La semaine dernière a été marquée par la publication des chiffres de croissance de Q4, le commerce international du mois de Janvier ainsi que le document de conjoncture de la BCT, beaucoup de choses à commenter en perspective :
- La croissance en Q4 a été de -0.3%, une légère baisse de l’activité par rapport à Q3, meilleure qu’anticipé tirée par :
(I) le secteur des industries mécaniques et électriques tourné vers l’export bénéficiant du bon contexte international pour l’industrie en Europe (achat de voitures et biens d’équipement de maison boosté par le confinement),
(II) le secteur du bâtiment et matériaux de construction après des années de crise du secteur qui commence progressivement à voir le bout du tunnel et la baisse des stocks d’invendus,
(III) le secteur des autres services (hors tourisme, restaurants, transport), par exemple le secteur bancaire bénéficiant des intérêts de retard qui ont été appliqués aux crédits sous la bénédiction des autorités et donc a eu un de ses meilleurs taux de croissance, ainsi que le confinement moins strict en Q4 qui a boosté l’activité.
-L’investissement reste à des niveaux très bas, preuve à l’appui, les importations de machines, outils, les crédits de leasing qui sont à des niveaux alarmants. Ce trend ne s’inverse toujours pas et n’a pas l’air d’inquiéter les autorités monétaires. Les chiffres d’importations de Janvier montrent que le retour à la croissance sera très lent pour la Tunisie.
- La note de conjoncture de la BCT ferme la voie à des baisses de taux clairement selon ma compréhension, quand il y a avait 0.5% d’inflation annuelle venant des prix de tabac qui sont généralement exclus des indices d’inflation que les banques centrales essaient de maîtriser, la BCT n’avait pas hésité à augmenter les taux car l’inflation était à un niveau élevé, maintenant que par des effets de base, ces 0.5% d’inflation vont sortir du taux d’inflation annuel, la BCT justifie que même si l’inflation baissera dans les prochains mois à cause des prix de tabac, elle resterait « vigilante ». Une contradiction claire, car il y avait une marge pour mieux aider l’économie l’année dernière.
- Vu les conditions financières très très restrictives, le secteur du tourisme qui sera très loin de retourner à la normale cette année, l’investissement qui continuera à tirer l’activité vers le bas, la croissance du secteur agricole qui sera négative (récolte d’olives, récolte des céréales souffrant du manque de fertilisants et manque de pluie dans certaines régions,...), le secteur financier qui n’aura pas les mêmes cadeaux, il sera très difficile voire impossible d’atteindre 4% de croissance, 3% est possible.
- Le principal objectif de la BCT selon les messages que je perçois sont la stabilité du dinar et le niveau de réserves, choses qu’ils ne pourront pas garder au niveau actuel vu la hausse des prix de l’énergie, des céréales, l’absence de bonne récolte d’olives et le tourisme qui sera toujours à des niveaux historiquement bas. Les réserves de change baisseront encore plus en cas de difficulté de lever des dettes extérieures à un niveau suffisant pour compenser les remboursements, mon scénario central.
- J’anticipe que l’inflation ne verra pas un rebondissement et avoisinera 4.5% en moyenne car les effets d’appréciation du dinar continuent à faire baisser les pressions inflationnistes avec du retard, de chômage élevé et faible demande ainsi que l’incapacité de l’état à augmenter systématiquement les salaires et retraites mettront une pression sur l’inflation alors que la BCT a l’air d’anticiper une hausse de l’inflation au-dessus de 5%.
Par conséquent, vu que la BCT ferme la porte à la baisse des taux, les taux réels très élevés par rapport au potentiel de croissance vont être un frein encore plus élevé sur l’activité sans permettre à la BCT de limiter la baisse de ses réserves de change.
- Le gros point d’interrogation est jusqu’à quand le pouvoir continuera à faire comme si le pays est en business as usual alors que la probabilité d’une grande secousse augmente tous les jours, sans FMI et aide externe, il est impossible de continuer à fonctionner normalement.
L’année 2021 concentre tous les risques (pas de tourisme, secteur agricole qui fait vivre beaucoup de gens en difficulté, facture d’importation en hausse, entreprises publiques qui ont épuisé toutes les marges de manœuvre et dont l’état va être obligé de rembourser les dettes de certaines). La probabilité d’être obligé de prendre des mesures non populaires face au mur n’a jamais été aussi élevée et proche de 100%. Des agitations sociales et politiques sont à l’horizon.