Quand on meurt à cinq ans, sur un bout de rivage
À la bouche édentée un goût fade et amer
Les deux joues barbouillées par ses pleurs et la mer
Et le corps disloqué comme un sac de couchage
Dans la morne lueur d'un jour laid et blafard
Ce n'est pas le destin, c'est la faute à Bachar.
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Quand on fuit la terreur pour trouver le malheur
De partout refoulé comme un pestiféré
Harcelé, pourchassé sur les routes et les prés
Abruti de fatigue et de vile froideur
Ne trouvant ni pitié, ni respect ni égards
Ce n'est pas le destin, c'est la faute à Bachar.
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Quand on meurt sans raison, calciné dans son lit
Enterré sous le toit du dernier hôpital
Rattrapé par la main d'un pouvoir si légal
Poursuivant des cadavres ambulants sans répit
Réduisant à néant le pays et l'espoir
Ce n'est pas le destin, c'est la faute à Bachar.
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Quand des lieux tant chéris ne survit que le nom
Les amis, les voisins ne sont que souvenirs
La raison un mot creux qui ne veut plus rien dire
Quand le vieux met sous terre un gamin de six ans
Incrédule et choqué par un sort si bizarre
Ce n'est pas le destin, c'est la faute à Bachar.
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Quand les preux jadis fiers transformés en mendiants
Comme des gueux sont réduits à lécher les poubelles
Les mamans sont violées, leurs petits tout près d'elles
Regardant, pleins d'horreur, leur père agonisant
Pour avoir refusé une vie de bagnard
Ce n'est pas le destin, c'est la faute à Bachar.