De l’âge des idéologies à celui du gaslighting [2/3]

Le fascisme racial, le suprémacisme blanc, la color line sont dans les gènes de la démocratie « en Amérique » (aux Etats-Unis), un fascisme bien plus ancien et profondément enraciné dans l’histoire de la nation que celui qui a brièvement soumis l’Allemagne à ses conditions. Par conséquent, la lutte à mort de la démocratie américaine essentialisée comme idéalité/substance arrachée à toute condition historique, contre le fascisme est un freeze frame sur un épisode de l’histoire contemporaine, totalement décontextualisé de l’histoire des Etats-Unis, dans sa continuité et ses traits constitutifs. Ce gros plan (plan fixe) est destiné à faire disparaître toute trace des interactions, des proximités, des emprunts, des affinités et modes de contaminations qui ont pu être à l’œuvre antérieurement entre les deux protagonistes de l’affrontement sans merci – mais circonscrit dans le temps – dont la Seconde guerre mondiale a été le théâtre [1].

De la même façon, la mise en scène, la mise en discours de la guerre des mondes et de la confrontation entre les régimes antagoniques et incompatibles – le démocratique et le totalitaire – a été, pendant la Guerre froide puis, de manière plus intense encore, après la chute de l’URSS, un focus providentiel, c’est-à-dire pour une part essentielle, un dérivatif destiné à inscrire durablement dans un angle mort tout un fascisme colonial et impérialiste dont l’œuvre de mort décivilisatrice a été, sur tous les continents (hors de l’Europe) proprement exorbitant.

Il s’agit bien d’imaginer combien les frontières qui sont censées séparer les mondes antagoniques imaginés et fictionnels (leur opposition est une construction discursive, un effet rhétorique perpétuel, une ritournelle plutôt qu’une belle histoire) sont infiniment plus poreuses et effrangées, voire nébuleuses qu’on ne l’admet couramment. Plus les démocraties occidentales tournent à la « sécurité globale », plus elles fonctionnent comme des logocraties et des iconocraties gouvernant aux éléments de langage et aux plans fixes, plus elles sont des démocratures marchandes au demeurant obsédées par la figure du terroriste, plus ces régimes affichent leurs propensions autoritaires, absolutistes, policières – et plus les bords qui sont censés les séparer radicalement des régimes que l’on dit placées sous le régime de l’intolérable tendent à devenir indistincts.

Cet état des choses nous incite à réactiver le mode comparatif traditionnel, dans l’approche des régimes, à repartir du constat de leur intrinsèque relativité, à congédier la rhétorique du néo-manichéisme simplificateur sans cesse réactivé par les officines propagandistes de l’Occident. Il y a beaucoup plus de totalitaire qu’on ne l’imagine dans les démocraties occidentales, dans leurs fibres et leur texture la plus intime. Inversement, ces espaces-autres que l’agitation occidentale n’en finit pas de décrier comme entièrement soumis au régime uniforme de l’autoritarisme de style totalitaire sont infiniment plus complexes, plus articulés que la caricature bâclée qu’en propose la doxa « démocratique ». Il existe entre la Chine réelle d’aujourd’hui et 1984 (à laquelle l’assimile expéditivement le discours sinophobe contemporain) une proximité aussi grande qu’entre l’Afrique équatoriale réelle des années 1930 et Tintin au Congo.

Il faut envisager la figure de Gregory Anton ou plutôt Sergis Bauer, le mari assassin, comme celle d’un destructeur de la vérité. Il ne s’empare de sa victime, ne prend possession de son esprit, de ses perceptions que pour détruire ses facultés mentales. C’est ce qui sépare le gaslighting de la prise d’ascendant ou de l’exercice de l’emprise dans leurs formes ordinaires : le mari fait perdre pied à sa femme dans la réalité, il mine toutes ses assises dans le monde réel non pas tant en vue de guider ses conduites, de contrôler sa vie, ses faits et gestes que de l’acculer à la folie, au point qu’elle soit retirée du monde commun, enfermée pour toujours dans un asile – ce qui est bien l’équivalent d’une petite mort. Après le meurtre de la tante, il parachève et redouble ce geste en conduisant cette opération savamment mûrie et planifiée, destinée à l’anéantir. La mort symbolique de sa femme est pour lui la condition nécessaire pour que soit conduite à son terme son entreprise prédatrice.

Ici se dessine la singularité de cette figure de l’élimination : la relation étroite qui s’établit entre destruction d’un sujet humain (liquidation de sa faculté de juger, prolongée par son retranchement de la communauté humaine) et destruction de la vérité ; et, corrélativement, cette singularité s’affiche dans la façon dont cette entreprise embarque le langage, passe par la perversion intégrale de la communication. Le jeu pervers du mari consiste à faire en sorte, au fil d’actions répétées de même forme (des mini-scénarios), que sa femme ne sache plus ce qu’elle fait, quelles actions elle a accomplies dans le passé récent – qu’elles soit totalement perdue, désorientée dans sa propre existence.

