Trumpolitique & Trumpéconomie pour les nuls !

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Cela ne signifie pas la cessation du racket des changements de régime de Soros, ni celle du déploiement de ses multiples tentacules, parallèlement à la domination du Parti Démocrate par Clinton via le DNC. Le plan A – un Maïdan made in USA – n’est pas exactement populaire parmi les masses. Ainsi, le plan B – un harcèlement à long terme – a-t-il été décidé le week-end dernier, lors d’un sommet dans un hôtel de Washington.

Les pleurnicheries incessantes des bisounours immaculés – nous avons perdu l’élection présidentielle à cause des vilains FBI, WikiLeaks, Russes, etc. – était prévisible. Pourtant, parmi les DNC [bureaucrates du Parti démocrate] corrompus jusqu’à la moelle, il semble qu’aucun apparatchik n’ait jamais lu la « Société du spectacle » de Guy Debord. Ou soit familier avec la façon dont le showbiz – et les débats radiophoniques – fonctionnent.

Paris est sans doute la capitale mondiale de la pensée critique. Les cercles intellectuels parisiens perplexes ont au moins constaté que la crise pan-occidentale actuelle ne concerne pas seulement l’économie, la politique, les finances, la sécurité et l’immigration. C’est le discours politique lui-même qui est en cause.

Le diagnostic facile – style café chic – veut que la victoire de Trump soit le symptôme de la distorsion de la réalité par le langage, en manipulant les émotions. Il est vrai que le discours rationnel complexe ne paye plus. Les masses ne lisent pas des articles de 3 000 mots. C’est réservé aux élites et aux experts auto-proclamés. Mais ils répondent à des tweets outrageants. Plus que jamais, la perception est en effet devenue réalité.

D’où l’amalgame entre Trump et le Front National (FN) en France, dirigé par Marine Le Pen, elle aussi communicante magistrale, capable de transformer les émotions primaires en réalités politiques. Pas étonnant si le site internet « suprématiste blanc » Breitbart News – le ministère informel de l’information de Trump – va augmenter son exposition en France et soutenir Le Pen.

Là où le débat parisien a raison, c’est que l’isolationnisme nationaliste en Occident – en utilisant l’amalgame et les raccourcis terminologiques intelligents – est devenu une solution crédible pour soigner l’identité nationale. Ainsi l’attrait, pour de nombreux Européens, d’abandonner l’UE comme alternative crédible au chômage et pour accroître la sécurité. C’est un syndrome Trump remixé. Le barbelé – métaphorique ou autre – comme choix possible pour relancer la croissance économique.

En analysant la victoire de Trump comme une défaite du discours politique, ou une victoire de la subversion des mots, le débat de Paris a tout faux. Il avance, comme seule solution, de nobles exhortations à « se réconcilier avec la complexité ». Le défi est de savoir comment nuancer et aborder la complexité avec des slogans.

Paroles, paroles, paroles…

Ce que les analyses intellectuelles sophistiquées ne comprennent pas, c’est que l’équipe de Trump a élaboré une stratégie de mise en scène mettant en avant – quoi d’autre ? – une marque. Le dialogue a été maintenu à un minimum absolu – le tweet. Trump lui-même l’a dévoilé : «Ce ne sont que des mots ». La machine à sous de Clinton est tombée dans le piège et a pris ces mots à la lettre. Ceux-ci étaient en fait des métaphores – compréhensibles par un écolier de CM2 et délivrées par un adulte personnifiant un écolier de CM2.

Dans son interview sur CBS dimanche dernier, Trump a admis l’évidence. Il a gagné à cause de la puissance des réseaux sociaux, en dépit de la machine à sous de Clinton « qui a dépensé beaucoup plus d’argent que moi ». Trump a plus de 28 millions de followers combinés sur Twitter, Facebook et Instagram. Cette soi-disant « minorité cachée » a déjoué tous les modèles de sondages disponibles. Et en dehors de Washington et de Hollywood, ils étaient partout.

Trump a perfectionné l’art du discours politique simplifié, court-circuitant les intermédiaires, tout en réduisant les médias de masse, dans le processus, à n’être plus qu’un bruit de fond pathétique. Le New York Times – qui ne contient « que les nouvelles dignes d’être imprimées » – a fourni un spectacle désolant en soi, promettant publiquement de « relater plus précisément les nouvelles du monde ».

Ce n’est pas que Trump n’avait pas, officiellement, envoyé un avertissement : « Je suis très instruit. Je connais les mots. J’ai les meilleurs mots. » Et il sait comment obtenir le maximum d’effet d’un investissement minimal en mots. Le méga-investisseur Peter Thiel a tout pigé, en expliquant au National Press Club à Washington, comment « les médias prennent toujours Trump au pied de la lettre ».

