MANUEL VALLS, LA SUSCPION ANTI-MUSULMANE COMME DESTIN NATIONAL
D’aucuns pensent que l’instrumentalisation anxiogène de la question de l’islam est un élément récent de la stratégie de Manuel Valls pour conquérir le pouvoir présidentiel. Or, dès le début des années 2000, M. Valls jouait sur la suspicion de la population à l’égard des musulmans pour renforcer son pouvoir local, sa position au sein du Parti socialiste et se créé ainsi un destin national.
A lire cet extrait de mon ouvrage « La Nouvelle Islamophobie » publiée en 2003, voilà presque 13 ans !
Extrait :
« Cette islamophobie des élus peut aussi s'exprimer sur un registre latent, comme dans « l'affaire du Franprix d'Évry » dans l'Essonne. En décembre 2002, le maire socialiste de la ville, Manuel Valls, s'élève contre la décision du nouveau propriétaire d'une supérette Franprix, Mohamed Djaziri, de choisir de ne vendre ni porc, ni alcool dans ses rayons. Sur le plan légal, rien n'empêche cette pratique de sélection dans la commercialisation des produits. Cela n'empêchera pas le maire d'Évry d'exploiter cette affaire à des fins politiques et médiatiques, déclarant notamment que « si même le Franprix se spécialise, c'est le signe qu'il vaut mieux que tous ceux qui ne mangent pas halal quittent le quartier.
Si on ne fait rien, si on accepte un échelon supplémentaire dans la spécialisation, le quartier va devenir un ghetto ». L'élu ira même jusqu'à adresser une lettre au commerçant d'origine maghrébine, dans laquelle il le met en demeure de normaliser ses rayons : « je vous saurai gré de bien vouloir rétablir le fonctionnement de ce magasin se prévalant de l'enseigne Franprix que j'ai également saisie du dossier dans les plus brefs délais. (…). Dans le cas contraire, j'utiliserai, dans les prochains jours, tous les pouvoirs de police dont je dispose ».
Ces tensions locales paraissent significatives d'un rapport profondément ambivalent des élus et des pouvoirs publics français au fait musulman. S'ils souhaitent généralement développer de nouvelles relations avec les acteurs musulmans locaux (imams, responsables associatifs, commerçants, etc.), la tentation est grande aussi de faire de l'islam un produit politique : la gestion sécuritaire du « dossier islam » est devenue un gage de « bonne gouvernance » municipale.
Ceci est peut-être encore plus vrai à l'échelon national, où certaines élites politiques instrumentalisent la question du foulard islamique comme ressource de légitimation »
Extrait de Vincent GEISSER, La Nouvelle Islamophobie, éditions La Découverte 2003.