Le crime terroriste abominable du jeune berger Mabrouk Soltani a plongé dans l’effroi tous les tunisiens. C’est dans le mont Meghila qu’il a été décapité pour avoir résisté à des terroristes qui voulaient semble-t-il emporter tout son troupeau. Sa tête fut remise à sa famille par son cousin témoin du crime … et comble de l’horreur elle passa la nuit dans le réfrigérateur de sa mère faute de prise en charge immédiate par les autorités compétentes.
Son corps fut veillé par ses chiens jusqu’à ce que ses proches le retrouvent. Un acte de terreur destiné à marquer les esprits de ces populations oubliées, voisines de ces zones de retranchement des terroristes, et destiné vraisemblablement à montrer le sort réservé à ceux qui refuseraient de coopérer.
Cet acte terroriste fit découvrir, ouled Slatnia dans la délégation de Jelma, une bourgade perdue du gouvernorat de Sidi Bouzid berceau historique de la contestation tunisienne. Il mit au grand jour l’extrême dénuement de ces familles vivant en harmonie avec la nature au pied du mont Meghila et dont ils avaient perdu l’usufruit depuis qu’il devint l’antre des terroristes.
Il fit éclater la solitude extrême de ces familles qui, vivant pourtant dans un milieu devenu très dangereux, ne disposaient d’aucune protection policière ni militaire. Il mit à nu la détresse extrême de ces familles ne bénéficiant même pas de la sollicitude des autorités régionales ni locales pour penser leur peine et atténuer leurs blessures. Il étala la pauvreté extrême de ces familles empêchant la scolarisation de leurs enfants. Il confirma la politique d’inégalité régionale pratiquée pendant les plus de cinquante ans de dictature laissant une jeunesse désœuvrée aux confins d’un no man’s land …
Pas de travail, pas d’électricité, pas d’eau, pas de protection, pas d’hôpital, pas de sécurité !
Quand enfin les autorités se décidèrent, bien que tardivement, à porter attention à cette tragédie et à intervenir elles promirent d’aider les deux familles touchées par ce terrible coup du sort… Mais qu’en est-il pour les autres habitants de cette région déshéritée ? Faudra-t-il que l’un d’entre-eux soit de nouveau sacrifié ou martyrisé pour qu’on daigne le considérer en tant que citoyen tunisien ?
Les populations de ces zones défavorisées n’ont pas besoin de réponses ou de solutions au cas par cas, encore moins de charité ! Elles attendent des solutions globales égalitaires en mesure de leur accorder à tous des conditions de vie décente, de soins et de sécurité dans la durée.
Quand les politiques se décideront-ils à s’attaquer aux grandes réformes seules en mesure de réaliser un développement régional équilibré ? Quand redessinera-t-on la nouvelle carte administrative de la Tunisie qui désenclavera les régions déshéritées et permettront d’entamer les grands travaux d’infrastructures ? Quand mettra-t-on en œuvre la décentralisation qui assurera une autonomie du pouvoir à l’échelle régionale ?
Il nous faut également bien constater que, dans la pratique, depuis la révolution politique du 14 janvier 2011, la révolution économique et sociale n’a pas encore eu lieu.