La promesse était qu’Internet et les médias sociaux seraient un espace public de débat d’extrême diversité, de participation, de démocratie et de pluralité dans lequel un millier de communautés discuteraient simultanément de leurs intérêts pour améliorer la vie de tous, donnant lieu à des raisonnements et à des créations d’une grande profondeur et originalité : « que cent fleurs s’épanouissent », qu’une centaine d’écoles de pensée rivalisent dans une discussion constructive.
D’autre part, les réseaux sociaux généralistes tels que Facebook, Twitter et autres sont en grande partie l’espace où tout le monde discute de la même chose tous les jours, généralement de choses triviales et utiles pour la distraction de masse, la controverse du jour, comme cela se produit d’une manière particulière en Italie. Tout commence par un événement déclencheur, une déclaration, un dérapage, un comportement déplacé qui est porté à l’attention du public. Cet événement se transforme rapidement en une discussion collective (ou une représentation grotesque de celui-ci), une foule d’utilisateurs se rassemblant virtuellement pour demander des comptes, exiger des sanctions, des démissions, etc.
Certains parlent de justicier en ligne, ou de police des mœurs. Cette homologation et cette uniformité nous alertent sur l’illusion qui est à la racine de notre être utilisateurs et générateurs de contenus, celle d’être des individus autonomes, uniques et peut-être authentiques. En fait, une grande partie du débat est au contraire très massifiée, hétéro-dirigée et « focale ». Elle procède en cascade à partir de ce que disent les médias, la plupart du temps contrôlés par les pouvoirs en place, et de ce qui est considéré comme d’intérêt général, sur lequel donc chacun a une volonté légitime de s’exprimer.
Les réseaux sociaux n’ont pas massifié la production de savoir ou d’information, malgré le fameux « journalisme citoyen », ils ont massifié l’accès à l’opinion ou au commentaire, élargissant au maximum la définition du commentaire. C’est pour cette raison que chaque jour, nous commentons tous les mêmes choses comme une impulsion à participer à l’expérience collective, en suivant le même instinct qui nous conduit à suivre d’autres grands rituels de masse, le football par exemple pour ne pas être coupé d’une expérience commune, qui, aussi dégradante ou déprimante soit-elle, pourrait un jour devenir l’objet de commérages et de jugements collectifs, un devoir social auquel personne ne peut échapper.