Théâtre et politique, comme le savaient les anciens, sont étroitement liés, et il est peu probable que la scène théâtrale soit vivante lorsque la politique meurt ou s'éclipse. Et pourtant, dans un pays où la politique ne semble plus composée que de momies qui prétendent diriger leur exhumation, il a été possible ces derniers jours d'assister dans un petit théâtre vénitien à une représentation si pleine de vie et d'intelligence que les spectateurs - comme cela devrait toujours être le cas au théâtre - en sont sortis plus conscients et presque physiquement régénérés. Un tel miracle n'est pas le fruit du hasard.
Piermario Vescovo, dans sa connaissance exemplaire de l'histoire du théâtre, a eu recours avec lucidité à une tradition apparemment mineure, mais en réalité, surtout en Italie, certainement majeure, celle des marionnettes.
Mais il l'a fait - et c'est là la nouveauté - en combinant la présence des corps de six actrices avec celle des marionnettes qu'elles tiennent et font bouger, de sorte qu'entre les vivants et les morts, entre les corps imposants des actrices qui jouent et les corps épars mais non moins présents des marionnettes, un échange incommensurable a lieu, dans lequel la vie continue sans cesse dans les deux sens et dont on ne sait pas à la fin si ce sont les actrices qui font bouger les marionnettes ou les marionnettes qui secouent et animent les actrices.
Nunzio Zappella, l'un des derniers grands « guaratellari » napolitains, en montrant son petit Pulcinella usé, a dit un jour : "C'est mon père". On ne saurait peut-être mieux définir le mystère qui s'installe entre le marionnettiste et sa marionnette.
Mais Vescovo, en greffant ingénieusement le bunraku japonais sur la tradition de la comédie italienne, a fait plus : il a transformé un texte mineur de Goldoni (l'Incognita - qui n'avait pas été joué depuis la mort de l'auteur) en quelque chose de provocant et de férocement actuel.
La leçon à en tirer est que l'effondrement de toutes les institutions, pas seulement politiques, que nous connaissons actuellement ne nous rend pas nécessairement impuissants : il est toujours possible de trouver dans le passé et de chérir, même dans les conditions les plus défavorables, la graine vernie qui ne manquera pas de s'ouvrir le moment venu.