Mon histoire avec les chiites…

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Je suis de mère irakienne sunnite, de père en fils et ce jusqu'à la tribu de Banou Hachem, ma mère ayant pour nom de famille Al-Hachimi, a toujours prétendu, à tort ou à raison, je n'ai jamais cherché à savoir, qu'ils étaient ses ancêtres.

La famille de ma mère habitait le quartier d'El-Adhamia, fief rigide des sunnites ; ce qui ne les empêchait nullement d'aller faire leurs provisions en épices, fruits secs et autres tissus en coton à El-Kadhem seigneurie des chiites. Pour ce faire, ma grand-mère troquait sa 3abbaya noire contre le tchador porté par les irakiennes chiites et s'y rendait, la mort dans l’âme. Je le sais, car petite je l’accompagnais, ayant pour consigne stricte de ne pas ouvrir la bouche.

Elle me tenait fermement la main, pressait le pas, nerveuse, parlant à peine. La chaleur était accablante à Baghdad et ses joues toutes rouges ruisselaient sous son voile blanc, c’est d’ailleurs grâce à lui que les marchands chiites reconnaissaient les femmes sunnites, ils leur parlaient alors avec une déférence obséquieuse que je prenais pour de la considération.

Sitôt rentrées, elle m’entrainait avec elle dans le petit hammam, que toute famille bourgeoise irakienne avait à la maison, les bains publics étaient réservés aux kurdes. Elle me lavait à grande eau, me décrassait de “ l’odeur chiite”. Il est vrai qu’on revenait de chez les pestiférés.

Les kurdes quant à eux, étaient pour la plupart les jardiniers de ces familles, les chauffeurs, les cuisiniers, les hommes à tout faire, les servantes. Tous travaillaient durement, murés dans le silence, ignorant pour une grande partie d’entre eux l’arabe, ils se contentaient de hocher la tête, sans jamais tenter d’entamer une discussion. Chose impensable par ailleurs. Ils portaient leurs vêtements traditionnels : un large sarouel et une tunique couleur de terre. Les filles étaient magnifiques et ne coupaient généralement jamais leurs cheveux, qu’elles portaient en tresses noires de jais jusqu’aux reins. La jeune fille qui travaillait chez mes grands-parents s’appelait Ashou, silencieuse, belle, elle était l’esclave de huit personnes, et lorsqu’on arrivait en été le nombre passait à 14..!! . Les seuls mots que je lui entendais répéter étaient : “ na3am Bajji Béhija..”, “ bajji”, maman en kurde.

Toutes ces communautés gravitaient dans une colère sourde, autour des sunnites, arrogants, et dominateurs. On ne recevait pas les chiites et on n’allait pas chez eux, on ne priait pas dans leurs mosquées, on n’épousait pas leurs filles. C’était deux mondes qui se côtoyaient, se haïssaient, et se tenaient à distance. On répétait devant moi, qu’ils étaient des renégats, des assassins, des hérétiques.

Ma grand-mère s’est éteinte après la guerre du Golfe, non sans avoir vécu “ l’affront” de voir qu’une de ses petites filles, étudiante à Londres, avait épousé un chiite pur et dur..!!

Avoir vécu très tôt cette hallucination, ce schisme me permit de garder une attitude de refus viscéral à l’égard de tous les fanatismes.

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