Non, contre Chahed-Ennahdha, tous les coups ne sont pas permis !

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N’allons pas vers une « nuit des longs couteaux » ?

Je fais partie des milliers de citoyen(ne)s et des personnalités du monde politique, syndical ou civil, dispersés ou regroupés en une myriade d’initiatives pré-électorales dont l’objectif est de miner le cheminement du gouvernement islamo-libéral de Youssef Chahed vers les prochaines élections législatives et présidentielles, en décrédibilisant toutes ses actions et interventions nous apparaissant contraires à l’intérêt général, à la justice sociale, à notre souveraineté nationale.

Notre but est que lui-même et son soutien actuel, le mouvement Ennahdha qui a proclamé par anticipation son hégémonie, parviennent discrédités aux élections et que soient créées ainsi les conditions d’une alternance politique. Mais nous ne conduirons ce projet que dans un esprit républicain, civil, démocratique, loin de toute violence, de toute instrumentalisation des institutions, de toute manipulation de l’information ou des esprits.

Or, il se trouve que certaines parties semblent vouloir introduire la confusion, voire le chaos dans le paysage politique au prix d’accusations redoutables qui concerneraient un complot ourdi par Youssef Chahed et ses « acolytes », dont un chef de la garde présidentielle !

L’auteur de ce scénario rocambolesque est un ovni politique qui semble avoir appris ses méthodes de gestion des affaires publiques et financières plus dans le désert - au sens climatique et institutionnel du terme - que dans une République civilisée !

Parachuté par le président de la République comme Secrétaire général du parti Nidaa dont il est l’initiateur et le président d’honneur, cet homme que je ne saurais qualifier vu ses méthodes, porte plainte devant la juridiction militaire sous l’accusation de « coup d’État » ayant soustrait - au mépris de la Constitution - à Nidaa ses compétences de majorité parlementaire pour les attribuer indirectement à Ennahdha avec intention sous-jacente de déposer le président de la République ! Vraisemblablement il ne mesure pas la portée de certains mots ni de certains concepts politiques…

On l’aura assez souligné, le gouvernement de Youssef Chahed a acquis une légitimité constitutionnelle devant l’ARP, reconnue par tous les spécialistes du droit dans ce domaine.

Que Youssef Chahed ait agit avec une forme de félonie à l’égard de son ancien protecteur, en se libérant du paternalisme envahissant de ce dernier renvoyé à ses seules prérogatives présidentielles, c’est avant tout le problème de Nidaa, mouvement fait de bric et de broc, émietté avec le départ de ses adhérents de bonne volonté ou de quelques opportunistes et laissé à la merci d’un ambitieux infantile encore dans l’espoir anachronique que la charge de président de la République se transmet par héritage. En l’occurrence, le seul coup d’État possible aurait été de réaliser cet espoir !

Nous attendons donc que la justice militaire statue au plus vite sur cette affaire dont la preuve serait un aveu de conjuration capté au cours d’une circoncision entre la rosata et le zrir ! Le ridicule ne tue pas mais le tribunal militaire pourrait bien sanctionner ce très grave trouble à l’ordre public.

Le mouvement Nidaa aurait pu saisir cette occasion pour se désolidariser de son Secrétaire général et se redonner un peu plus de vigueur civile mais non, il préfère rester en l’état, parti croupion, honni par tous.

Certains observateurs croient voir aussi l’inspiration du président de la République derrière cette nouvelle cabale, ce que dément son porte-parole. Mais si cette rumeur devait s’avérer fondée, ce serait un ultime dérapage, celui de l’orgueil démesuré d’un autocrate. Pourtant le président Caïd Essebsi semblait ces temps derniers avoir admis les jeux constitutionnels et s’en tenir à l’exercice de chef de l’État tunisien, particulièrement digne et estimé à l’étranger.

Mais voilà que par une nouvelle maladresse - mais qui donc le conseille ? - il charge maître Mabrouk Korchid, récemment éjecté du gouvernement, de son propre aveu par Ennahdha, de suivre ce dossier !

Dans le même temps, comme si Ennahdha devenait un point de fixation et la centralité de toutes les accusations aux yeux du président de la République, il reçoit pendant une heure et demie le Comité pour l’exigence de la vérité sur les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, et le site de la présidence poste une vidéo de cette audience.

Le Comité lui demande une forme d’activation de ce dossier qui semble traîner en justice, du moins celui de la supposée cellule sécuritaire clandestine d’Ennahdha n’y étant pas encore instruit. Le Comité lui demande aussi de réunir, au titre des prérogatives présidentielles, le Conseil national de la sécurité militaire et même d’induire la création d’une commission spécifique d’examen du dossier en collaboration avec nos services de renseignement : une instruction parallèle ?

Distillant au compte-gouttes les révélations, le Comité dévoile alors à la fois l’instigation en 2013 d’une tentative d’assassinat de BCE et du président François Hollande, selon les dires d’un officier de police et sur la foi d’un document hélas brûlé et disparu depuis, tout en nommant le chef de la présumée cellule secrète, un très proche parent de Rached Ghannouchi. Les observateurs restent perplexes devant ces divulgations abracadabrantesques, du moins dans la mesure où, faisant encore l’objet d’instruction, toutes les preuves ne peuvent en être rendues publiques. De plus, leur datation remonte opportunément au 18 novembre 2018 : quelle coïncidence, cette temporalité !

Dans une telle affaire où le sang de martyrs a été versé et ne peut sécher sans que vérité soit faite, dans ce drame politique qui entretient la souffrance des familles et la blessure nationale, il n’est pas permis que le doute s’installe ou que la manœuvre politicienne s’insinue, qu’une fange immonde de règlements de comptes au faîte du pouvoir recouvre une plaie ouverte.

Déjà, au vu de l’engrenage dangereux de tels dérapages alors que la justice devrait sereinement et activement suivre son cours, le mouvement Ennahdha met en garde le président de la République contre sa participation « à des polémiques », tandis que son porte-parole semble rétrograder par rapport à cette implication en laissant la responsabilité des révélations au Comité de défense et s’en remettant au travail de la justice en son temps.

Non, tous les coups ne sont pas permis. Face à une telle montée des périls qui annonce une lutte sans merci entre les deux partenaires du défunt tawafoq, nous devrions rester très attentifs à cette forme de perversion du jeu politique et très vigilants pour ne pas participer, en fonction de nos sympathies, de nos intérêts, de nos adhésions, à la destruction à terme du processus de transition démocratique.

J’emploie à dessein cette référence historique mais au plan métaphorique car il n’y a pas de copier-coller en Histoire : n’allons pas, sans doute en toute inconscience et irresponsabilité, vers une « Nuit des longs couteaux ».

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