« (…) chacun a sa sphère d’action propre, tout en étant inséparable des autres »,
Introduction à la sociologie de la famille, 1888
1/ Biographie
Après des études de philosophie à l’école normale supérieure, avec notamment Jean Jaurès et Henri Bergson (Prix Nobel de littérature en 1927). Il obtient l’agrégation de philosophie en 1882. Il professe d’abord en lycée, étudie les sciences sociales à Paris et en Allemagne, puis intègre la faculté des lettres de l’université de Bordeaux où il assure un cours de « science sociale et de pédagogie ». C’est durant cette période « bordelaise » (1887 – 1902), qu’il publiera l’essentiel de son œuvre :
* « De la division du travail social » (1893),
* « Les Règles de la méthode sociologique » (1895),
* « Le suicide » (1897).
2/ Place de Durkheim dans l’histoire de la pensée
Il est considéré comme l’un des fondateurs de la sociologie en France en tant que discipline autonome, distincte de la philosophie et de l’économie. Sa démarche est dite explicative ou déterministe, ce qui signifie que les phénomènes sociaux trouvent leurs explications dans des régularités qui sont externes aux individus et qui s’impose à eux.
Pour lui, il y a primat de la société sur l’individu, c’est-à-dire que l’homme naît de la société et non l’inverse (holisme méthodologique) : « Chacun d’entre nous croit obéir qu’à lui-même alors qu’il est le jouet de forces collectives. ». Son approche sociologique comporte alors trois étapes (les règles de la méthode) :
* La définition du fait social,
* Considérer les faits sociaux comme des choses,
* Expliquer le social par le social.
Durkheim est donc fidèle à l’esprit du positivisme d’Auguste Comte (1798 -1857) qui considère que seule la connaissance scientifique des faits peut prétendre à la vérité, et la sociologie doit être conçue sur le modèle de la physique.
La problématique essentielle qui caractère son œuvre est de savoir : Comment, face à la progression de l’individualisme peut-on maintenir l’ordre social ?
3/ Les fondements du lien social
3.1/ Solidarité mécanique, solidarité organique
La solidarité sociale (le lien social) est l'ensemble des relations entre l'individu et la société. C'est donc par nature un lien invisible que l'on ne peut directement appréhender. Selon Durkheim, le symbole visible de la solidarité sociale est le droit.
Dans les sociétés traditionnelles, le droit répressif est dominant. L’individu se fond au sein d'une communauté. La solidarité est qualifiée de mécanique car elle repose sur les similitudes qui unissent les individus.
Dans les sociétés industrielles, le droit coopératif est dominant. L'individu acquiert une conscience individuelle distincte de la conscience collective (individuation). La solidarité est qualifiée d'organique car les individus sont les organes de la société.
3.2/ Densité morale et densité physique (matérielle), fondement de la DTS : Un argument démographique
L’évolution des formes du lien social résulte des transformations de la société. La croissance de la population et le développement des moyens de communication (que Durkheim appelle la densité physique) entraînent un développement des interactions sociales (la densité morale). Dans les sociétés industrielles, la division du travail est le fondement du lien social. Elle permet aux individus de se spécialiser tout en les rendant interdépendants.
Ainsi, pour Durkheim l'extension de la division du travail n'est pas liée aux avantages (rendement, production plus diversifiée et en plus grande quantité) qu'on peut en tirer. Il donne plutôt une explication démographique (schéma ci-après): c'est la "condensation progressive des sociétés au cours de leur développement historique" qui favorise la division du travail. Quand l'augmentation de la "densité de population" favorise celle des interactions au sein d'une population (la "densité morale"), comme c'est le cas lorsque des villes et des voies de communication (chemin de fer, routes…) se forment et se développent, alors le progrès de la division du travail devient une nécessité.
Représentation de la Division du Travail Social
4/ La rupture du lien social
Le maintien du lien social passe par le respect de règles collectives. Lorsque les relations sociales ne sont plus réglementées, elles sont dans un état d'anomie. L'anomie traduit donc l'insuffisance de la régulation sociale (contrôle social).
Il existe trois formes de division du travail anomique. Les crises économiques proviennent d'une mauvaise régulation entre l'offre et la demande de produits. L’opposition entre les ouvriers et les patrons révèle une mauvaise régulation des relations professionnelles. L’antagonisme entre les scientifiques résulte d'une absence de régulation de la recherche.
Le suicide anomique est lui aussi révélateur défaillance de la régulation sociale. Durant les périodes de prospérité, l'individu a peu de contraints Lorsque survient la crise, il est alors incapable de limiter ses besoins.