Quelle mémoire et quelle histoire ?

"Désapprendre la pensée coloniale"

Cette photo, je n'ai malheureusement pas noté sa source, représente les écoliers d'une école de Chekfa ( wilaya de Jijel) , en 1934. La première observation c'est que la population de ce village était constituée de quelques 5000 algériens et de de quelques centaines de français, cependant la proportion d'enfants européen est trois fois supérieure à celle des Algériens. Ces derniers sont comme il se doit assis au pied des premiers et leurs tailles n'y est pour rien. Il y a assurément une logique raciale dans cette disposition. Trois ou quatre algériens souffrent de teigne, deux sont pieds nus etc…


…

Voilà l'école de Jules Ferry cinquante ans après l'instauration de l'école pour tous. On se demande ce qui se passait dans la tête de ces chérubins que l'on conditionne dès leur plus jeune âge à intégrer la domination coloniale comme un fait allant de soi.

Dans leur pays, sur leurs propres terres, ils sont pourtant réduits, à un statut de sous-humain. Cette photo est destinée bien entendu à la chronique de l'Algérie à travers les anciennes photos. Dans de nombreux sites On nous montre de beaux immeubles, de belles perspectives, mais jamais ceux qui y vivent. De même que l’on ne nous montre jamais les bidonvilles où s'entassent les indigènes. Mais c'est vrai, qui irait acheter une carte postale de bidonville et d'Arabes sales et pouilleux.

Quelle mémoire et quelle histoire ?

Qu'est-ce que c'est que cette histoire de mémoire qui serait un enjeu des relations algéro-françaises et constituerait tantôt un facteur de rapprochement tantôt un facteur de conflit entre les deux pays ? A-t-on du côté algérien réfléchi à ce qu'est la Mémoire pour nous ? Et pourquoi y en aurait-il une seule et pas plusieurs et en quoi nous aurions une mémoire antinomique à celle également unique de la France ?

Enfin, suffit-il d’écrire un nouveau récit historique pour réconcilier deux pays, deux peuples inscrits dans une relation de domination impériale ? En somme, suffit-il de réécrire l’histoire de la colonisation pour que les relations de la France avec les peuples de ses anciennes et actuelles colonies soient définitivement apaisées ? Un nouveau récit dédouanerait-il la France de la nécessaire remise en cause de ses prétentions impériales sur les autres pays ? Nous permettrait-il à nous, gens du sud , de nous libérer de notre aliénation au Nord ?

Finalement les conflits actuels entre la France et l'Algérie sont-ils une question de mémoire ou de réalité politique, culturelle, économique marquée par une interdépendance de type coloniale ? Et en France même, les conflits de mémoire, sont-ils des conflits d’imaginaire et perception de vécu, ou tout simplement des conflits de types coloniaux qui continuent de travailler la société française ? Est-ce que le racisme et la xénophobie portés par une partie de la société française contre l’autre sont-ils seulement de nature mémorielle ou également structurelle et historique? Que la France se débrouille avec son passé, elle récolte de ce qu'elle a semé ! C'est en somme un retournement de l'Histoire!

L’urgence est, pour nous algériens, de nous tourner vers nous-mêmes et de nous mettre au travail pour écrire notre propre histoire libérée de ses origines. Écrire une histoire de nous-mêmes par nous-mêmes, une histoire qui réconcilie les Algériens par la reconnaissance de leur diversité et de leurs origines multiples .

Une histoire qui fait place à chacun et permet à tous de se reconnaître dans une algérianité plurielle ! Une histoire où ceux qui travaillent, peinent, souffrent meurent et portent généreusement la nation sur leurs épaules nues, soient enfin reconnus comme ses véritables héros !

Des histoires des gens simples, des femmes, des paysages, de la faune et de la flore, de nos richesses et de nos misères toutes confondues dans le même élan de résister , d’exister d’être soi ! Une histoire en arabe, en dialectal, en amazigh, en chaouia, en mzabit, en chenoui, en tamachek, qu’importe, mais des Histoires de l’Algérie de toujours depuis les premiers Numides aux derniers arrivants, qui sont venus parmi nous par amour pour le pays, pour ses gens et pour leurs fulgurances !

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