Pardonnez-moi de revenir sur la déclaration de Netanyahou hier après l'attaque du Liban : "Nous ferons du mal à quiconque nous fera du mal". Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je la trouve choquante, effet d'une pulsion mortifère de barbarie. Est-il vraiment acceptable que notre pays et l'Europe soient alliés à un État qui pratique explicitement la vengeance comme outil militaire et politique ? Les discours répudiant la violence sous toutes ses formes sont certes naïfs. Mais lorsque le chef d'un État appelle à la vengeance et à l'usage de la violence dans le simple but de rendre le mal subi et non dans un but politique, dans une stratégie, ne sommes-nous pas face à quelque chose de terrible ? N'assistons-nous pas à un glissement du terrain spirituel qui conduit au nihilisme le plus féroce, au mal pour le mal ? La ligne qui distingue l'acceptable de l'horreur, de l'inacceptable, n'a-t-elle pas été abondamment franchie ?
Sans compter que la violence qu'Israël entend restituer, il est en fait le premier à l’avoir exercée. Le Liban n'a pas attaqué hier. Il a été attaqué et a répondu comme il le pouvait, avec une technologie militaire qu'Israël a contenu sans dommage. Donc, non seulement la vengeance, non seulement le mensonge sur les dégâts causés, mais aussi la disproportion des moyens, l'inégalité abyssale entre un État militairement hyper-technologique, ouvertement soutenu par la plus grande puissance du monde, et un État comme le Liban, prostré par des années et des années d'attaques et d'inoculation de haine, dont les fruits sont aujourd'hui utilisés comme justification de la violence et de la riposte.
Une dernière question : « Nous ferons du mal à quiconque nous le fera », mais qu’est-ce que cela signifie ? Si des groupes de résistance nés dans un climat de haine et de désespoir commettent des attaques, pourquoi la population civile devrait-elle payer ? Et combien doit-elle payer ? Israël a subi une attaque qui a entraîné la mort d’environ 1300 personnes. Le mal retourné a fait plus de 40 000 morts, 200 000 blessés, près de deux millions de personnes déplacées, la moitié des maisons détruites. Ce n'est pas de la vengeance, c'est de la pure violence injustifiée.
Qu'est-ce que tout cela a à voir avec notre culture ? Quel est le rapport avec la maturation politique que nous avons laborieusement acquise après les grandes horreurs (l'antisémitisme est un fait éminemment européen, pas arabe) ?
Il n'est peut-être pas évident que Gaza soit la plus grande tragédie de notre siècle. Il n'est pas évident que ceux qui survivent dans ces territoires dévastés, après avoir perdu un parent, un ami, après avoir vu leurs maisons s'effondrer sous les bombardements, après avoir été humiliés, développeront une haine mortelle. Et après tout, pourquoi ne nous haïraient-ils pas ?