Témoignage : Audition à l’IVD

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Ce n’est pas sans une certaine émotion que je suis allé, hier, jeudi 17 décembre, un jour anniversaire plein de sens, pour ma première audition privée à l’Instance Vérité et Dignité. Ainsi, c’est donc vrai, il y a aujourd’hui dans le pays, grâce à l’exigence de justice transitionnelle, une structure officielle, créée par la Constitution, chargée de recueillir les témoignages des Tunisiens qui ont été victimes de l’arbitraire ou des exactions en provenance de l’Etat ou de ses représentants !

La vérité officielle qui a régné sur le pays depuis l’indépendance, cette vérité faite de tous les mensonges qui convenaient au pouvoir est réellement confrontée à une autre vérité, populaire, et qui n’a pas pu s’exprimer officiellement ni être reconnue : la vérité des victimes de l’arbitraire, des exactions et des violations des droits des citoyens, à quelque niveau que ce soit, celles de ceux qui n’ont pas trouvé dans l’Etat le protecteur qu’on affirmait qu’il était…

Et, pendant ces heures d’entretien où j’ai dit ce que ma mémoire a retenu de mon histoire, où j’ai essayé de rétablir mon parcours et les obstacles que j’ai rencontrés, de comprendre ce qui avait pu nous arriver, je me suis souvenu des mots de Milan Kundera, « La lutte de l'homme contre le pouvoir, c'est la lutte de la mémoire contre l'oubli » ; et je me suis aperçu que, dans ce bureau où nous étions quatre, dans cette instance sans cesse attaquée, parce qu’elle doit conduire à cette justice transitionnelle que certains craignent, nous étions en train de vivre un moment de cette révolution, de ce mouvement énorme et irrésistible des Tunisiens pour récupérer leur dignité, en récupérant leur histoire.

La révolution ne suit pas un cours continu, n’est pas uniforme, ne se manifeste pas toujours de la même manière, n’est pas dans un lieu unique ; elle est faite d’avancées et de reculs, de victoires et de défaites, de moments d’exaltation et d’autres où l’on se décourage… Mais, parce que c’est un combat contre le pouvoir, elle est surtout faite d’un effort continu pour faire vivre la mémoire. Et, dans ce combat, nous avons aujourd’hui la chance d’avoir l’IVD, qui semble l’un des refuges de cette mémoire : à nous de faire en sorte qu’elle résiste aux attaques de ceux qui veulent nous faire oublier, de faire en sorte que la mémoire triomphe de plus en plus, et partout, de l’oubli.

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