Nous avions, le 02/06/2018, publié sur ces mêmes colonnes un article, censuré (on en connaît aujourd’hui la peu reluisante cause) par le journal électronique Kapitalis, intitulé Youssef Chahed : « Game is over ». Le but du propos était de montrer que le sort politique du Chef du Gouvernement étant scellé, ses jours en cette fonctions étaient, désormais, scellés. La suite des événements semble aujourd’hui nous donner raison. Nous sommes, en effet, en passe de vivre l’épilogue de la saga Chahed, en tant que Chef de l’exécutif du moins.
Voici quelques jours, pourtant, les spéculations les plus fantaisistes étaient avancées par les chroniqueurs les plus réputés de la place. La plus insolite, sans doute était celle qui le prédestinait à être candidat du parti islamiste En-Nahdhâ aux présidentielles de 2019.
Fantaisistes, ces élucubrations l’étaient à l’évidence, non seulement du fait que lesdites élections ne sauraient, dans tous les cas de figure, avoir lieu en 2019, mais, plus vraisemblablement, en raison d’une donnée, d’ores et déjà tangible, l’oracle des nadhaouites y ayant fait sournoisement allusion (dans une déclaration passée inaperçue, Rached Ghannouchi avait souligné que le poste de maire de Tunis ne constituait qu’une étape nécessairement suivie par d’autres). La couleur était annoncée pour peu que l’on y prête attention : la candidate d’Ennahdha aux élections présidentielles (de 2019 ?) sera, à l’évidence, Madame Souad Abderrahîm, actuelle Cheïkha (Maire) de Tunis.
Pour peu qu’elle réussisse dans son actuel poste ! Nous rétorquera-t-on à juste titre. Gageons que sa mission sera d’autant plus facilitée que* les subsides en provenance des « Frères philanthropes » (de la consœur qatarie et du frère aîné turc) couleront à flot, assurant wi-fi à satiété et machinerie municipale en tous genres. La réussite sera, n’en doutons point, au rendez-vous.
D’autant que la solidarité s’étant avérée rude à toute épreuve, pour une fois la couleur politico-religieuse, en l’occurrence celle d’En-Nahdha, d’un élu n’a pas posé problème à nos chères femmes démocrates. Curieusement, celles-ci n’ont vu en l’accession à la première magistrature de la ville de Tunis qu’une juste reconnaissance des hautes qualités de la femme tunisienne, les accointances nahdhaouites de Madame Abderrahim ayant été reléguées au second plan.
C’est, au reste, l’une des raisons vraisemblables qui ont amené Béji Caïd Essebsi à donner un grand coup de pied dans la fourmilière, conscient qu’il était que sur les 1.300.000 voix qu’il avait recueillies lors des élections de 2014, un million étaient bien des femmes. Or, la dernière facétie du Cheikh montre à quel point son machiavélisme est un véritable don d’Allah le Tout-Puissant. Notre bajbouj national risquerait d’y laisser quelques plumes (déjà qu’elles ne sont plus bien nombreuses, oserais-je dire).
Mais pour en revenir à l’ex-protégé, devenu ennemi juré, le presque neveu Youssef Chahed, l’avenir ne s’annonce guère rose. Ayant inconsciemment joué avec le feu, ce qui a lui valu une réponse cinglante du vieux briscard de la diplomatie, sous forme de : ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces, le politicien novice méditera pendant de longues années la boutade sebsienne : « je saurai mettre à contribution mes solides amitiés étrangères ». C’est qu’on ne menace pas Essebsi par FMI ou bien représentations diplomatiques européennes interposées !
Au final, il est fort probable que, à l’heure où nous mettons sous presse, Monsieur Chahed ait tiré les conclusions de son cuisant échec. Estimant, sans doute, que toute mise en scène parlementaire serait, l’issue en étant connue par anticipation, superflue, il négocie vraisemblablement, moyennant la démission de son gouvernement, sinon une sortie honorable, du moins, une issue salutaire, lui évitant la douloureuse alternative : déboires judiciaires ou bien exil forcé. En effet, s’agissant de l’avenir personnel de l’actuel chef du gouvernement, d’éventuelles représailles ne sont pas à exclure tant il est vrai que son bienfaiteur est on ne peut plus remonté contre lui.
A preuve, cédant à un mouvement d’humeur, il aurait jeté à la figure de son presque fils, venu l’accueillir suite à sa visite officielle en France, et après que le Chef du Gouvernement n'eut commis l’impair de son incursion télévisuelle où il s’en prenait nommément à Essebsi junior : « Tu aurais dû te faire accompagner par l’armée pour me recevoir » (allusion à un éventuel coup d’état) ».
Et comme pour ponctuer son courroux à l’encontre de son presque neveu, il confiera quelques jours plus tard à Hafedh : « Je n’aurais pas été encore présent pour toi, Chahed t’aurais jeté en prison. Or, tous ceux qui ont eu à faire commerce avec Béji Caïd Essebsi vous le confirmeront, ce bon père de famille aurait plutôt la dent dure. Pourvu que l’ex fonctionnaire de l’ambassade américaine s’en tire à bon compte !