En fin de compte, tout s’est passé comme beaucoup d’entre nous s’y attendaient. Le président Macron a confié à la droite la tâche de former le gouvernement. Le poste a été confié à Michel Barnier, un homme de premier plan connu sous le nom de « négociateur du Brexit ». Il a également été commissaire européen à plusieurs reprises et a une longue carrière de parlementaire et de sénateur derrière lui. Ce n’est pas un homme très brillant, mais ce n’est pas n’importe quel homme non plus.
Sa nomination a été précédée d'une série de consultations avec Sarkozy, signe que la médiation a été longue et laborieuse, même si officiellement Macron a d'abord cherché à former un gouvernement dirigé par la gauche sortie victorieuse. Il s'agissait, on s'en est vite rendu compte, d'un simple atermoiement.
Pour l’instant, nous pouvons tirer trois significations de cette nomination. Il s’agit d’abord d’un appel au nom de l’européanisme. Barnier est un homme de confiance de Bruxelles, il en connaît les mécanismes et a toutes les références pour avoir un dialogue direct et décisif avec la commission Von del Leyen. La France se dirige également vers une phase de dépendance plus stricte vis-à-vis de l’UE, et ce à la fois pour des raisons structurelles (la France s’appauvrit) et parce que l’establishment veut utiliser le côté européen pour démanteler ce qui survit encore de l’État français. L’UE, après tout, sert précisément à répandre l’idéologie du néolibéralisme.
Deuxièmement, c’est une nomination qui offre des garanties aux centres économiques du pays. La médiation de Sarkozy, dont Barnier était le premier ministre, a servi cet objectif. D’autre part, il faut le dire, du point de vue macroniste, il fallait trouver un accord pour barrer la voie à un gouvernement de changement de gauche.
Troisièmement, c’est un gouvernement qui devra aider la RN de Marine Le Pen à entrer dans le domaine gouvernemental et à se présenter à l’étranger. Barnier n’a pas de majorité parlementaire. Il s’agira d’un exécutif minoritaire qui, pour survivre, devra entrer en dialogue avec les lepénistes, qui en retour seront blanchis par leur soutien indirect.
C’est peut-être le point le plus douloureux à supporter. L’idée que Macron avait vraiment l’intention de créer un front républicain contre l’extrême droite n’était qu’un gadget estival que des hiboux hulottes ou des libéraux stupides pouvaient croire. Macron a joué la carte antifasciste pour récolter quelques voix de plus et tenter de donner à son mandat un semblant de modération.
La grande attention des potentats économiques français à l’égard du RN aurait pourtant déjà dû faire comprendre que le vent avait tourné et que la figurine de Macron se repositionnerait sur de nouveaux équilibres dans lesquels la droite lepéniste, une fois normalisée, pourrait affirmer son poids politique.
Dans ce contexte, Barnier, en tant que figure pro-européenne, peut aider les lepénistes dans le travail d’ajustement politique. Le système est similaire à celui utilisé en Italie avec le parti de Giorgia Meloni, initialement anti-establishment et anti-européen, puis transformé en un pion important du système de l’UE.
Deux considérations rapides : les libéraux sont toujours les mêmes, ce sont eux qui, pour rester en selle et empêcher toute réforme qui redistribuerait les richesses vers le bas, s’allieraient au diable ; pour la gauche, il y a peut-être une lueur d’espoir : le coup d’État de Macron ne sera pas sans conséquences et même s’il s’agit de l’opposition, les partis du Front populaire pourraient capitaliser sur d’autres consensus. Il ne reste plus qu'à espérer que les gouvernants du PS ne se laisseront pas séduire par les sirènes des grands accords comme n'importe quel autre Piddy.