Il s’agit donc de la couper de tout accès tant au réel (la réalité des actions accomplies) qu’à la vérité (qu’ai-je fait, en vérité ?). Le langage est le moyen par lequel cette entreprise destructrice est conduite sans discontinuer, dans son usage le plus performatif – il s’agit bien de faire en sorte que des pans de réalité entiers s’effacent, sous le seul effet performatif des paroles, de l’ « argumentation » biaisée de l’enchanteur malicious – « tu vois bien que... » qui a disposé les pièges et les leurres grâce auxquels son épouse sera saisie par le doute et ne pourra plus se fier ni à ses souvenirs ni à ses sens [2].

La destruction du sujet humain passe donc ici non pas en premier lieu par celle de son intégrité physique, par une violence vive exercée sur le corps mais par une violence psychique et morale [3] ; il s’agit de le plonger dans un état de sidération, de créer de toutes pièces une panique morale, tels que ce sujet ne se sente plus apte à former le moindre énoncé vrai tandis qu’il perd pied dans la réalité (hier encore la plus solidement établie). Paula est entraînée dans cette spirale mortelle où, désormais, le seul point d’appui solide auquel elle pense pouvoir se raccrocher est, précisément, la parole de son persécuteur acharné à la détruire. La boucle de l’anéantissement du sujet se referme exactement là où la victime se raccroche au dispositif destiné à couper ses dernières attaches au réel, ses dernières capacités à produire des énoncés vrais [4].

Si le mari est bien, dans cette fable, une sorte de nazi ou de fasciste, il l’est en tant que maître du langage, logocrate, souverain manipulateur. Toute son entreprise de destruction de l’intersubjectivité et de la communauté humaine (le couple entendu comme figure élémentaire de cette communauté) passe par le langage, cet usage perverti du langage destiné non pas à établir et faire prospérer le lien humain mais à l’anéantir par un usage réglé, précis, persévérant, obstiné du mensonge dans sa forme hyperbolique : non pas le mensonge qui défigure un fait ou un pan de réalité, mais celui qui rend le vrai indiscernable du faux ; le mensonge radical qui met en péril toute possibilité de produire des énoncés vrais ou de statuer sur ce qui sépare le réel de l’imaginaire, de l’illusoire, du fantasmatique.

Or, dans son fond, cette figure du mensonge ne se superpose pas tant à celle de la propagande totalitaire qu’à celle de la communication sous conditions du marché et de sa digitalisation – ce qui se perçoit aujourd’hui, par le petit bout de la lorgnette, comme l’enjeu de saison, celui des fake news. Si nous sommes entrés dans l’ère de l’emprise, au-delà de la prise d’ascendant, c’est que nous sommes désormais solidement établis dans des conditions post-idéologiques.

L’idéologie présente un caractère « total » et totalisant, donc potentiellement totalitaire pour autant qu’elle repose sur un récit du monde complet – elle fait monde, tout s’y tient, elle forme une sphère ou un bloc. Tout doit y être cohérent, chaque élément renvoie à un autre, elle forme une totalité en quête de compacité, un récit unique ou un système de récits étroitement agencés les uns sur les autres. Le propre de l’idéologie est qu’elle ne laisse rien dans l’ombre et apporte réponse à tout. L’âge d’or des idéologies, c’est le XXème siècle, les idéologies irriguant les régimes autoritaires et totalitaires, et aussi les nationalismes, les populismes, les bonapartismes, les dictatures, les régimes cléricaux – sans oublier les démocraties libérales. L’idéologie, c’est du récit durci et solidifié, du grand et long discours figé en croyance collective. C’est l’histoire du monde sculptée dans le granit, c’est l’assurance de la connaissance du tout sur le tout et des fins dernières…

C’est là, naturellement, le secret de la séduction qu’elle exerce à la fois sur les masses et sur les instruits, les intellectuels – le côté Quizz de luxe, réponse à tout, de l’idéologie – pas sur un mode seulement énumératif, mais systématique. En ce sens, la plus solide et la plus consistante des idéologies, et de loin, c’est le marxisme, la mieux articulée autour de concepts ou ce qui en tient lieu, la plus compacte, la plus solidement armaturée.

L’idéologie, en image(s), c’est la forteresse, donc une sorte de Moyen-Age de la pensée et ce dont les faiblesses et l’inadaptation au temps nouveaux va s’afficher au grand jour quand va s’inaugurer la nouvelle époque, à l’intersection de la chute du système soviétique et de l’entrée dans l’âge de l’Internet – ce qui s’associe aisément à ce chapitre du Prince de Machiavel où il est question de l’Unzeitmässigkeit des forteresses à l’heure où se dessinent les prémisses d’une certaine modernité politique, sécularisée et où ce qui prévaut, ce sont les relations entre gouvernants et gouvernés, dans leur mobilité même [5]. L’idéologie, c’est ce qui tient lieu de forteresse mentale dans le siècle apocalyptique (au temps de la modernité apocalyptique).

