Il y a eu un scrutin le 12/12 mais pas d’élection

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Les chiffres officiels du scrutin du 12/12 sont tombés : 41% de participation à l’intérieur et 8% parmi l’émigration. Ce dernier chiffre est exact parce que les autorités n’ont pas le monopole des images des bureaux de vote qui permet de justifier le gonflement des chiffres. La trop grande différence entre les deux chiffres discrédite celui de 41%.

Le corps électoral à l’étranger constitue un échantillon grandeur nature qui donne des indications sur les intentions de vote à l’intérieur du pays. Qu’il y ait une différence de 2 ou 3% entre les deux, c’est possible ; mais qu’elle soit aussi grande discrédite le chiffre avancé à l’échelle nationale.

Mais ce n’est pas étonnant qu’un régime autoritaire manipule les résultats électoraux. La justice n’est pas autonome pour sanctionner le bourrage des urnes et la falsification des procès-verbaux. J’avais écrit pendant plusieurs semaines que l’élection n’aura pas lieu, pensant que les généraux la reporteraient pour permettre à l’opposition modérée d’y participer, ce qui aurait divisé le hirak. Ils ne l’ont pas fait, perpétuant la crise du fait qu’ils n’ont pas la culture du compromis et de la négociation, et c’est regrettable. Les manifestants seront désormais confortés dans leur slogan fétiche « ya hna, ya ntouma » (ou c’est vous, ou c’est nous).

Avant de dégager les leçons que nous apprend le 12/12, il faudrait dire quelques mots pour distinguer entre scrutin et élection. Un scrutin est une opération administrative appelant à voter pour un responsable. Une élection est une opération de vote où l’électorat choisit ses représentants parmi des candidats appartenant à des courants d’opinion différents.

Pour qu’un scrutin devienne une élection, il faut des offres politiques en compétition pour attirer le choix des électeurs. A cette fin, il est nécessaire que les médias publics et privés soient ouverts à tous les candidats, y compris ceux de l’opposition, et que la justice soit autonome pour invalider éventuellement les cas de fraudes.

Au vu de ces conditions, le 12/12 n’est pas une élection, et donc l’élection n’a pas eu lieu. Il y a eu un scrutin par lequel le général Gaïd Salah a désigné Abdelmadjid Tebboune comme président formel de l’administration gouvernementale. Le dessinateur Nime a été arrêté pour l’avoir prévu par un dessin désormais mondialement célèbre : le prince charmant Gaïd Salah chaussant Tebboune dans le rôle de Cendrillon.

Quelles leçons tirer de ce scrutin ?

1. La première est que l’administration de l’Etat continue d’être bicéphale : il y a un pouvoir réel légitimant et un pouvoir formel légitimé par le premier. Le commandement militaire dit clairement que la désignation du président relève de ses attributions et non du corps électoral. Il continue à se poser comme source de pouvoir comme en 1962. Il reste enfermé dans le modèle de la primauté du militaire sur le politique, s’opposant à la démilitarisation du politique.

2. Le commandement militaire signifie qu’il est le seul acteur politique dans la nation. Toute personne voulant exprimer une velléité d’autonomie est poursuivie par la justice pour insubordination. Exprimer une opinion politique différente de celle du commandement militaire est un délit sanctionné par les tribunaux.

3. L’Etat-Major maintient l’Algérie dans le pré-politique, celui de la violence. Il instrumentalise à cette fin la police et la justice pour réprimer toute demande de relier l’autorité publique à la légitimité électorale réelle. La violence d’Etat (police, justice) est utilisée pour réprimer la demande d’Etat de droit de la population.

4. Le commandement militaire a construit une légalité déconnectée de la légitimité. Après le 12/12, l’Algérie aura un président légal pour le droit international et les pays étrangers mais illégitime pour son peuple. Il aura été élu à l’issue d’un scrutin où seuls 8% des électeurs ont pris part au vote. Si son score réel est de 58%, cela signifie que seulement 3% des Algériens ont élu Tebboune. Il n’aura pas l’autorité nécessaire pour exiger de ses concitoyens le respect des institutions de l’Etat.

5. La position radicale du commandement militaire constitue un blocage à une sortie de crise car le hirak va continuer et demandera la démission du président désigné au lendemain du 12/12. La première étape de la révolution du 22 février s’est terminée ; la seconde a commencé le vendredi 13 et il n’y a aucune raison de penser que Tebboune finira son mandat.

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