Les dessous du secteur énergétique en Tunisie

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Depuis la révolution, les tunisiens ont découvert que la politique suivie par les gouvernements de Bourguiba et surtout de Ben Ali consistait à attribuer des permis de recherche aux sociétés étrangères sans se soucier d’instaurer un suivi rigoureux qui aurait pu sauvegarder les intérêts du pays, ce qui a énormément nui au développement du secteur et du pays.

Le clan Ben Ali/Trabelsi a mis la main sur tous les domaines du secteur hydrocarbures & mines. C'est pour cette raison que des tunisiens réclament depuis des mois une transparence totale pour un domaine réputé pour la corruption et l'absence de transparence qui y règnent.

Il suffit de mentionner des exemples connus par tous comme l'octroi de permis d’exploration à des sociétés de peu d’envergure aussi bien internationales que tunisiennes par l’intermédiaire des membres de la famille Ben Ali/Trabelsi, l' attribution de kiosques de distribution de produits pétroliers ou l'intrusion à titre gracieux dans le capital social de certaines sociétés de production.

Le rapport de la Commission Nationale d’Investigation sur la Corruption et la Malversation a cité toutes les grandes entreprises publiques et notamment (STEG &ETAP) dans les pages (p.267-268).

Le domaine de l’énergie et des mines représentait le 1/5 de nos exportations et comprend les quatre premières entreprises du pays mais demeure peu transparent. Les quelques rapports publiés ne retracent pas la transparence exigée et ne révèlent que peu d’informations utiles. La société civile n’a jamais pu intervenir pour jouer son rôle de contrôle et de vérification des données déclarées.

Il est très difficile de connaître les réserves ou la rente pétrolière ou même comment se calcule le prix de l’essence vendu à la pompe. Même les spécialistes du domaine ont de la peine à savoir comment on accorde un permis de recherche ou de prospection.

De nos jours, toute information qu’on voudrait « dissimuler » soit intentionnellement, soit par négligence ou habitude, sera tôt ou tard révélée. Il est inutile de continuer à établir un climat de suspicion qui favorise la corruption et nuit à l’image de la Tunisie vis-à-vis des investisseurs.

Il est temps pour que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour:

- Se saisir sérieusement de ce dossier crucial relatif à nos ressources naturelles et engager les consultations nécessaires pour faire la lumière sur ces affaires, longtemps éloignées des regards.

- Entreprendre les enquêtes et poursuites judiciaires qui s’imposent, pour mettre fin à ces dérives qui compromettent nos potentialités de développement et menacent nos chances de recouvrir une réelle souveraineté nationale sur nos richesses minières et pétrolières.

- Mettre un terme aux clauses du code des mines et du code des hydrocarbures qui portent gravement atteinte à notre souveraineté dans l’exploitation de nos ressources naturelles et modifier notre législation en la matière.

- Reconsidérer la stratégie de financement du développement dans une perspective éloignée du danger d’endettement massif qui risque de compromettre notre souveraineté économique et politique.

- Etablir l’état des lieux en entreprenant un Audit financier et technique des plus rigoureux, former des cercles de réflexion spécialisés pour analyser toutes les données recueillies et enfin tracer une politique de Transparence.

Par ailleurs, une procédure internationale serait vivement recommandée pour s’ériger en pays prônant la transparence dans le secteur des industries extractives de ses richesses naturelles. Ceci devrait favoriser la fiabilisation des déclarations émises par les opérateurs extracteurs de pétrole et de gaz, encourager le recours aux services d’entreprises locales de construction industrielle ou de services divers, et minimiser les risques de fraude fiscale pour consolider nos recettes publiques.

La bonne gouvernance nécessite de déclarer le plus d’informations possibles et cela passe par l’adhésion aux standards internationaux en la matière. Plusieurs pays publient des rapports complets sur les revenus des produits d’extraction et sur les conditions d’exploitation selon les standards EITI (www.eiti.org).

