Dans le cadre de la réflexion sur l’évolution de la situation politique en Tunisie, j’ai relu certains de mes écrits d’avant la révolution, et particulièrement « Vers la démocratie – De l’idéologie du développement à l’idéologie des droits de l’homme ». J’y ai trouvé nombre d’éléments d’explication d’événements qui se sont produits depuis les années 1980 jusqu’à la vague révolutionnaire de 2011 et des années suivantes, dans les pays de l’est européen comme dans ce qu’il est convenu d’appeler le Tiers Monde.. Et qui peuvent être d’un certain secours à ceux des lecteurs qui ne veulent pas se contenter de réagir au coup par coup aux sollicitations de l’actualité, si pressantes que puissent-elles être.
Je crois donc utile de soumettre ici quelques extraits de mon livre « Vers la démocratie – De l’idéologie du développement à l’idéologie des droits de l’homme » publié aux Editions Mots passants, Tunis 2011, et écrit pour l’essentiel en 1994. Ce livre sera réactualisé, traduit en arabe et réédité prochainement.
Afin de donner le temps nécessaire à la réflexion, je publierai les ne citations une à une. Ci-dessous la première citation.
La transition bloquée (“Vers la démocratie...” p.120) […]
Paradoxalement, avec l’adoption formelle de l’idéologie des droits de l’Homme dans les anciens pays d’idéologie du développement, devient plus important le rôle de l’État, qui affirme sa propre faiblesse en droit – ou en projet – et les risques de pouvoir personnel deviennent encore plus perceptibles : dans l’attente de transformations réelles, toute la société se fige, laissant au(x) seul(s) agent(s) capable(s) de prendre des décisions la responsabilité de tout… Et la crise s’approfondit, et se manifeste encore plus l’incapacité de la société à la dépasser faute de trouver le bon moyen de l’aborder.
Cet État, qui joue un rôle encore plus important est en même temps un État en pleine décomposition, comme l’attestent de nombreux indices : mouvements centrifuges, blocages de l’administration, autonomie relative des forces armées ou de sécurité par rapport au pouvoir central, etc.
C’est peut-être là qu’il faut chercher la raison du renforcement, tout aussi paradoxal, des pouvoirs du Président ou du chef, que l’on rencontre souvent dans ces types de structures : c’est en principe sur lui que repose en très grande part la responsabilité d’impulser la transformation démocratique du pays, de pousser à l’occupation du terrain par la société civile, car ce processus devrait se conduire contre le parti unique dominant auparavant, et c’est en même temps à lui d’éviter que les résistances de ce parti ne poussent à une telle accélération des transformation que leur contrôle échappe à ceux qui les ont entamées. Le risque de dictature personnelle […] devient alors réel.
Prise dans les contradictions, la société civile devient incapable d’autonomie, de mouvement propre, d’autant que lui est de plus en plus assigné le rôle de soutien aux initiatives prises, d’appui contre les tentatives de retour en arrière, etc., et que ses idéologues font cruellement défaut.
Il y a une complète nécessité de l’affaiblissement de la puissance de coercition de l’État pour que puisse se développer l’alternative en provenance de la société civile. […]