J’ai parcouru la présentation de la BCT publiée à l’occasion de l’audition de Monsieur le Gouverneur au parlement, c’est une présentation riche et l’exercice de communication apporte une valeur ajoutée, les points les plus importants à mon avis sont :
- Projection d’une croissance à 3.9% en 2021, comparé à 3.8% pour le FMI lors des discussions de l’article 4. 3% de croissance sont acquis cette année même si le PIB reste à -6% par rapport à avant la pandémie (Q4 2019), le PIB stagne à ce niveau depuis Q3 2020. 4% sont un maximum vu que le secteur agricole et la production d’huile d’olive vont enlever 1% de croissance en 2021, le manque de financement et l’incertitude freinent l’investissement. Il y a tellement d’incertitude sur le H2 2021 et la disponibilité de financement extérieur que des projections sont très difficiles. 3.5% est une projection réaliste si le pire est évité.
- La BCT ne donne pas de projection d’inflation ni précise sa fonction de réaction aux mouvements d’inflation futurs. On sait qu’il y aura de l’inflation importée à cause de la hausse des matières premières et ceci a commencé à filtrer dans l’indice d’inflation (carburant, matériaux de construction,), il est acté que les prix administrés vont augmenter avec la révision des subventions sur les trimestres prochains, quelle coordination y aura-t-il pour éviter un grand resserrement de la politique monétaire via la hausse des taux ? Il n’y a pas de précisions sur ce point important.
- La masse monétaire M3 s’est contractée en Q1 2021, preuve que l’investissement ne va pas repartir et que la politique monétaire est restrictive par rapport à la situation de crise. La BCT a l’air de penser qu’un investissement bas est problématique, mais toutes les décisions monétaires depuis 2018 avaient pour but de baisser l’investissement en relevant les taux et en imposant des contraintes réglementaires sur le secteur bancaire (ratio crédits/dépôts), donc la baisse de l’investissement était l’objectif de la banque centrale pour sauver le dinar.
Pourquoi penser que c’est un problème maintenant ? Quand les crédits à l’économie baissent, il ne faut pas en rajouter avec un signal très ferme contre l’inflation, alors que la vague d’inflation future ne pourra pas être combattue par la politique monétaire en Tunisie vu que les prix des matières premières dépendent surtout de la politique monétaire de la FED. Un scénario de restructuration de la dette désordonné et inflationniste ne peut non plus être combattu par la politique monétaire seule.
- Personnellement, je vois en cette sortie une répétition de l’épisode d’Octobre 2020 et la loi de finance rectificative, moins conflictuelle certes. On sait qu’il n’y aura pas suffisamment de financements extérieurs, l’état sera obligé de lever plus de dettes en dinars pour éviter le pire, donc la banque centrale prépare les esprits en disant au parlement c’est votre responsabilité d’assumer la décision d’un deuxième financement de l’état par la banque centrale.
Mais, cette année, vu le programme du FMI, ça ne sera pas possible à priori. Donc d’ici mi-août 2021, comment l’état va rembourser le 1 milliard d’USD au marché. Il n’y a que cette question qui compte à court terme et toute la diplomatie n’a que cet objectif en tête. Le scénario le plus probable est que cette dette sera financée par une baisse des réserves de change pour une bonne partie.