Le succès des idéologies se produit en un âge qui a besoin de certitudes organisées en récits longs et en systèmes. Les idéologies sont des Weltanschauungen disciplinaires et enrégimentées, elles marchent généralement au pas. Elles sont donc d’un temps, d’une époque où les pouvoirs et les gens, les gouvernants et les gouvernés ont (encore) besoin de « visions du monde », syntagme dont le succès est inséparable de son côté informe et nébuleux.

Or, l’idée, pour nous, ici et maintenant, ce serait que nous avons résolument pris congé de cette époque. Ni les gouvernants, ni les gouvernés n’ont plus besoin de visions du monde, pour autant qu’ils sont perpétuellement emportés par le flux des énoncés non seulement variables mais infiniment changeants, sans suite ni cohérence. Le temps (l’âge) de la communication, désormais à peu près entièrement placée sous condition digitale, s’oppose du tout au tout à celui des idéologies. Les idéologies avaient un côté narratif, elles racontaient des histoires, elles carburaient au récit, étaient riches en fictions, exemples, images, citations, personnages, elles étaient densément peuplées d’unités narratives, de topoi de toutes sortes.

Mais surtout, peut-être, elles proposaient à ceux.celles qu’elles investissaient et instituaient une perspective sur le monde, un angle de vue imprenable. Elles avaient noué à ce titre un pacte solide et avec le savoir et avec la vérité. Elles avaient un côté puissamment tellurique – elles produisaient la fiction du sol solidement établi sous les pieds de ceux.celles qu’elles structuraient, instruisaient, éclairaient/obscurcissaient et mettaient en mouvement. L’idéologue (le producteur d’idéologie), à ce titre, comme pourvoyeur de sens, c’est celui qui réalise l’opération inverse du gaslighter, dans le film de Cukor, lequel s’acharne à faire en sorte que le sol se dérobe (s’effondre) sous les pieds de sa victime.

Mais les choses se compliquent, bien sûr, quand il s’avère que ce sol d’apparence si solide pourrait n’être qu’une illusion, un château d’idées évanescentes, une apparition (a ghost) ou une vision collective. Un mirage. Les idéologies, généralement, ne s’effondrent pas d’un seul coup, elles partent en morceaux, elles s’effilochent, mais elles laissent des traces, des môles, elles résistent à leur disparition et tout se passe chaque fois comme si c’était la réalité qui les démentait, le retour du réel qui dévoilait leur inconsistance ou leur imposture. Mais, si elles tombent comme des édifices vétustes qu’on abat, elles ne s’effondrent pas d’elles-mêmes, leur démantèlement fait aussi l’objet d’un activisme conduit par leurs détracteurs, souvent les tenants d’une autre idéologie. Dans le destin des idéologies est à l’œuvre une dialectique – celle de leur péremption et de leur rémanence, après leur « chute », à l’état de débris toujours actifs – ce que note Klemperer à propos de la LTI [6], ou bien encore ce qui est la condition du marxisme survivant comme une guérilla tenace mais résiduelle dans un monde qui lui est résolument hostile – celui des démocraties de marché contemporaines.

Si l’on a souvent rapproché les idéologies modernes des dogmes religieux du Moyen-Age (et au-delà), c’est bien que la compacité et la staticité était leur élément. Ce qui fait revenir dans notre champ de vision, les métaphores architecturales – les idéologies sont des châteaux-forts, des villes fortifiées, avec leurs redoutes, leurs tours de guet, leurs murs d’enceinte, leurs pont-levis... Mais en même temps, elles se prêtent à la métaphore livresque – l’idéologie se condense et se résume dans des textes, sous la forme de livres qui ont un statut particulier, une aura – des « bibles » à peu de chose près – Mein Kampf, Le Capital ou Le Manifeste communiste, Que faire ?, le Petit livre rouge de Mao, etc.

Les idéologies sont des châteaux d’idées, mais il y a en même temps toute une matérialité de leur présence, de leur puissance. C’est le paradoxe de leur mode d’existence – elles sont de puissantes machines, mais en même temps elles ont une propension à disparaître par évaporation. Elle habitent la tête de millions de gens, déterminent la perception du monde et leurs conduites de ceux-ci pendant des séquences plus ou moins longues, elles les font ce qu’il sont, au plus intime d’eux-mêmes, elles les charpente (homo sovieticus avec ethos et habitus, plus qu’un appareillage, tout un kit qui le fait être ce qu’il est) – et puis, au fil d’une rupture de la continuité des temps, d’un événement ou d’un cataclysme historique, tout cela part en fumée tandis que prend forme un nouveau type, généralement amnésique, prompt en tout cas à effacer les traces – même si les ruines du monde qu’il vient de quitter (qui vient de s’effondrer sous ses pas) sont tout autour de lui, massives, ineffaçables.

