La dette publique tunisienne avoisine les 100% du PIB : la question de sa « soutenabilité » préoccupe sérieusement les bailleurs de fonds et les instances internationales. Faire fi et continuer à envisager encore l’endettement comme seul moyen de financement serait de prendre le risque de se retrouver dans une situation d’insolvabilité.
Il est temps de prendre le taureau par les cornes pour imposer l’intérêt suprême de l’Etat contre les calculs mesquins et égoïstes des lobbyistes de tous poils ! Autrement, …, autrement, nous courons à coup sûr vers la catastrophe, presque l’irréversible.
Par conséquent, il faut, sans tarder, améliorer la structure des recettes fiscales et des dépenses publiques, car Les dépenses excessives engendrent l’endettement et les coupes austères compromettent la reprise.
Parallèlement, il faut réformer le statut de la banque centrale en toute urgence pour imposer une politique économique plus accommodante. Une politique qui s’articule autour de deux axes : la baisse drastique du taux directeur et la recherche par tous les moyens à améliorer l’appréciation du dinar et donc du taux de change pour pouvoir renouveler notre parc technologique, trop vétuste, à un moindre coût. Les gains de la productivité globale des facteurs de production passent nécessairement par là.
1/ Une politique budgétaire contrôlé
1.1/ La structure des recettes fiscales :
Il convient de repenser notre structure des recettes fiscales et surtout d’inventer de nouvelles recettes fiscales. En ce sens, nous proposons 4 pistes nouvelles de prélèvements fiscaux ; ces nouvelles recettes pourraient se traduire par une amélioration significative du solde budgétaire sans dégrader pour autant le pouvoir d’achat de nos concitoyens ou la compétitivité de nos entreprises :
- La création d’un impôt de solidarité sur la fortune : Il s’agit d’un impôt annuel calculé sur l’ensemble du patrimoine des ménages (lorsque le patrimoine dépasse un certain seuil). L’assiette de l’impôt intègre la résidence principale, l’ensemble des actifs mais il exclut l’outil de travail (l’entreprise d’un entrepreneur).
- L’instauration d’un timbre fiscale de 20 dinars (10 euros) par visiteur, ne relevant pas de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), qui rentrent par voies aériennes et maritimes. On peut appeler ce timbre, par exemple : « Protection de l’Environnement et Développement Urbanistique » (PEDU).
- Concrètement, si nous tablons sur 10 millions de visiteurs comme avant la crise du COVID-19, la recette totale d’une telle taxe serait de l’ordre 160 millions de dinars par an. Il est intéressant au même temps de savoir que le budget du projet (2014 – 2018) d’assainissement de 200 quartiers habités par 211.000 personnes est d’environ 100 millions de dinars. Voilà donc une recette supplémentaire qui pourrait être affectée à ce type de travaux pour améliorer la qualité de vie de nos compatriotes et lutter par la même contre propagation de la pauvreté.
- Mettre en application la loi qui soumet les bénéfices réalisés par les entreprises non-résidentes à l’impôt sur les sociétés au même titre que les entreprises résidentes. Ainsi, la Tunisie pourrait trouver une manne financière assez conséquente pour payer assainir son système de santé et l’infrastructure de ses hôpitaux.
- Augmenter les impôts locaux tout en les indexant sur le niveau des revenus de telle manière que les familles les plus modestes auraient à payer une contribution symbolique et les familles les plus aisées contribueraient à la hauteur de la qualité de leur résidence et de leurs revenus.
- Créer une taxe sur les résidences secondaires
1.2/ La structure des dépenses :
- Il faudrait limiter les recrutements dans la fonction publique. L’Etat tunisien ne devrait remplacer, dans les 10 prochaines années, que deux départs à la retraite sur trois.
- Les salaires des fonctionnaires devraient être gelés pour les 5 prochaines années.
- Il faut également envisager la modernisation constante de l’administration publique, vu l’évolution extrêmement rapide du progrès technique et des nouveaux outils de télécommunication.
