Israël gagnera toutes les batailles et perdra la guerre

L’évolution de l’attaque israélienne contre le Liban me semble décrire une situation qui n’est pas inattendue, mais peut-être plus claire que ce à quoi on aurait pu s’attendre.

Israël démontre deux choses : 1) qu’il est militairement beaucoup plus fort que tout autre adversaire dans la région, faisant preuve d’une supériorité technologique absolue ; 2) Ne reconnaître aucune limite morale à l’exercice de la violence et de son propre pouvoir.

En ce qui concerne le premier point, il semble qu'Israël ait détruit la capacité de communication interne du Hezbollah dès le premier jour, et dans la guerre d'aujourd'hui, la coordination par une communication efficace est aussi importante que les missiles. La défense antiaérienne du Hezbollah semble inexistante et Israël domine donc totalement le ciel. Les services de renseignement israéliens ont manifestement infiltré le Liban à tous les niveaux depuis un certain temps, ce qui a permis d'identifier des quartiers généraux militaires, des dépôts d'armes, etc.

La direction du Hezbollah semble, comme les Libanais eux-mêmes l’admettent, avoir été complètement exterminée en moins de trois semaines. Avant de mettre un seul soldat de Tsahal dans la ligne de mire, Israël a éviscéré le Hezbollah.

D’ailleurs, ce n’est pas qu’il s’agisse d’une stratégie si inattendue, puisque c’est exactement ce que font toujours les États-Unis : d’abord ils aplatissent avec des bombes, renforcés par leur supériorité aérienne, puis quand ils ont renvoyé l’ennemi aux modes de guerre du XIXe siècle, ce n’est qu’alors qu’ils mettent leurs bottes sur le terrain. Je pense qu’on peut dire sans crainte d’être contredit que la direction militaire du Hezbollah a échoué dans tous les domaines. Peut-être était-il impossible de ne pas échouer - il est toujours facile de parler depuis la ligne de touche - mais c’est le résultat.

Sur le deuxième point, Israël continue, sous une forme de plus en plus claire, avec ses règles d’engagement dépourvues de toute retenue. À titre d’exemple, hier, pour tuer Nasrallah, Israël a abattu 10 immeubles d’habitation avec des bombes d’une puissance monstrueuse. Selon l’estimation immédiate, le nombre de victimes civiles est d’au moins 300 personnes. Mais cela a été le modus operandi d’Israël tout au long de l’année écoulée à Gaza.

La règle qu’Israël dit qu’il devrait adopter est la suivante : toute personne qui se trouve à proximité d’une cible que nous pensons être d’intérêt militaire doit être traitée comme un ennemi potentiel, qui peut être légitimement éliminé. En pratique, cela signifie que tout objectif civil est un objectif légitime.

L’attitude d’Israël est délibérément d’une grossièreté du Haut Testament. L’idée est empruntée à une époque archaïque où les signaux devaient être aussi clairs et sonores que possible : en l’absence de systèmes de communication, l’extermination et la cruauté servaient à faire résonner le message qu’il n’était pas nécessaire de défier le vainqueur.

Israël est un pays en crise économique (note de crédit dégradée de A2 à Baa1 avec une perspective négative), politiquement en phase terminale, et pourtant, grâce au soutien illimité des États-Unis, il peut se présenter comme le maître substantiel du Moyen-Orient, qui peut se permettre n’importe quel acte d’intimidation internationale, sans craindre de graves répercussions.

J’ai l’impression que cette phase historique - une phase qui lève bien des voiles sur la réalité du monde occidental - enlève à Israël ce voile résiduel de justification qu’il portait avec lui depuis sa naissance, à l’ombre de l’Holocauste.

Pour le dire de manière populaire, Israël a été, tout au long de son histoire, le champion mondial incontesté des "renégats".

Il est né sous des formes terroristes (Deir Yassin, Hôtel King David, etc.) et parajuridiques sur la vague émotionnelle de l’Holocauste, ce qui lui a permis d’avoir un traitement international favorable (à commencer par l’incroyable plan de partition de la Palestine qui a attribué 56,47% du territoire à Israël, dont 500 000 Juifs - pour la plupart nouvellement arrivés - et 325 000 Arabes, et 43,53% du territoire à la Palestine, dont 807 000 Arabes et 10 000 Juifs). Et puis il a ensuite continué à ignorer systématiquement tout ce qui passait sous le nom de "droit international" (des interventions du Mossad sur le territoire d'autres États souverains aux nombreuses "guerres préventives").

Mais tout cela a continué à être présenté sous l’image du petit David entouré de divers Goliath arabes : le charmant village de démocrates au franc-parler, persécutés par envie, entouré de multitudes barbares. Et quiconque n’est pas d’accord avec l’hagiographie est un antisémite.

Aujourd’hui, Israël, qui mène simultanément une forme de nettoyage ethnique en Palestine, bombarde la Syrie pendant son temps libre, rase des quartiers au Liban, tue des diplomates en Iran, etc., continue d’essayer de jouer son joker de victime dans divers forums internationaux, mais est victime de son propre succès.

Aux yeux du monde entier (à l’exception des lecteurs des ordures journalistiques grand public), c’est l’image d’un pays armé jusqu’aux dents avec les systèmes d’armes les plus avancés au monde, qui se sent parfaitement en droit d’utiliser tous les moyens qu’il juge subjectivement conformes à ses objectifs, ne reconnaissant à aucune autre entité humaine ou ethnique un statut d’égale dignité.

Mon impression est qu’Israël gagnera toutes les batailles et perdra la guerre. Non pas telle ou telle guerre particulière, mais la guerre fondamentale, celle de la légitimation de sa propre existence.

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