Elle est bien difficile à saisir, cette combinaison de compacité et de volatilité qui définit en propre l’idéologie moderne – que les idéologies modernes ont en commun. La compacité de l’idéologie est ce qui permet de donner corps à une masse dotée d’une puissance (Canetti) à partir d’une poussière d’humanité. La volatilité, c’est le retour à l’état de poussière, le nuage lourd qui formait une masse et qui se disperse. C’est ici que se discerne ce qui sépare les idéologies modernes des croyances traditionnelles. Les croyances forment les soubassements de mondes durables, sous des régimes d’historicité lente. Les idéologies sont des croyances exposées à l’accélération des processus et rythmes historiques – le temps de la modernité occidentale, telle que celle-ci se déverse sur tous les continents et produit ses effets disruptifs dans tous les mondes humains, avec, notamment, la colonisation. Les idéologies sont, au fond et malgré bien des apparences, des croyances précaires et jetables car exposées à un mode d’historicité balayé par les vents d’une tempête perpétuelle.

Les idéologies appartiennent à l’âge de la production prométhéenne, elles construisent des mondes, elles produisent de la réalité (ou, du moins, de puissants effets de réalité) en fabriquant des fictions grandioses qui embarquent les masses, dotées d’un vif effet euphorisant, mobilisateur – elles rassemblent, comme les épopées jadis, comme les religions jeunes, elles dessinent un chemin et forment des peuples qu’elles mettent en mouvement (parfois aussi, elles saisissent des peuples pour les redéployer, les jeter sur les grands chemins de l’Histoire – pour le pire plus souvent que pour le meilleur). Elles peuvent conduire les peuples à l’abîme mais elles leur confèrent puissance et intensité, elles sont, par excellence, des forces dynamiques, du moins dans leur phase juvénile, expansive ; dans leur version tardive, elles peuvent se fossiliser et devenir pur facteur de stagnation – comme l’idéologie soviétique au temps de Brejnev et des gérontocrates dont il inaugure la brève lignée (mais, en vérité, Brejnev, Andropov et Tchernenko étaient-ils vraiment plus gérontes que Reagan, Biden et la moyenne des papes ? Il se pourrait bien qu’on ait ici un effet idéologique en miroir – L’Occident, se voyant toujours jeune, par opposition à la, par définition, « vieille » bureaucratie du Kremlin – lorsqu’enfin survient un « jeune » dirigeant soviétique, c’est pour casser la baraque – Gorbatchev... ).

Les idéologies sont des organismes vivants qui grandissent, prospèrent, atteignent l’âge de la maturité et dépérissent. Mais leur destin est intimement lié aux structures et appareils de pouvoir vers lesquels elles sont toujours aimantées – une fois qu’elles ont rencontré une forme de pouvoir (celle de l’Etat, généralement) et se sont amalgamées à celle-ci, (au fil d’un processus de symbiose où la part de l’un.e devient indémêlable de celle de l’autre), chacun.e devenant à la fois le maître et l’esclave de l’autre, leur destin est irréversiblement lié à celui de cette forme de pouvoir – si un accident historique met fin à la structure de pouvoir à laquelle elles sont couplées, unies à la vie à la mort, alors elles sont emportées elles aussi dans la tourmente. Mais en même temps, elles disposent d’une sorte de réserve spectrale, par contraste avec les appareils de pouvoir – l’idéologie nazie ou bien celle du fascisme italien accompagnent bien les Etats fascistes dans leur déréliction, mais elles ne disparaissent pas pour autant, elles s’enfouissent, se rétractent, vivent au ralenti comme la tique, puis reviennent quand et où on ne les attendait plus, là où on les pensait définitivement vouées aux « poubelles de l’Histoire » – Meloni, AfD, Le Pen, etc.

Les idéologies sont mortelles, mais en même temps constamment résilientes. Elles appartiennent toutes entières au temps de l’expansion conquérante du monde occidental, au temps de l’appropriation, un temps dont on ne peut pas même dire qu’il coïncide avec celui du capitalisme – il le déborde : le monde communiste y est pleinement inclus, pour autant qu’il est l’un de ceux qui, exemplairement, carbure à l’idéologie et est entièrement placé sous le signe du productivisme et de la conquête – même si celle-ci n’est pas de forme à proprement parler coloniale et diffère rigoureusement de la colonisation occidentale – la nouvelle frontière sibérienne sous Khrouchtchev, par exemple, la soviétisation des républiques d’Asie centrale, la conquête de l’espace en mode soviétique – c’est peut-être de la « colonisation » – mais d’une tout autre espèce que la colonisation occidentale, une singularité irréductible, elle, dans son trait désastreux même.

En ce sens, l’homo sovieticus fut une espèce conquérante, animée par une idéologie de la conquête, des nouvelles frontières et de la mise en valeur des supposées terres vierges incarnant une altérité marquée par rapport à la colonisation occidentale – pas de massacres coloniaux en Sibérie ni dans les Républiques asiatiques soviétiques (mais des « peuples punis » déportés dans ces républiques, quand même).