L'ITIE est une initiative pour la transparence dans les industries extractives et une coalition mondiale de gouvernements, d'entreprises, de groupes de la société civile, d'investisseurs et d'organisations internationales. Ensemble, ces instances ont élaboré une norme qui garantit la publication par les entreprises extractives de ce qu'elles versent à l'État, et la divulgation par l'État de ce qu'il tire de ses ressources naturelles.

En 2012, Le chef du gouvernement tunisien a annoncé la décision de son gouvernement de mettre en œuvre une norme mondiale pour la transparence en matière de gestion de ressources naturelles. 5 ans après, des milliers de tunisiens sont dans la rue pour exiger la transparence dans ce secteur. La question qui se pose est pourquoi le processus d'adhésion c'est interrompu et au profit de qui? Que faire pour gagner la confiance des tunisiens et des investisseurs?

Rappelons qu'en 2012, le gouvernement tunisien a choisi le chemin de la transparence et le premier ministre a annoncé que les citoyens auront la possibilité de connaître combien d’argent le gouvernement reçoit en contre partie des activités pétrolières, gazières et minières du pays.

Il est temps d'exiger une meilleure gouvernance des ressources naturelles à travers la vérification et la publication complète des paiements effectués par les entreprises et des revenus perçus par le gouvernement provenant du pétrole, du gaz et des minerais.

Il n’est plus acceptable que le citoyen soit maintenu dans une ignorance organisée. Les critères de démocratie exigent des moyens et des critères clairs et transparents dans la gestion des richesses nationales.

Notes pour mieux comprendre les Standards :

LES AVANTAGES DE L’ADHESION A l’ITIE:

L’adhésion à EITI (qui s'étale sur une période de 2 ans) amène l’état membre à publier un rapport exhaustif sur ses activités extractives, et oblige les opérateurs exerçant sur le plan l’international à déclarer une batterie d’informations quantitatives, qualitatives et financières.

Plusieurs avantages sont tirés de cette démarche de transparence, dont les principales sont :

1) améliorer le climat des affaires pour attirer plus d'investissements extérieurs (IDE)

2) gagner en crédibilité et en image de marque

3) permettre à l’état de récupérer des "manques à gagner " substantiels (profitabilité + fiscalité)

4) réduire les délais de réalisation des projets

5) réduire le coût de production pour consolider la rentabilité des projets

6) améliorer la production nationale ainsi que la productivité en la matière

7) permettre le développement des industries & services liés à l'activité extractive.

8) Les pays riches en ressources, qu'elles soient pétrolières, gazières ou minières, ont tendance à présenter une activité économique inférieure à la moyenne, une fréquence des conflits plus élevée et à souffrir d'une mauvaise gouvernance. Ces effets ne sont pas inévitables et on peut espérer qu'en encourageant à plus de transparence dans les pays riches en de telles ressources, certains des impacts négatifs potentiels seront atténués.

9) Les avantages pour les pays comprennent un meilleur climat d'investissement grâce à un signal clair aux investisseurs et institutions financières internationales indiquant que le gouvernement s'engage à plus de transparence. L'ITIE contribue également à renforcer la responsabilité et la bonne gouvernance, ainsi qu'à promouvoir une plus grande stabilité économique et politique. Cela peut à son tour contribuer à la prévention des conflits trouvant leur source dans les secteurs pétrolier, minier et gazier.

10) Les avantages pour les compagnies et investisseurs se centrent sur l'atténuation des risques politiques et liés à la réputation. L'instabilité politique causée par une gouvernance opaque est une menace indéniable pour les investissements. Dans les secteurs extractifs, où les investissements ont une forte densité de capital et dépendent d'une stabilité à long terme pour générer des retours, la réduction de cette instabilité est bénéfique pour les affaires. La transparence des paiements faits à un gouvernement peut également aider à démontrer la contribution au pays que constituent ses investissements.

