L’idée de répondre favorablement à l’invitation du club de français du lycée de Bouargoub et de traiter devant un parterre d’élèves de questions aussi complexes et controversées que la liberté et l’engagement citoyen nous a emballés et exaltés, persuadés que nous étions, qu’une expérience inédite comme celle-ci nous donnera la possibilité d’affronter un public jeune, anticonformiste, peu ou prou conditionné par nos préjugés d’adultes, par nos à priori longtemps entretenus par nos propres errements intellectuels et par nos phobies et craintes de personnes émoussées par les vaines querelles idéologiques.
Avoir en face de nous des jeunes filles et de jeunes garçons à l’orée des sentiers battus que nous avons longuement parcourus et dont ils découvrent les premières embûches ainsi que les premières senteurs frelatées, vous rend fébriles mais en même temps très attentifs à la façon d’aborder ces questions dans un débat qui ne soit ni ennuyeux ni ponctué de poncifs et d’injonctions usés jusqu’à la trame.
Nous étions trois à représenter Les Semeurs : Chiheb Boughedir, Saïd Jendoubi et Imed Azali. Disons d’emblée, que l’accueil qui nous fut réservé par les enseignants, les élèves, la direction du lycée a été chaleureux, cordial, empreint de sympathie et de volonté de nous mettre à l’aise dans cet univers scolaire dont nous avons de vagues souvenirs et qui, malheureusement, a perdu de son lustre et de son éclat au cours de ces dernières années,
Nous avions quelque appréhension à rencontrer un public aussi jeune, que nous croyons fort désarmé, assez éloigné de nos préoccupations d’adultes abimés par le conformisme, peu intéressé par une problématique aussi contestée que la liberté, un peu démoralisé et déprimé par la situation actuelle et par ses répercussions sur leur environnement scolaire, heureusement, nos craintes se dissipèrent rapidement, au contact de cette jeunesse curieuse, bouillonnante, pleine de verve, de fraicheur, d’énergie, avide d’échanges, de connaissances, de réponses qui ne soient pas convenues, qui soient intelligentes et convaincantes.
Le débat, fort captivant, se prolongea pendant deux heures, deux heures durant lesquelles nous fûmes éblouis et émerveillés par l’intérêt qu’ils portaient à cette étape décisive de l’histoire de leur pays, par leurs interrogations, parfois naïves, mais suggérant l’espoir de voir l’expérience tunisienne réussir et aboutir à un mieux-être dont ils perçoivent le caractère assez aléatoire, assez fragile.
Nous avons certes perçu à travers leurs interventions cette peur diffuse d’un avenir incertain, d’une liberté qui ne serait en fin de compte qu’un leurre, qu’une illusion, d’une révolution qui aurait failli à sa mission première : rendre le peuple heureux.
Néanmoins, et en dépit de ce pessimisme que nous avons par moments ressenti, nous avons surtout eu l’impression que ces jeunes ont foi en la liberté et qu’il la considère comme un bien précieux susceptible de changer leur existence et de les protéger contre la tyrannie du monde adulte.
Deux heures de débat et d'échanges avec des jeunes filles et de jeunes garçons admirables et d'une maturité absolument stupéfiante, comme quoi il suffit de croire en cette jeunesse, en sa verve, en sa fraîcheur et en sa volonté de bâtir une nouvelle Tunisie.
Nous tenons à remercier particulièrement Monsieur Mhadhib Boudabous sans qui cette initiative n’aurait pas été possible ainsi que les enseignants et la direction du lycée de Bouargoub.