Les idéologies avaient un rôle mobilisateur, ce qu’il faut entendre au sens littéral – elles rendaient les masses mobiles, mettaient les peuples en mouvement (mobiliser en allemand : mobil machen), les rassemblaient, les soudaient en les propulsant vers l’avant. Il s’agit bien, ce faisant, d’augmenter leur puissance, de les faire exister comme sujets collectifs entrés dans le champ de l’action historique. Les idéologies ont l’Histoire comme élément vital, elles y sont comme un poisson dans l’eau, c’est leur milieu naturel. Elles embarquent les masses et les peuples dans des aventures historiques inspirées par des philosophies de l’Histoire plus ou moins prophétiques, grandiloquentes, elles spéculent sur la puissance de corps collectifs en expansion et perçus comme des acteurs et personnages de l’Histoire – le prolétariat, le peuple allemand, le peuple soviétique, le peuple juif... Dans toutes les idéologies se conserve et se réalise, fût-ce sous la forme la plus vulgaire ou dénaturée, méconnaissable, qui soit, quelque chose de la philosophie de l’Histoire de Hegel – le lien indéfectible entre une puissance spirituelle et un agent historique collectif, un peuple, un ensemble humain. Sous ce régime d’Histoire, on gouverne, on dirige, on entraîne et on façonne les peuples ou les gouvernés à l’idéologie, c’est-à-dire aux conditions d’une forme de discursivité tout à fait particulière, en faisant prévaloir une police des énoncés disciplinaire, tatillonne, homogénéisante.

A l’âge post-idéologique, au contraire, le gouvernement des vivants passe par la production de l’inertie, de la passivité – par la démobilisation. On parle beaucoup des formes d’appareillage communicationnel destinées à produire un marché de l’attention. Mais ce qui est au fondement de ces appareils, c’est une stratégie – la production de l’inertie, de la passivité consumériste, de la dispersion, ce qui passe par la destruction de la réalité ou, si l’on veut, la production d’une réalité molle, floue, spongieuse, dépourvue pour les sujets humains qui y sont englués, de points d’appui. Le temps de l’idéologie, des idéologies, était celui des longs discours compacts et fortement articulés, de forme souvent dogmatique et dotés d’un fort statut d’autorité, à la limite du sacré, parfois.

Le temps du gaslighting généralisé, c’est celui de la communication substituée au réel, un faux-réel ou un artéfact composé d’un nuage de messages et d’énoncés jetables qui prolifèrent sans suite, sans enchaînements ni articulations. Le régime qui s’impose alors est celui de l’absolu prévalence des messages instantanés (c’est-à-dire de l’instant substitué à la durée) sur tout élément de réalité attestable, vérifiable, raccordé à l’expérience. La destruction de la réalité passe par l’établissement de ce régime discursif sous lequel est abolie toute condition de vérifiabilité de la véracité des énoncés : ne comptent plus désormais que la position, la condition, la situation de l’énonciateur. On pourrait appeler cela la prolifération du performatif sauvage fondé sur la seule position de force : « Trump’s great gift to the next generation was to teach them that you can say anything. Nothing need to be true. You can say what you like and believe what you like, if you say it in a straight face, other people will say and believe too (…) Vance [le colistier de Trump] can describe Britain as the « first truly Islamist state » with nuclear weapons (« The Hard Zone, Andrew O’Hagan at the Republican National Convention », London Review of Books, 1/08/2024) [7].

Vous pouvez dire tout ce que vous voulez, pour peu que vous occupiez la position qui vous assure que votre énoncé agrège instantanément un public de fans, de perroquets et de retweeteurs. C’est exactement ce que font sur la même ligne d’horizon de la destruction systématique de la réalité au profit des énoncés performatifs, chez nous, Darmanin, Hanouna et leurs adeptes. Il ne s’agit même pas de construire une réalité-bis, alternative à la réalité réelle – il s’agit d’immerger le public, un public saturé de messages narcotiques, dans un bain d’énoncés tenant lieu désormais de toute réalité. On revient ici à la définition élémentaire du gaslighting – un système d’emprise généralisée qui se destine à priver les sujets humains sur lesquels il s’exerce de toute prise ou appui sur le monde réel, de toute capacité de jugement propre, autonome [8].

Il s’agit, avec l’expansion du marché de l’attention, de reformater les subjectivités humaines via leur digitalisation. Les écrans sont interposés entre ces sujets et la réalité, ils enferment les sujets humains simultanément sérialisés et massifiés (massifiés en tant que sérialisés) dans des bulles dont les parois ou les membranes font écran entre la réalité et eux – les éloignent et les protègent de la réalité. Ce sont aussi des dispositifs qui font dépérir l’intersubjectivité en enfermant chaque sujet humain dans sa bulle, en épaississant les parois qui séparent les sujets les uns des autres, en faisant dépérir la sensibilité à l’altérité, à la condition première de multiplicité des perspectives sur le monde.

