Lecteur régulier du quotidien « Le Soir d’Algérie », je suis attiré par le titre racoleur d’une contribution : « L’Algérie : un pays ingouvernable ? » signée par un certain Zineddine Sekfali(1). Dès les premières lignes le ton est donné, il s’agit tout bonnement de décrédibiliser cette révolution qui est en marche et que le rédacteur tente d’infantiliser, voire de débiliser.
« Les slogans sont en effet si bien conçus et formulés avec tant d’habileté, que l’on peut sans risque de se tromper en attribuer la paternité à des professionnels de la communication… » Peut-on lire. Encore un qui ignore tout de ce peuple dont il parle avec beaucoup de morgue et qui ignore tout de la poésie populaire, de ces merveilleux conteurs qui animaient les soirées et de ces bardes qui s’opposaient en improvisant de véritables récitals sous les yeux d’une foule admirative.
Selon l’auteur, les expressions dominantes et les concepts qui ont connu le plus grand succès sont : «Hirak, 3issaba», ainsi que le fameux «Ga3 tetnahaw» quelle pauvreté, alors que le monde entier s'accorde à dire que les slogans étaient pleins d'humour et de poésie. Si vous le souhaitez monsieur Sekfali, je peux vous envoyer quelques vidéos et photos qui prouvent qu’au contraire les slogans dont vous parlez étaient résiduels. Encore un que ses maîtres à penser ont chargé d’écrire un texte, mais qui ne s’est pas donné la peine de descendre dans la rue. En avez-vous du reste le courage ?
Je suis étonné qu’un quotidien de la qualité du Soir et pour lequel j’ai beaucoup de respect, accepte de publier les élucubrations et les insultes d’un esprit malade, atteint de sénilité. De nouveau je m’interroge : l’Algérie est-elle réellement un pays de jeunes ? Un pays, dont 70 % de la population a moins de 30 ou 35 ans et dont la classe dirigeante est vieillissante, obsolète et s’obstine à vouloir gérer l’avenir de cette jeunesse. Allons messieurs, soyez raisonnables, votre avenir à vous est à l’ombre d’un olivier…
Vous, vous attaquez à des gens que vous êtes très loin d’égaler et vous les traitez de « soi-disant démocrates », qui voudraient fermer les bureaux de vote, vous n’êtes qu’un fasciste qui s’ignore, un serviteur zélé des intérêts de la caste au pouvoir. Vous leur reprochez de fonder leur analyse sur le nombre qui se chiffre en millions à travers tout le pays, et vous voudriez leur opposer une poignée de nantis qui tremble pour ses privilèges.
Vous me faites penser à ces colons qui ne comprenaient pas que les algériens ne soit pas heureux, après la promulgation du décret du 18 mars 1944, qui accordait la citoyenneté aux français musulmans et 1944 fixait leur représentation aux 2/5 de l'effectif total des assemblée… C’est cela la démocratie que vous voudriez nous imposer monsieur.
Vous avez été mandaté pour défendre leur projet de 2ème république qui ne serait que la copie maquillée de la 1ère et le peuple n’en veut pas.
Les cris de ralliement qu’on a entendus jusqu’au dernier vendredi du mois d’avril et que l’on a cru, en toute bonne foi, spontanément issus du sein de la masse populaire étaient en fait préparés à l’avance par une minorité agissante et experte en manipulation de la multitude.
Selon vous toutes les avancées que nous constatons depuis le 22 février dernier nous sont offertes par l’armée, le peuple n’aurait aucun mérite, mais alors la répression, les blessés et les deux morts dans les manifestations sont à mettre sur quel compte ?
Mais au fait, pourquoi la grande muette n'a-t-elle pas pris ses responsabilités plus tôt, avant que le peuple ne prenne en mains son destin, comme en 2014 lors de la mascarade du 4ème mandat, d'un candidat moribond que le monde entier raillait et surnommait la momie? Ou en 2009, ou encore lors des viols répétés de cette constitution à laquelle vous vous accrochez, vous et vos complices ? Vous ignorez peut-être que Gaïd Salah faisait partie des plus fidèles soutiens de Bouteflika et qu’il soutenait le 5ème mandat de la honte qui devait enterrer définitivement cette constitution qu’il défend si ardemment aujourd’hui.
Mais par-dessus tout ce que je retiens de votre « contribution » c’est ce mépris dégoulinant tout au long d’un texte qui transpire la haine, et prêche la division. Pour accomplir votre triste besogne, vous convoquez Gustave Le Bon et Sigmund Freud, pour vous aider à théoriser votre mépris de ce peuple que d’autres nous envient.
Vous dites « la foule domine l’individu qui de lui-même n’aspire qu’à s’y fondre et s’y agréger, même au risque de perdre sa liberté et son libre arbitre » et vous, qu’avez-vous fait de votre liberté ? Le pouvoir semble exercer sur vous une attirance quasi hypnotique, pour lequel vous vendriez mère et père.
Vous affirmez que « tout le monde sait qu’on ne perd que les batailles et les combats que l’on refuse de livrer », en fait si l’on suit votre raisonnement, pour ne pas laisser la chaise vide, je devrais accepter d’affronter dans le 800 mètres du siècle, le célèbre David Rudisha tenant du titre mondial depuis 2010, lui dans un équipement professionnel et moi en tenue de plongée sous-marine et chaussé de palmes…
Élément révélateur de votre mentalité « efeleniste », vous voulez imposer une date de naissance pour cette nouvelle république, que vous fixez démocratiquement au 5 juillet 2019 qui « sera à tout jamais notre jour de la liberté ». Vous n’avez donc rien compris à l’histoire monsieur, ce n'est pas à vous de décider pour les millions d'algériens qui depuis bientôt 3 mois sont mobilisés pour empêcher des gens comme vous de les chloroformer et les mener vers un système qui serait un remake de ce que nous avons vécu depuis 1962.
Je vous renvoie vers les articles 7 et 8 de la constitution que vous défendez et au besoin vers un dictionnaire qui vous expliquera le sens du mot SOUVERAINETÉ et je vous donne rendez-vous vendredi 17 mai, dans la rue pour un bain de foule que vous suivrez comme à votre habitude devant votre écran de télévision.
Note
(1)Zineddine Sekfali est un juriste qui a exercé de hautes fonctions au ministère de la justice, de l’intérieur ainsi qu’au premier ministère, il a en outre été vice ministre chargé du tourisme.