11) Les avantages pour la société civile proviennent de la quantité d'information dans le domaine public concernant ces revenus que les gouvernements gèrent au nom de la population, conférant par là plus de responsabilité aux gouvernements.


Les principes de cette institution internationale sont destinés à accroître la transparence des paiements et revenus dans le secteur des industries extractives :


1) Nous partageons la même conviction que l’exploitation prudente des richesses en ressources naturelles devrait constituer un moteur important pour la croissance économique durable qui contribue au développement durable et à la réduction de la pauvreté mais qui, faute d’une bonne gestion, peut avoir des répercussions défavorables sur le plan économique et social.

2) Nous affirmons que la gestion des richesses issues des ressources naturelles au profit des citoyens d’un pays relève de la compétence des gouvernements souverains, qui l’exercent dans l’intérêt de leur développement national.

3) Nous reconnaissons que les avantages de l’extraction des ressources se manifestent sous la forme de flux de recettes s’étalant sur un grand nombre d’années et peuvent dépendre fortement des prix.

4) Nous reconnaissons que la compréhension du public des recettes et des dépenses des gouvernements dans la durée est susceptible de contribuer au débat public et de faciliter le choix d’options appropriées et réalistes favorisant le développement durable.

5) Nous soulignons l’importance, pour les gouvernements et les entreprises extractives, d’assurer la transparence, ainsi que la nécessité de renforcer la gestion des finances publiques et faire respecter l’obligation de rendre des comptes.

6) Nous reconnaissons qu’il convient de situer les efforts pour parvenir à une plus grande transparence dans un contexte de respect des contrats et des lois.

7) Nous reconnaissons que la transparence financière est un moyen susceptible de contribuer à l’amélioration du climat pour l’investissement direct intérieur et étranger.

8) Nous croyons au principe et à la pratique de la responsabilité du gouvernement devant tous les citoyens en ce qui concerne la gestion des flux de recettes et des dépenses publiques.

9) Nous nous engageons à encourager le respect de hauts niveaux de transparence et de responsabilité dans la vie publique, le fonctionnement de l’État et le monde des affaires.

10) Nous croyons à la nécessité d’une approche cohérente et réalisable de la divulgation des paiements et des recettes, cette approche devant être simple à adopter et à appliquer.

11) Nous sommes d’avis que la divulgation des paiements dans un pays donné devrait impliquer toutes les entreprises extractives présentes dans ce pays.

12) Lorsqu’il s’agit de trouver des solutions, nous considérons que toutes les parties prenantes – les gouvernements et leurs agences, les entreprises extractives, les sociétés de service, les organisations multilatérales, les organisations financières, les investisseurs et les organisations non-gouvernementales – ont des contributions importantes et pertinentes à apporter.

Critères de l’ITIE :


1) Tous les paiements significatifs, versés par les entreprises aux gouvernements, au titre de l’exploitation pétrolière, gazière et minière (« les paiements ») et toutes les recettes significatives, reçues par les gouvernements de la part des entreprises pétrolières, gazières et minières (« les recettes »), sont publiés et diffusés régulièrement au grand public sous une forme accessible, complète et compréhensible.

2) Lorsque de tels audits n’existent pas, les paiements et recettes font l’objet d’un audit indépendant crédible, conformément aux normes internationales en matière d’audit.

3) Les paiements et recettes sont rapprochés, conformément aux normes internationales en matière d’audit, par un administrateur indépendant digne de confiance, qui publie son opinion sur ce rapprochement de comptes et sur d’éventuels écarts.

4) Cette démarche s’étend à l’ensemble des entreprises, y compris les entreprises d’État.

5) La société civile participe activement à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation de ce processus et apporte sa contribution au débat public.

6) Le gouvernement hôte élabore un plan de travail public, financièrement viable, relatif aux éléments énoncés ci-dessus, le cas échéant avec le concours des institutions financières internationales, ce plan étant assorti de cibles mesurables, d’un calendrier de mise en œuvre et d’une évaluation des contraintes éventuelles sur le plan des capacités.

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