Ce sont des machines qui produisent l’indifférence en même temps que la solitude, qui enferment les sujets dans la perspective propre à chacun.e – des fabriques de solipsisme, des machines à tuer la conversation. Même pendant les repas, on ne parle plus guère, le regard de chacun.e se détourne à chaque instant vers son écran. On ne sort plus de soi, mais ce soi a les yeux vides : il fixe l’écran mais ne voit rien et ne pense, à proprement parler, à rien – c’est une pure addiction et l’attention captée se fixe sur le néant. Ce que l’on a vu passer il y a un instant, image, message, information (ou ce qui en tient lieu), on l’a déjà oublié. Ce que l’on perçoit, en vérité, c’est le flux, c’est comme si on regardait sans fin des images stroboscopiques. A ce titre, c’est une pure narcose, l’addict aux écrans est un somnambule immobile. Un dormeur éveillé qui a donné congé au monde réel. Il a, du même coup, donné congé aux autres, a coupé les ponts avec eux et trouvé un illusoire refuge dans l’écran.

C’est une sorte de régression matricielle, il s’agit bien d’éloigner le monde et les autres, de façon à demeurer hors d’atteinte. Le monde est dangereux, les autres sont dangereux, décevants, imprévisibles. Les écrans créent de l’illusion purement immunitaire, vu qu’en vérité ils ne protègent en rien ni de rien. Cette bulle est pur artifice, elle n’empêchera pas le ciel de tomber sur la tête de ceux qui se protègent ainsi illusoirement, mais elle les dispense de prendre acte de ce qui se joue dans leur environnement réel. Le principe, c’est que désormais, on croit aux images, on croit aux messages qu’on voit apparaître sur l’écran davantage qu’au monde environnant, on congédie le Umwelt. Il faudrait repartir ici de la Phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty. Il faudrait prendre la question de la capture de l’attention par l’autre bout : le désir forcené de congédier le monde environnant, de le nier, de s’en séparer ou du moins de l’effleurer à peine et, ce faisant, de s’alléger de la charge de ce monde.

Désormais on va s’immerger dans les messages et les images qui apparaissent sur les écrans et, si l’on doit vraiment enchaîner, c’est là-dessus qu’on enchaînera – voilà, la réalité vraie, c’est ça, je l’ai vu sur l’écran, c’est irrécusable. C’est la généralisation et l’aggravation, la radicalisation en mode nihiliste de ce qui s’est passé avec la génération, désormais largement senior, de ceux.celles qui ont été formés par la télé ; dont l’essentiel de la « culture », des connaissances, de la perception du monde ont été appareillées par la télé, vu qu’ils.elles ne disposaient pas de bases solides – une génération de perroquets plus ou moins diserts et savants qui, en guise de jugements personnels, répètent sans fin ce qu’ils.elles ont vu à la télé. Ils.elles savent tout, ils.elles ont un avis sur tout, tranché et définitif, parce qu’ils.elles ont tout vu à la télé.

Avec le digital, cependant, cela va beaucoup plus loin : la réalité environnante n’est pas seulement perçue et mise en récit en mode télé, elle est congédiée, abolie. Et, bien sûr, les dispositions au somnambulisme des sujets digitalisés convergent ici avec les stratégies et les tactiques des gouvernants, des maîtres du monde qui, désormais, ne se soucient plus du tout d’embrigader, mobiliser les gens en produisant du consensus et de l’adhésion, mais de les tenir sous emprise en abolissant leurs prises sur le réel, en les déréalisant.

Ainsi : une mosquée de Marseille est menacée de fermeture par le préfet de police des Bouches-du-Rhône, au prétexte (entre autres) que l’imam qui y officie aurait publié un tweet ainsi formulé : « Les enfants de Gaza meurent de faim et leurs génocidaires peuvent participer aux JO en toute impunité ». Aux yeux de la préfecture, relate Le Monde (23/08/2024), « cette publication pouvait mettre en danger les athlètes israéliens et les policiers chargés de leur protection ».

On voit bien ici comment, sous ce régime de la communication, les faits bruts et élémentaires (les enfants de Gaza meurent de faim, c’est attesté et vérifiable) deviennent solubles dans le bain des allégations et procès d’intention – si l’imam évoque ce fait établi, c’est qu’il souhaite encourager des attentats contre les athlètes israéliens et les policiers chargés de les protéger. Donc, il faut censurer la réalité en vue d’assurer l’ordre et la sécurité. La lutte contre le terrorisme a pour corollaire l’effacement des éléments de réalité litigieux – les enfants de Gaza meurent de faim (eh bien, tant pis, qu’ils crèvent, s’il se trouve que l’évocation de leur triste sort est susceptible d’encourager le terrorisme), ce n’est pas un fait, ce n’est pas du réel, c’est une opinion mal intentionnée. C’est cela, la destruction de la réalité (à la veille de la Seconde guerre mondiale, Lukacs écrivit un livre – aux prémisses du reste contestables – sur la destruction de la Raison, dans le contexte de la montée des fascismes – aujourd’hui, on a franchi un pas de géant – c’est bien la destruction de la réalité qui est ici en jeu).

