Ces derniers temps, il y a eu une réflexion sur le sens de la liberté d’expression et le rôle de la censure. Ces réflexions ont été stimulées par l’arrestation de Pavel Durov en France et les déclarations de Zuckerberg concernant les pressions exercées par l’administration Biden pour supprimer les publications Facebook sur le Covid et pour considérer comme infondées les informations selon lesquelles Hunter Biden aurait fait pression sur son père lorsque celui-ci siégeait au conseil d’administration de la société énergétique ukrainienne Burisma.
Ces réflexions prennent nécessairement en compte le rôle des médias sociaux, qui en fait salissent les voix de ceux qui en font partie sur le globe. Les adeptes, les influenceurs, les journalistes, les charlatans et l’État, qu’ils soient représentés par ses organes institutionnels, les services secrets ou toute autre force, parviennent tous à faire entendre leur voix dans n’importe quel coin du monde grâce au mégaphone des médias sociaux.
Le réseau social est une myriade de toiles d’araignées qui se croisent ; Chacune a sa propre identité et est composée de personnes et d’institutions ayant un dénominateur commun. La force, mais aussi la faiblesse, de cette construction réside dans le plaisir que l’on éprouve à échanger des idées et des opinions avec ceux qui pensent exactement comme nous. Et cela s’applique pour le meilleur ou pour le pire.
Jusqu’à présent, rien de nouveau sous le soleil, le vrai problème des médias sociaux est la dimension mondiale des toiles d’araignée et leur intersection. Le danger pour l’État ou pour la « démocratie » est de perdre, en raison des dimensions mondiales, le contrôle du système d’information, bref, de savoir qui dit quoi et pourquoi et qui perçoit son message. En fait, le « monopole de l’information » appartient à l’État même dans une démocratie, c’est en fait l’État qui décide de ce que le citoyen doit savoir et de ce qu’il vaut mieux qu’il ne sache pas. Souvenons-nous que Julian Assange a été accusé d’espionnage parce qu’il a divulgué des informations qui auraient dû rester secrètes.
La censure limite la portée des médias sociaux. Jusqu’à l’avènement de Facebook et de Telegram, l’Etat n’en avait pas besoin car il a pu contenir l’impact d’Internet et du cryptage. En d’autres termes, Internet était un livre ouvert. Mais pour ce faire, des politiques très spécifiques ont été menées, qui méritent d’être rappelées.
En 1976, deux mathématiciens de Stanford, Whitfield Diffie et Martin Hellman, ont inventé un nouveau système cryptographique qu’ils ont appelé « cryptographie à clé publique ». Dans ce système, chaque utilisateur se voit attribuer des codes personnels composés de deux « clés », différentes mais mathématiquement liées par un numéro primaire partagé. Les mathématiques derrière la cryptographie à clé publique sont très complexes, mais l’idée est simple : vous pouvez partager la clé « publique » avec tout le monde et ils peuvent l’utiliser pour chiffrer des messages. Mais les messages ne peuvent être déchiffrés qu’avec une clé « privée », secrète et personnalisée, une clé que seuls les destinataires possèdent. Pour vous expliquer, imaginons que des messages chiffrés arrivent dans notre boîte de réception. Leur insertion est facile, tout le monde peut le faire. Mais seuls ceux qui ont la clé, unique et personnelle, peuvent ouvrir la boîte aux lettres. Sans cette clé, les messages resteront dans la boîte de réception pour toujours et ne pourront pas en être extrait. Prendre possession de la clé privée est statistiquement très difficile ; Il est pratiquement impossible de la copier. Ce principe simple sous-tend la blockchain et la technologie bitcoin.
La cryptographie à clé publique a révolutionné les utilisations potentielles de la cryptographie, car elle permettait d’envoyer des messages chiffrés sans avoir à échanger de code et sans avoir à se rencontrer en personne. Il est facile de comprendre pourquoi, en 1976, le gouvernement américain ne voulait pas que cette invention soit divulguée. C’est ainsi que Washington est intervenu pour bloquer la divulgation de la cryptographie à clé publique. Avant que Diffie et Hellman ne puissent publier, la National Security Agency (NSA) a averti que cela constituerait une infraction fédérale. Comment ça? C’est simple : avec l’Arms Export Control Act de 1976, le Congrès avait effectivement interdit la distribution et l’exportation d’armes vers d’autres pays sans licence, et la cryptographie avait été classée comme une « arme stratégique ». La violation était passible d’une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison ou d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 million de dollars.
La loi sur le contrôle des exportations d’armes marque le début de la « guerre des cryptomonnaies » : la bataille juridique et de relations publiques entre la communauté du renseignement et les cyber-activistes de la vie privée. Le champ de bataille était le droit des citoyens d’utiliser la cryptographie à des fins personnelles, c’est-à-dire de rester anonymes en ligne.
Jusqu’au début des années 1990, la cryptographie à clé publique est restée le domaine exclusif du gouvernement américain, qui a construit une série de législations autour d’elle pour permettre aux institutions gouvernementales d’accéder à la confidentialité cryptographique des citoyens. Au début de l’année 1991, le Sénat américain a introduit une loi obligeant les fournisseurs de services de communications électroniques à remettre les données personnelles des utilisateurs aux autorités de l’État. L’adoption de la loi a été promue par le sénateur Joe Biden, aujourd’hui président des États-Unis.
À la fin de l’année 1991, l’activiste antinucléaire et programmeur informatique Phil Zimmermann a inventé le logiciel Pretty Good Privacy, mieux connu sous le nom de PGP, qui a rendu la cryptographie à clé publique accessible à tous en ligne, gratuitement. Dès lors, il est devenu possible pour deux individus de communiquer sans aucun risque que leurs messages soient interceptés et déchiffrés par quelqu’un d’autre. PGP a ouvert la porte à l’avenir du commerce électronique et a été le grand-père des crypto-monnaies. Il a également jeté les bases du dark web, une évolution que Zimmermann n’avait pas prévue et qui, des années plus tard, l’a amené à regretter d’avoir divulgué PGP.
En 1993, le gouvernement américain a introduit la « puce Clipper », un système de cryptage standard pour Internet, dont les clés sont toutes détenues par la National Security Agency.
Aujourd’hui, le problème de la cryptographie ne se pose pas, l’État a un large accès au contenu des médias sociaux, mais la diffusion d’un récit différent du récit « officiel », un récit qui n’est ni terroriste ni criminel (il existe de nombreux outils pour les contrer) mais simplement critique et alternatif fait peur. C’est là que la censure devient la meilleure arme pour le bloquer.
Mais pour combien de temps ? L’histoire nous enseigne que la censure est souvent un boomerang.