La France s’oriente-t-elle vers un gouvernement technocratique « à l’italienne » ?

Aujourd’hui, la France retourne aux urnes. Je crois que les sondages qui circulent ces heures-ci sont tout à fait vrais. Il est probable que le Rassemblement national de Marine Le Pen et Jordan Bardella n’aura pas la majorité absolue des sièges. Cependant, cela signifie aussi que, compte tenu de l’hétérogénéité du front républicain (qui contient à son tour une coalition déjà très variée), la France ne disposera pas d’une majorité stable.

On verra, l’hypothèse d’un gouvernement technocratique à l’italienne circule. Il est également mentionné dans un éditorial publié dans Le Monde avec des références aux gouvernements Ciampi, Monti et Draghi. C’est à mon sens l’hypothèse la moins souhaitable pour la France, déjà fragile en termes de représentation démocratique en raison d’un système présidentiel dépassé (en des temps insoupçonnés, même son grand bénéficiaire, Emmanuel Macron, l’a reconnu).

Cependant, beaucoup dépendra des équilibres parlementaires qui se dégageront. Il est donc difficile de spéculer. Le seul fait politique que l’on puisse enregistrer pour le moment est que le président Macron a été battu. Il ne s’agit pas seulement d’un rejet personnel, c’est-à-dire dû à son style de diriger le pays ou à l’image qu’il a créée de la France. Macron est battu politiquement. L’arrogance avec laquelle il a imposé la réforme des retraites et d’autres mesures néolibérales au pays a créé un mécontentement, qui s’ajoute au ressentiment dû à de nombreux problèmes de longue date à l’origine de la division entre l’élite et le peuple. Ensuite, il y a la position belliciste de ces derniers mois, menée malgré le fait que la France soit parmi les grands pays européens qui ont fourni le moins d’armes et d’argent à l’Ukraine : moins que l’Italie et beaucoup moins que l’Allemagne.

À gauche, il y a sans aucun doute un succès politique. Les médias n’en parlent pas beaucoup car le Nouveau Front Populaire mène l’opposition avec un programme composite et contrasté (notamment en politique étrangère), mais qui présente des aspects de gauche dignes d’intérêt. Outre le caractère purement électoral de cette formation, je pense que le défaut du NFP réside dans l’absence d’une perspective éthico-politique. En fait, le programme du NFP est une somme irrégulière d’enjeux : il n’exprime donc pas une vision unitaire du monde, à l’exception de ce volet qui, en tant que reflet de la droite, lui a permis de se présenter comme une alternative au Rassemblement national.

Cependant, le fait qu’ils aient accepté le désistement est une bonne chose. Et c’est à la fois parce que l’avantage électoral évident au premier tour permet de se débarrasser de nombreux candidats de la Marconie dans les circonscriptions individuelles et parce que le poids électoral attribuera au NFP une position de force, qui augmente si l’on considère que Macron, en fait, n’a pas de véritable parti derrière lui, une force politique capable de lui survivre une fois son mandat terminé.

Politiquement, Macron est fini. Les élites françaises vont peut-être essayer de créer un nouveau personnage pour le remplacer (Attal ?). Plus probablement, ils poursuivront le travail de pénétration de la formation lepéniste. À cet égard, il est curieux qu’il y ait ceux qui, par des contorsions mentales acrobatiques, voient d’un bon œil une victoire du RN contre Macron, qui – je le répète – marche inexorablement sur un plan incliné. S’il obtenait une majorité, le RN poursuivrait les politiques macronistes, notamment en politique étrangère, pour utiliser le côté américain et éviter l’isolement .

Mais il est inutile d’en parler. La position de ceux qui, en dernier recours, sont anti-macronistes ou même pacifistes, qui espèrent la victoire des lepénistes est si stupide, si dénuée de fondement, qu’elle me fait penser à une blague. Celle qui raconte que deux voisins se disputent constamment et qu’un jour, juste au bord de leur jardin, ils trouvent une lampe. Le premier à l’attraper la frotte, le Génie sort et propose de réaliser son souhait à condition qu’il accepte que son voisin reçoive le double de ce qu’il a demandé : « d’accord j’accepte : je veux qu’il perde un œil, quitte à ce que j’en perde deux ». Ici, les « révolutionnaires x Le Pen » sont comme cet étrange monsieur qui, pour faire du mal à son voisin, en l’occurrence Macron, est prêt à se faire du mal. Pour couronner le tout, Macron s’est déjà blessé, il est sur le point de partir, quel que soit l’issue du vote de demain.

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