jour du jugement, il y avait parmi le jury un jeune juge qui a fait ses premières armes en tant que journaliste à Tunis –Hebdo. Il m’a questionné, “ Alors pourquoi êtes-vous si ému si M’hamed ? “, J’ai répondu : “ A cause de l’injustice subie dans mon propre pays “.

Et c’est la prononciation du jugement de ce tribunal qui a permis à Tunis-Hebdo de reparaître. Mais quand Tahar Belkhodja a appris la nouvelle qui était en ma faveur, il m’a demandé d’attendre quelque temps encore avant de faire reparaître mon journal, c'est-à-dire qu’il tenait à en parler auparavant à Bourguiba en personne. Ce que j’ai refusé.

Notons qu’auparavant, il y a eu d’autres suspensions de Tunis-Hebdo. J’y reviendrai. /..

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