Dans nos contrées choyées par un climat tempéré, l’automne est une saison généralement bien arrosée par les pluies venues de l’océan. Doté d’un optimisme à toute épreuve, vous négligez malgré tout de vous munir de votre parapluie.
Grave erreur ! Vous avez à peine stationné votre véhicule sur le "Champ de Foire", qu’une généreuse averse s’abat sur la ville. Après une course échevelée, vous vous engouffrez dans la première boutique venue. Le hasard vous fait pénétrer dans la modeste "Librairie Bleue" blottie dans l’ombre d’un salon de coiffure pour dames et d’un magasin d’optique. Les romanciers sont tous là, sagement alignés sur leur étagère. Les Grangé, les Nothomb, les de Vigan, les Angot, les Dicker, les Hédi Haddour. Ceux que l’on voit partout. Ceux que l’on entend partout. Ceux qui recevront probablement un prix qui augmentera encore leur notoriété. Les essayistes les côtoient avec autant de superbe et parfois même de l’amusement.
Les Enders, les Schmitt, les Cohen, les Harari, les Kondo. On ne sait trop de quoi ils parlent, mais les couvertures sont aguichantes, les quatrièmes ronflantes et les critiques célèbres étalées avec gourmandise. En réalité, puisque le destin vous a conduit dans l’antre de la lecture, autant rechercher l’un de ces innombrables ouvrages dont aucune colonne de journal n’a vraiment parlé. Celui qui, profitant de la distraction de la maîtresse des lieux, dort benoîtement dans son coin mais qui recèle, éparpillées au milieu des quelques 200 000 signes espaces comprises qui le composent, mille perles savoureuses, dix idées par page et une ouverture grand angle sur la vie, l’amour, l’avenir, l’Homme, la Femme, la beauté, la tendresse et la grandeur de l’Univers.
Vous écartez les Attali, les Finkielkraut, les Onfray, les Debray. Ils ont déjà rencontré leurs lecteurs, comme disent leurs éditeurs en ajoutant un chiffre de tirage invérifiable. Vous écartez les Fillon, les Juppé, les Cambadélis et les Duflop. Quand ils tiennent la plume eux-mêmes, ils n’écrivent pas pour d’éventuels lecteurs mais pour montrer à leurs électeurs combien ils pensent avec profondeur et enthousiasme à l’avenir de leur futur. Leurs ventes resteront d’ailleurs modestes sinon même aussi confidentielles que l’influence de leurs contenus sur le cours des choses. Et c’est alors qu’en voulant écarter un ouvrage de photographies de l’inénarrable Yann Arthus-Bertrand, vous découvrez un petit opus de 128 pages illustré d’un portrait du pape François portant un enfant dans les bras. Il s’agit de "Loué sois tu", l’encyclique consacrée au respect de la nature, comme le certifie Nicolas Hulot au milieu de sa pastille verte.
Vous n’êtes pas un lecteur assidu des bulles et autres lettres que les papes lancent régulièrement urbi et orbi depuis le balcon de leur résidence vaticane. Vous jetez cependant un œil curieux. Et vous embarquez pour une puissante réflexion sur l’état du monde et la violence qui règne dans le cœur de l’Homme. Celle-ci ne serait en fait que le reflet des innombrables maladies qui épuisent les sols, corrompent les eaux des rivières et des océans, polluent les airs et détruisent les êtres vivants. Mais l’auteur n’accuse pas et stigmatise encore moins.
Les politiques et autres censeurs ayant pignon sur rue font appel aux grands principes généraux tels que changer l’organisation du monde pour bonifier la condition humaine. Ce qui permet de renvoyer le grand soir au lendemain en reportant la faute sur les autres. Le pape leur oppose au contraire un message autrement révolutionnaire vieux de 2000 ans : améliorez-vous vous-même et vous améliorerez non seulement vos conditions de vie mais également celles du monde.
Les raisonneurs crieront à l’utopie et ils n’auront pas tout à fait tort. À ceci près que leurs propres recommandations n’ont guère apporté jusqu’ici de résultats probants. Et les chemins du futur étant imprévisibles, qui peut prétendre que le rêve n’est pas porteur d’espérances ? Le lecteur trouvera là bien des choses à penser.