L’anéantissement de Gaza a, sous nos latitudes, donné un nouvel élan à ces procédures d’effacement des faits – ce ne sont plus les faits qui importent, mais le mauvais usage supposé qui pourrait en être fait. C’est l’ère du soupçon généralisé, le temps de l’allégation-reine : si vous insistez sur la réalité, sur la consistance massive, l’intangibilité de certains faits, c’est que vous avez une idée derrière la tête, une idée fixe, une intention perverse – vous êtes animé par un préjugé inavouable. On voit bien ici ce qu’il en est de l’usage performatif de mots-à-tout-faire, des mots-esclaves comme antisémitisme et terrorisme : il suffit de les mettre en avant pour créer cet état d’exception dans lequel la liberté d’expression peut être impunément (que dis-je ? – doit être impérativement) bafouée et les énoncés les plus simples des faits les plus massifs rendus litigieux voire criminalisés au nom de la lutte contre le Mal absolu – le terrorisme, l’antisémitisme.

Carl Schmitt a à peu près déjà tout dit à propos de cette façon dont les démocraties occidentales établissent un lien solide entre défense (promotion) des valeurs proclamées universelles et état d’exception. On voit bien comment, dans le contexte de l’après 7 octobre 2023, la mobilisation des mots terrorisme et antisémitisme, c’est ce qui permet de suspendre le régime courant (légitimé) des libertés publiques, de faire prévaloir un état d’exception permanent, de criminaliser les rétifs, les mal-pensants, ceux qui persistent à se tenir au côté des Palestiniens.

En termes généalogiques, on ne l’a pas assez souligné, c’est, dans le contexte de la destruction de Gaza, la Guerre contre la terreur inaugurée par Bush junior après le 11 septembre qui se poursuit, redouble d’intensité et entame un nouveau cours. Le théâtre des opérations s’est déplacé, le diable a changé d’étiquette, mais c’est la même fantasmagorie d’une « guerre contre la Terreur » – « comment vaincre une abstraction par la guerre ? », est-on bien fondé à se demander [9]. Mais précisément, c’est de cela qu’il s’agit : il faut que le visage de l’ennemi ait été flouté, qu’il soit aussi vague que possible pour que la notion même de « guerre contre le terrorisme » soit opératoire comme outil polyvalent au service de l’état d’exception modulable à l’infini, pour que puissent être tracées les lignes de continuité imaginaires requises entre Ben Laden, le Hamas, toute espèce de résistance palestinienne, le Hezbollah, l’attentat contre Charlie Hebdo, le massacre du Bataclan, l’assassinat de Samuel Paty et, par extension, toute manifestation de solidarité active avec la lutte du peuple palestinien contre l’occupant.

Mais une chose devient toujours plus distincte aujourd’hui : cette production de l’état d’exception dont les mots magiques « terrorisme », « antisémitisme », sont les opérateurs est désormais inséparable de la destruction de la réalité, c’est-à-dire, une fois encore, de nos capacités de trouver des points d’appui dans le réel, d’ancrer nos vies dans ce réel, de nous y orienter et d’y agir, et donc, en dernière instance, d’y fonder notre politique propre (par différence et opposition d’avec celle de nos gouvernants qui est, par définition, une anti-politique). Et c’est ici que revient la question du digital – la pulvérisation du réel, son devenir inconsistant, insaisissable, fuyant, ce à quoi s’acharnent les élites de pouvoir, est désormais indissociable de la digitalisation de nos existences, de la saturation de notre univers perceptif et de nos capacités cognitives par des messages et des images sans suite mais supposées, par effet de bombardement et de répétition, produire des impressions, des plis, des automatismes qui s’impriment dans les replis de nos cerveaux et se traduisent en comportements et actes réflexes (plutôt que conduites) – on a eu tout récemment un exemple flagrant avec le prétendu engouement populaire pour les J.O. de Paris – une construction discursive et une production d’effets de réalité par excellence. Une bulle : dans trois mois elle aura crevé et il n’en restera guère de trace.

C’est la raison pour laquelle nous ne sommes plus tant dans l’époque du storytelling que plutôt des éléments de langage (les mots clés, les mots magiques, les mots de passe) – le storytelling, cela suppose encore des histoires, de la continuité, des intrigues, des récits plus ou moins consistants, mais organisés, avec un commencement et des enchaînements – or, nous n’en sommes plus dans ce temps, les « histoires », en ce sens, s’associeraient ou s’associaient plutôt à l’âge des idéologies. La destruction du réel est solidaire de la disparition des récits pleins, remplacés par la prolifération des items inarticulés qui sont, au fond, de pures intensités vides et, bien sûr, sans suite.

