1) Je n’ai voulu soutenir personne, j’ai simplement observé que la bataille pour la succession a pris un dangereux virage, avec l’utilisation de la violence d’Etat, la répression par la « justice » par certains, pour éliminer un rival dangereux.
Ce sentiment est corroboré par de nombreux indices qui montrent que les choses n’ont pas été aussi claires sur le plan juridique que le disent ceux qui soutiennent que les mesures prises contre Karoui ne sont dictées que par les délits de droit commun qui lui sont reprochés, il est facile de le supposer, au vu du calendrier d’exécution, de la méthode utilisée (on répond à une opposition à une mesure, non seulement en la rejetant, mais en aggravant cette mesure par un mandat de dépôt tombé du ciel…)
De plus la concordance de l’arrestation avec le retrait de Chahed de ses fonctions de chef du gouvernement montre que, ou bien il est à l’origine de le mesure, ou il en est victime, elle aurait été suggérée par ses ennemis politiques.
Si tel est le cas, Chahed devrait dénoncer cette manœuvre pour montrer ses distances avec ces méthodes (de Ben Ali, avais-je écrit). Attendons cette dénonciation, qui établirait qu’il n’est pas partisan de ces méthodes.
2) D’aucuns m’assurent que je me trompe, que la Tunisie ne reviendra pas au passé. Je veux bien, mais je constate que la coexistence pacifique qui existait entre les loups, les louveteaux et les maffieux qui se partageaient les ressources du pays est en train de prendre une forme moins verbale ; jusqu’où pourraient aller ces gens pour défendre, qui son train de vie, qui ses revenus d’origine plus ou moins douteuse, qui ses bribes de pouvoir, qui tout simplement sa liberté grâce à une élection salvatrice…
3) Beaucoup d’internautes trouvent que Karoui mérite son sort et qu’on n’a pas à le défendre. C’est la porte ouverte à toutes les violations de la loi, aux traces démocratiques qu’on a encore sauvegardées : d’abord, comment peut-on, sans passer par une instruction judiciaire, juger si quelqu’un mérite ou non d’être sanctionné ?
J’ai peur qu’on ne soit en train de transformer les millions d’arbitres de football que compte le pays en millions de juges tout aussi incompétents et ignorant des lois qu’ils proposent d’appliquer… Et pourquoi se soucier aujourd’hui d’une situation qu’on avait jusque là subie sans broncher ?
4) Ce qui ressort de tout cela, et de bien d’autres choses, c’est que le traitement de la situation politique a été fait de travers depuis la révolution : chargé de stopper celle-ci, le personnel politique, s’apercevant de son incapacité à trouver des solutions pour le pays, a consacré son énergie à préserver le statu quo, et sa propre existence en tant que garant de cette situation.
Gérant le pays pour le compte, non de la révolution, mais de trafiquants et autres accaparateurs et délinquants sans scrupules, l’irruption d’un de ces derniers dans leur domaine, et le succès populaire qu’il paraît avoir eu, a répandu la panique en leur sein.
La perspective d’être « chassés du temple » pour cause d’inutilité, et d’être remplacés par de nouveaux personnels « politiques » sans aune attache avec leur passé (et donc incontrôlables) les affole, et ils sont capables de beaucoup de choses pour l’empêcher.
C’est le sens de ma formule « les couteaux sont sortis des fourreaux », mais il n’est pas sûr que ces couteaux ne soient employés que contre les rivaux politiques. D’où mon sentiment de la possible résurgence de la violence.