Thiel a souligné, peu de temps avant les élections, que « beaucoup d’électeurs qui votent pour Trump le prennent au sérieux, mais pas littéralement, alors quand ils entendent des choses comme le commentaire sur les musulmans ou le mur, leur question n’est pas ‘Ce mur sera-t-il comme la Grande Muraille de Chine ?’ ou bien : ‘Comment exactement allez-vous renforcer les contrôles ?’ Ce qu’ils entendent, c’est que nous aurons une politique d’immigration plus saine et plus judicieuse. »

Et alors, où est le problème si Trump tuait la syntaxe par ses tirades puissantes et inarticulées ? Le sens était toujours clair. L’accumulation de dispositifs rhétoriques explosifs visait toujours à exploiter l’émotion brute. Ainsi, l’avalanche de « nous et eux », d’« énoooormes » superlatifs – « incroyable », « immense potentiel », « merveilleux » – toutes sortes d’hyperboles, de répétition sans arrêt, un bégaiement calculé pour améliorer sa marque de commerce d’« improvisateur », et une mer d’euphémismes – « attraper les femmes par la chatte ? » Nah, tout simplement le vieil « argot de vestiaire ».

Les bisounours immaculés ont sans cesse été réconfortés par leur interprétation standard d’un Trump escroc inventé par les médias, qui a d’abord excellé dans la télé-réalité et a ensuite transformé la politique en un cirque. Ils ne l’ont pas vu capitaliser sur l’attractivité de son monstrueux ratio d’efficacité publicitaire par rapport aux dollars dépensés. Ils ne voyaient pas que, plus les médias – détestés – l’attaquaient, plus il cherchait la minorité invisible. Ils n’ont pas vu comment la marque Trumpienne de « réalisme magique » a joué toutes sortes de manigances avec la réalité.

Le darwinisme social [que le meilleur gagne] devenu fou furieux

Zygmunt Bauman, le meilleur conceptualisateur de la modernité nomade – qui a exercé une énorme influence sur mon livre de 2007 Globalistan – a correctement observé comment Trump a offert une condamnation unique et sans appel – à vivre une fois dans sa vie – de tout le système politique.

Bauman se rend compte de la façon dont des mécanismes traditionnels, tels que la répartition du pouvoir entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire de type Montesquieu, ainsi que les contrôles et les équilibres anglo-saxons de type checks and balances, peuvent être de plus en plus privés de sens, au profit d’une agrégation de puissance en mode autoritaire.

Bauman a parfaitement compris comment Trump a marié l’angoisse de l’identité à l’angoisse économique – condensant tous les aspects de l’angoisse existentielle, qui consume ce qui reste de la classe ouvrière et de la classe moyenne. D’où le succès de la solution éclair rapide – l’expulsion de la diversité ethnique.

L’électorat étasunien qui a pris la peine de voter – massivement, 43% d’abstention – peut avoir apprécié, selon Bauman, un homme fort non pas comme un poison mais comme un antidote. Un battant, capable de déployer des solutions instantanées avec des effets immédiats. Si, et comment il sera capable de l’assurer, est une autre histoire.

Ce qui est certain, c’est que la balançoire en Occident entre les conservateurs et la social-démocratie n’est plus une scie. Lorsque celle-ci était au pouvoir, tout le monde reproduisait de légères variations du néolibéralisme.

Maintenant, comme on l’a vu, le libéralisme a reçu un sérieux coup au corps, même si la soi-disant gauche progressiste a totalement échoué à vendre aux masses une critique sérieuse et historique du néolibéralisme.

Pendant ce temps, la guerre civile – nationale et mondiale – est maintenant âpre, partout. Le darwinisme social se déchaîne. Nous avons un mur atlantique – du Brexit au Rio Grande – en voie d’érection contre le Sud global. Nous avons l’homme blanc en déclin contre les minorités qui, dans bien des cas, sont devenues majoritaires. Nous avons des élites occidentales opposées à l’islam – une absurdité, parce que le véritable ennemi est le djihadisme-salafiste, une déviation du wahhabisme. Et finalement, nous avons l’Ultime Prédateur – l’Homme – décimant sans relâche la nature.

Au sens de Gramsci, l’ordre ancien s’est complètement effondré, mais le nouvel ordre n’est pas encore né. Il pourrait s’agir d’un nouvel ordre basé sur les BRICS, principalement la Russie, l’Inde et la Chine. La gauche progressiste doit trouver la feuille de route conceptuelle pour en faire partie – et l’influencer.

Pendant ce temps, nous vivrons parmi la myriade de débris provenant de l’Engin explosif improvisé que seront les politiques de Trump. Les Etats-Unis d’Amérique a inventé le politiquement correct. Trump a bombardé le politiquement correct. Les Etats-Unis d’Amérique est fière des ses médias de masse. Trump a bombardé les médias de masse. Ce sont déjà deux victoires importantes.

Trump a lancé une OPA sur la Maison Blanche. Maintenant, il est le PDG. Si – et c’est un « si » important – il parvient à la gérer comme une entreprise saine, cela peut être une bonne affaire, non seulement pour les États-Unis d’Amérique, mais pour la planète entière.

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