Ce début de vingt et unième siècle que nous imaginions éblouissant dans ses promesses s’avère être celui des larmes, du feu et de l’extermination de masse.
Alors que tout annonçait la fin des guerres comme celles qui ont précédé les trente dites glorieuses, le temps, dans un virage sanglant, inversant le mouvement des aiguilles, fait voler en éclats l’espoir insensée d’un monde évolué.
Roulant son ruban d’acier, le froid des glaciers pénètre les âmes comme une « bombe sale » conçue par des esprits criminels pour faire de la terre un vaste enfer !
Tels des condamnés à mort attendant le jour et l’heure de l’exécution, nos vies ne sont plus que le bruit de ce tic-tac obsédant qui martèle nos cerveaux comme un marteau-pilon atteignant ce point final que la vie a mis entre parenthèses.
La nostalgie de ce qui fut n’est plus que temps blanc, ce brouillard épais qui en colonisant l’esprit dématérialise la structure que nous pensions être.
La folie gagne les étages de la nouvelle Babel, cité conceptuelle dont le ciel devient la route vers un futur hideux.
Plongés dans un chaos mental voulu par un dieu maléfique que les humains dérangent dans sa folie mégalomane, la langue n’est plus l’outil régulateur d’harmonie, mais son ange exterminateur, opérant dans une langue étrangère, sans personne pour la comprendre.
Dans ce désordre total, des voix nous exhortent avec des signes anciens : « Retirez votre argent de la banque, vous allez tout perdre ; c’est décidé en haut lieu ! ... C’est pareil qu’en 2008, lors des subprimes, mais en pire ! »
Quel argent ? Dans quel monde vivons-nous ? Pour retirer, il faut en avoir ! … Or… Or… Dites-moi ? … Comment approvisionner mon vide bancaire afin de valider mon retrait ?... Un braquage de banque ?... Mais si, comme vous l’affirmez, les banques ont retiré les liquidités ? … On fait quoi ? … On aide la police à remplir les prisons en échange d’un repas chaud ? …
Les mêmes voix, un ton plus loin, saisies de panique, vous mettent dans le bain pour une douche froide, au cas où vous doutiez du bienfondé de l’alerte : « Faites des provisions, les temps futurs s’annoncent sinistres ! Remplissez vos placards, verrouillez vos portes ! Mettez des barreaux aux fenêtres… Armez-vous contre l’intrus ! … Tirez d’abord, renseignez-vous après … Ne sortez de chez vous que si vous en êtes sûrs. Absolument sûrs ! Et à la condition stricte que vous soyez en possession du codex imprimé à l’arrière de votre crâne, comme dans Hitman ! Chaque vivant est potentiellement l’ennemi de son semblable ! Tracez votre route, un point c’est tout ! »
Comment faire si les banques n’ont plus de liquidités ? Les prendre d’assaut, ce que les communards n’ont pas su ou voulu faire en 1871 ? S’approprier l’or et le distribuer aux nécessiteux dans les ronds-points, aidés à la tâche par les Gilets Jaunes, les Bonnets Rouges et les bénévoles des Restos du Cœur ? ... Ça va faire beaucoup trop de riches, ne trouvez-vous pas ?
Et la nourriture, comment faire pour faire du stock ? La voler ?... Et la moutarde, pouvez-vous expliquer l’énigme de sa disparition ? Est-ce pour la fabrication à grande échelle du gaz moutarde ? ... Ça avait fait des sacrés dégâts ! ... Vraiment flippant, ce scénario !
En résumé, on se tait et on creuse, c’est ça ? ... Tombe ou charnier ? Charnier, je pense…