Je demandai un jour à un ami riche ayant insolemment réussi dans les affaires comment il a fait sa fortune. Il me sourit malicieusement et dit : - Tu veux une bonne affaire qui, de nos jours, ne peut pas échouer ? Achète un Tunisien ce qu'il vaut et vends-le ce qu'il s'estime.
On peut faire fortune sur le dos des gens en tirant profit de leur crédulité, en exploitant leur nombrilisme et leur mégalomanie. Et, si en plus d'être naïfs, égoïstes et fanfarons ils sont ignorants de leur ignorance, tu peux casser sur leurs dos tout le bois des forêts de l'Amazonie, que cela paraitra à leurs yeux la douce caresse d'une déesse ayant succombé à leur charme.
Mais alors, comment est un Tunisien ?
Le Tunisien est un être exceptionnel, une sorte de croisement entre Dionysos et Hermès se prenant pour un double d'Athéna croisée avec Aphrodite. Il est beau, intelligent, raffiné, cultivé, ouvert, noceur et fêtard. C'est tout au moins ce qu'il croit. Comment est-il arrivé à cette certitude ? Comment abêtir un peuple tout en le maintenant dans un semblant d'euphorie trompeuse et mystificatrice ? C'est une longue histoire de formatage et de duplication entreprise par les médias depuis des décennies.
Il suffit pour s'en rendre compte de jeter un coup d'œil sur le menu d'une soirée télé ordinaire sur une chaîne tunisienne. Dessins animés, infos, variétés, séries télévisées, feuilletons, un peu de sport, beaucoup de spots publicitaires et quelques programmes bouche-trous que personne ne regarde. Mais là n'est pas le drame car, somme toute, c'est presque le conducteur typique de presque toutes les autres télés, abstraction faite de l'absence endémique des programmes réellement culturels sur nos chaînes. Le vrai problème est ailleurs. C'est précisément lorsque l'emballage est séduisant qu'il faut se méfier de la qualité de la marchandise.
Qu'on me permette, avant de poursuivre l'analyse, d'avancer une remarque, preuve tangible de l'entreprise d'abâtardissement programmé de tout un peuple. Combien de tunisiens une grande cause peut-elle mobiliser ? Combien de personnes sont prêtes à s'impliquer activement dans les questions cruciales que soulève la conjoncture économique et sociale ? Plus trivialement : combien de fans compte la page Facebook de Chamseddine Bacha et combien en compte une autre baptisée " pour la défense des droits citoyens " ? Ce terrible constat est le résultat inéluctable d'une large campagne de manipulation et de mystification qui a duré pendant des décennies, orchestrée par les médias à la solde des gourous omnipotents.
Comment les médias sont-ils parvenus à formater la société, à la standardiser et à dupliquer des modèles d'individus pourvus des mêmes faux principes ?
Il suffit pour le comprendre de s'attarder un peu sur l'image du tunisien dans les productions tunisiennes : il est surtout noceur, léger, et débrouillard. Telles sont les valeurs mises en exergue par le truchement des héros de certains feuilletons, adulés par les jeunes. Les femmes, elles, sont coquettes, frivoles et indépendantes. Tel est l'idéal féminin canonisé et normalisé par la majorité des fictions télévisuelles.
C'est de cette manière qu'on arrive à créer des démons, des monstres d'orgueil et d'égoïsme qui se prennent pour le nombril du monde tout en étant persuadés qu'ils sont normaux. C'est ainsi que les tares sont affublées d'un halo de sainteté : être noceur c'est être un bon vivant, une sorte d'hédoniste inoffensif, la légèreté est juste de la philosophie déguisée et le fait d'être débrouillard, à la limite du délit, est une forme d'habileté inaccessible aux êtres faibles et velléitaires.
Dans l'autre camp, la même rengaine. Frivole plutôt que cataplasme, coquette plutôt que laideron, indépendante plutôt que soumise. Comme si tout compromis entre les extrêmes relève de la chimère. Tout comme l'idéal masculin, cette normalisation de valeurs- bombes à retardement a pernicieusement sapé les fondements de la société en éliminant les valeurs du labeur, de l'honnêteté, du mérite, de la responsabilité, de la pudeur, du sacrifice et de la citoyenneté.
Au début du siècle dernier, un parrain de la mafia faisant l'éducation de son fils, lui disait " un bon avocat, de nos jours, peut gagner avec ses diplômes dix fois plus qu'un gangster avec sa mitrailleuse ". Aujourd'hui, il ne faut pas s'étonner d'entendre dire à un gamin qui a tout compris qu'une fille belle quoique sotte gagne plus avec son c.. qu'un docteur bardé de diplômes. Et ainsi va le monde en Karakouzie.