Tout commença par un “remake” -version western-spaghetti- de la « mise en boite » concoctée en l’honneur de Habib Essid. Le scénario était, certes, plutôt faiblard, mais pourquoi changer une formule qui marche ? Rempilons donc pour une seconde mouture de la « Charte de Carthage ». Quelques menus saupoudrages et tout le monde n’y verra que du feu !
Tout allait donc comme sur des roulettes, et le pauvre Youssef Chahed était en passe de connaître le même sort que son malchanceux prédécesseur… Jusqu’à ce que le vilain grain de sable grippa les rouages de la fabuleuse horloge suisse.
Quelques voix discordantes, venues d’ailleurs, celles de certains bailleurs de fonds internationaux de l’Etat tunisien, parvinrent à faire entendre leurs crissement de dents, sur des airs bien connus des tunisiens de « Touche pas à mon pote ».
Estimant que l’effet escompté n’avait pas encore été atteint ; le truculent ambassadeur de France en Tunisie finit par mettre le pied dans le plat et rendit une inopinée « visite de courtoisie » au sérénissime Cheikh de Montplaisir, lui conseillant au passage de ne pas « laisser tomber » l’ex employé de l’Ambassade de l’oncle Sam.
Rompu à l’exercice des antichambres, notre inspiré imam ne se le fit pas dire deux fois. Et il soutint mordicus le maintien de Youssef Chahed en son poste chef-gouvernemental. Le manitou du syndicat aura beau alterner les plus charmeurs ronds de jambe et les foudres les plus apocalyptiques, dont seul son ombrageux personnage détient le secret, rien n’y fit. L’illuminé politico-métaphysicien campa sur ses positions. Et l’on ne saura probablement jamais quels délices de l’Eden lui fit miroiter le Résident Général français des temps modernes.
Et quelle ne fit pas la stupeur du Chef de l’Etat, lorsque demandant d’un air entendu, à la manière d’un vieux concubin, au vénérable Cheikh s’il avait scellé le sort du candide de circonstance, il se vit objecter un cinglant « non ». Était-ce bien l’accort compagnon de cette inoubliable nuit parisienne de 2013 qui le défiait de la sorte ?!
Mettant un terme, sans autre forme de procès, aux pourparlers, il s’enquérit, ce faisant, des raisons du râteau qu’il venait de se ramasser de son doux, et non moins fidèle, compagnon. Son avisée conseillère, en adoratrices des « pieux frères » se fit un plaisir de lui rapporter, par le menu détail, les escapades franchouillardes de son alter égo.
Aux grands maux les grands remèdes ! Prétextant une sombre assemblée de l’arrière-garde « Otaniste » de Libye, dont un sombre militaire auto-promu après une retraite-disgrâce bien méritée, et auquel notre bajbouj national se faisait un malin plaisir de tenir la dragée haute, le Chef de l’Etat, se disant sans doute : « Lorsqu’on a le bon Dieu à ses côtés pourquoi s’adresser à ses saints ?!», prit son bâton de pèlerin, direction la ville des Lumières. Et il est fort à parier que les résultats de cette visite ont outrepassé la désavantageuse photo de famille qui a couronné la réunion franco-afro-libyenne.
Pour preuve, piqué à vif, sans doute, par certaines indiscrétions ayant filtré des tractations franco-tunisiennes, et dont l’issue, compte tenu du pédigrée du quasi-centenaire négociateur, n’est, hélas pour Youssef Chahed que trop évidente, l’ex-futur candidat aux élections présidentielles de 2019, et en l’absence du Chef de l’Etat, pris publiquement, et non moins solennellement, les tunisiens à témoins de ses déboires avec le clan Essebsi.
Or, outre le fait que le bon peuple tunisien a d’autres chats à fouetter que de s’encombrer des problèmes familiaux de l’aristocratie carthaginoise, le désormais ex Chef du Gouvernement, nonobstant ses plates courbettes à l’adresse du Président de la République, que les services de presse de la présidence ont sournoisement immortalisées, aura ainsi scellé son propre sort.
Le pieux cheikh, lui, aura fort à faire en comptant les cadavres des ennemis d’hier, devenus par le miraculeux concours de certaine nuit parisienne, « alliés » d’aujourd’hui ! Et si nous donnons l’impression, aujourd’hui, de rire de cet état de fait, c’est uniquement de peur d’avoir, un jour prochain, à en pleurer.
Jomâa Assâad: Universitaire