Les fiançailles auront donc duré un an avant la noce. Le 16 janvier prochain, les constructeurs automobiles Peugeot et Fiat-Chrysler seront réunis en une seule entité nommée Stellantis (« parsemé d’étoiles » en latin). Le nouvel ensemble de 400 000 employés sera le quatrième groupe mondial en termes de véhicules vendus (8 millions par an) et le troisième en ce qui concerne le chiffre d’affaires (170 milliards d’euros). Au total, Stellantis comprendra 14 marques dont Peugeot, Fiat, Chrysler, Opel, Citroën, Alfa Romeo, Maserati, Dodge et Jeep.
Enjeux stratégiques et emplois
Les autorités de concurrence européenne et américaine ont donné leur feu vert et Stellantis sera coté sur les Bourses de Paris, Milan et New York. La fusion a aussi été plébiscité par les actionnaires des deux entreprises (plus de 99% des votes lors des deux assemblées générales extraordinaires respectives) et la presse spécialisée est plutôt positive. Cette opération était attendue et elle est vue comme la condition nécessaire pour garantir la survie de marques comme Fiat, Peugeot ou Chrysler.
En effet, au-delà du défi immédiat posé par la pandémie de Covid-19, le secteur automobile est confronté en ce début de siècle à de nécessaires choix stratégiques que seuls des groupes ayant une taille critique sont capables d’assumer.
Comme ses concurrents, Stellantis devra trancher : faut-il favoriser le développement des véhicules électriques – en prévision du renforcement des législations favorables à l’environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique ? Faut-il croire au développement de la voiture autonome sur laquelle de grands noms de l’informatique fondent beaucoup d’espoirs pour se diversifier et concurrencer les constructeurs traditionnels ?
Le discours accompagnant cette fusion comporte les habituels éléments de langage. Elle est censée « créer plus de valeur », c’est-à-dire offrir plus de revenus aux actionnaires. Elle doit aussi « réduire les coûts » (5 milliards de dollars par an) grâce aux inévitables « synergies ».
Or, comme toujours, la vraie question concernant ce type d’opération concerne la préservation des emplois. Les dirigeants des deux groupes ont promis qu’aucune usine ne sera fermée mais, on le sait, les promesses n’engagent que celles et ceux qui y croient.
Car un bref regard sur la situation du nouveau groupe oblige à la prudence. Nombre de ses usines tournent au ralenti depuis des années, situation que la pandémie n’a fait qu’aggraver. On considère ainsi qu’une usine est rentable si elle tourne à 80% de ses capacités or le taux moyen est de 45% pour Stellantis. Il ne faudra pas être surpris à court terme si des marques sont cédées ou si des sites sont fermés au nom de la sacro-sainte rentabilité (laquelle conditionne le taux de rémunération des actionnaires).
Mode de consommation
Enfin, on ne peut évaluer cette fusion sans penser aux évolutions en cours. Selon un sondage de YouGov réalisé en 2020, les jeunes sont partagés à l’égard de la voiture avec une part non négligeable d’entre-eux qui n’envisagent pas d’en acquérir soit faute d’intérêt soit en raison du coût. D’autres voient dans la voiture un usage occasionnel auquel sauront répondre des plateformes de location plus accessibles que celles qui existent aujourd’hui.
Autrement dit, la voiture risque fort de devenir, notamment en milieu urbain, un produit dont on ne paie que l’utilisation sans avoir à l’acquérir. De quoi faire revoir à la baisse les projections des constructeurs même si pour ces derniers l’eldorado chinois (20 millions de véhicules par an) constitue une sécurité pour l’avenir.