On ne peut rien comprendre à la démolition en cours de la réalité (entendue, fondamentalement, comme mode de gouvernement intrinsèquement nihiliste des vivants) si l’on ne saisit pas son lien intime avec l’émergence massive, tout particulièrement dans le monde blanc, les démocraties occidentales, le Nord global, de l’humanité digitale – une révolution anthropologique, le mot révolution étant entendu ici dans son sens courant et passablement dénaturé, infiniment sujet à caution. L’humanité digitale se définit par ce trait commun qu’elle a largement donné congé au réel et qu’elle y trouve ses conforts, installée dans ses bulles et ses sphères. Ceux qui estiment qu’ils ont vocation à la gouverner y trouvent aussi leurs conforts et leurs avantages, et c’est ainsi que, désormais, globalement, ça marche dans le monde occidental.

À suivre…


Notes
[1] Un indice : dans le cinéma de série B de Hollywood, embarqué tardivement dans la propagande antinazie à dater (et seulement) du moment où les Etats-Unis s’engagent dans la lutte contre l’Allemagne nazie, apparaissent des films de commande mettant en scène la cinquième colonne nazie à l’œuvre aux Etats-Unis. Peu d’années plus tard, c’est selon la même trame exactement que les mêmes tâcherons ou d’autres fabriquent des films destinés à dénoncer, au temps de la chasse aux sorcières, l’infiltration rouge, l’espionnage soviétique et la subversion communiste aux Etats-Unis. Dans le premier cas, on met sous le boisseau de la manière la plus opportuniste qui soit la propagande antisémite des nazis – il ne faudrait surtout pas donner l’impression qu’Hollywood dont les majors sont souvent dirigées par des Juifs mène une guerre privée contre les nazis. Dans le second, les agitateurs rouges ont plus souvent qu’à leur tour des noms, des accents et des physionomies associés au Juif, la chaîne d’équivalence rouges, subversifs, Juifs est solide. Chaque fois que l’on entre ainsi un peu dans le détail, on voit se brouiller les lignes de force et les grands partages opérés par les récits manichéens qui, après coup, ont imposé leur autorité parmi les opinions en Occident.
[2] « You are not lying to me, dit le mari à sa femme qui lui demande, accablée, si elle la soupçonne de lui mentir, you’re not lying to me – it’s worst than lying, you’ve forgotten » – tu as oublié ce que tu as fait, ce qui est bien pire que si tu mentais…
[3] Le mari, au contraire, simule le souci, le soin pour son épouse « malade » – il affecte de la protéger, de prendre soin de sa santé, ceci dans le but de l’isoler complètement, de la couper du monde – « tu vois bien que tu ne peux pas sortir, aller dans le monde, dans l’état où tu es… ». On retrouve ce procédé intrinsèquement pervers, signale Sophie Lewis, dans une série télé irlandaise récente (2022), The Bad Sisters de Sharon Horgan – un mari offre une coupe de champagne à son épouse, pour célébrer amoureusement Noël – en vérité en vue de l’empêcher de rejoindre ses sœurs auxquelles elle est fortement attachée – « mais enfin, tu as bu, tu ne peux pas conduire, tu ne te rends pas compte, etc. ». C’est quand le gaslighting singe le care qu’il est au mieux (si l’on peut dire) de lui-même – on retrouve ce trait de perversité constamment dans la politique de nos gouvernants – c’est toujours pour notre bien qu’ils nous rognent les ailes et nous empêchent de respirer…
[4] « Did I dream ? », demande Paula, lors d’une de leurs dernières interactions – « Yes, you dreamed », confirme le mari – « That is true, conclut Paula, my mind is out (…) Yes, I’m mad ! ». La boucle est bouclée lorsque le sujet gaslighté en vient à juxtaposer ces deux énoncés parfaitement contradictoires : celui où il (elle) confesse sa folie, celui où il (elle) statue sur ce qui est vrai. Le fou n’a pas accès au vrai – solide tradition cartésienne.
[5] Machiavel ; Le Prince, chapitre XX.
[6] Victor Klemperer, LTI, la langue du IIIème Reich, traduit de l’allemand par Elisabeth Guillot, Albin Michel, 1996.
[7] « Le grand cadeau fait par Trump à la génération montante consiste à lui enseigner que l’on peut tout dire. Rien n’a besoin d’être vrai. Vous pouvez dire ce que vous voulez et croire ce que vous voulez, pour peu que vous le disiez avec aplomb, les gens le répéteront après vous et le croiront (…) Vance peut décrire la Grande-Bretagne comme « le premier Etat véritablement islamiste » doté d’armes nucléaires ».
[8] Je ne parle ici que de la partie émergeante du marché de l’attention. La partie immergée, c’est tout ce qui se situe en dessous du niveau où se produit la circulation vibrionnante des messages – les jeux notamment, qui scotchent les gens sur leurs écrans de smartphones et de laptops. C’est, de loin, du point de vue de l’économie digitale, la partie la plus lucrative.
[9] W.J.T. Mitchell : « La représentation en tous sens – Blake comme ’prophète’ », De(s)générations

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