- Un moratoire sur de 3 à 5 ans pour le remboursement de la dette et la réallocation de cette enveloppe dans des investissements productifs et d’infrastructures pour améliorer l’attractivité de la Tunisie.
1.3/ Confier les travaux à des entreprises tunisiennes
L’argent récolté grâce à la réforme fiscale, la restructuration de la fonction publique et la suspension provisoire du remboursement de la dette, pourrait être en effet investi dans le cadre un grand programme d’infrastructure (routes, hôpitaux, universités, …) ainsi que des projets rentables à moyen et long terme. Les travaux doivent être confiés à des entreprises tunisiennes tout en leur fixant l’obligation d’utiliser, dans la mesure du possible, que des produits et des matériaux locaux. Ainsi, on évitera l’hémorragie de la balance commerciale !
2/ Une politique monétaire accommodante
Le taux directeur actuel constitue une véritable entrave à l’investissement et à la consommation. Quant à la baisse continue du taux de change, elle constitue la principale menace à la stabilité en Tunisie.
2.1/La baisse du taux directeur est un impératif
Le taux directeur, est celui auxquelles les banques s’empruntent et se prêtent de l’argent entre elles avant d’ajouter leur marge propre. Il joue un rôle primordial dans la régulation financière et évolue en fonction de l’inflation et/ou du chômage. Aujourd’hui, celui de la BCT est de 6,25% contre –tenez-vous bien, 0,05% pour la Banque centrale européenne (BCE). Invraisemblable l’orthodoxie de nos autorités monétaires, n’est-ce pas ?
Un taux d’intérêt élevé entrave l’activité économique dans la mesure où il amenuise la rentabilité des investissements et dissuade les ménages à réaliser leurs projets surtout celui d’accéder à la propriété. Voilà le vrai frein la croissance et à la création de l’emploi dans notre pays.
Le taux directeur ne doit pas dépasser le 1% pour permettre aux entreprises nationales de renouer avec l’investissement et les citoyens de réaliser leurs projets. Il faut chercher les causes de l’inflations ailleurs, notamment du côté du taux de change. Pour l’essentiel, la hausse généralisée et continue des prix est due à la dépréciation du dinar. Elle est donc incompressible.
La lutte contre l’inflation passe inéluctablement par le redressement du dinar et de la productivité globale des facteurs de production.
Continuer à maintenir le taux directeur à des niveau invraisemblable pour contrer les pressions inflationnistes, c’est comme tenter de faire rentrer de force une grosse cheville ronde dans un petit trou carré ; nos orthodoxes monétaires risquent donc de briser à la fois la cheville et le trou… !
2.2 / L’appréciation du dinar est aussi un impératif
La dépréciation du dinar de plus de 45% en l’espace de 5 ans, explique en toute évidence l’aggravation du déficit de balance commerciale et le poids de la dette. En effet, nous sommes très dépendants de l’extérieur et ceci sur tous les plans.
Depuis près de 40 ans, nos dirigeants considèrent –avec entêtement et aveuglement- que les gains de compétitivité-prix (vendre moins cher le même produit que la concurrence) ne peuvent provenir que du côté monétaire (voir aussi nos nombreuses contributions à ce sujet). Dévaluer ou laisser se déprécier le dinar pourrait balayer le manque de productivité du travailleur tunisien (rapport entre la valeur ajoutée et le facteur travail).
Ces mêmes dirigeants oublient au passage la définition même de la productivité, le b.a. -ba des sciences économiques ! En fait, la productivité du travail n’est qu’apparente ! On parle d’ailleurs, de la productivité apparente du travail et de la productivité apparente du capital car la productivité globale des facteurs de production n’est que l’expression de l’efficacité de la combinaison productive. En clair, le facteur travail est aussi indispensable au facteur capital que ce dernier au premier pour que la productivité des facteurs de production soit la plus efficiente, optimale !
Si la productivité apparente du travailleur tunisien est en berne c’est parce que le capital technologique fait défaut ! Il faut donc chercher les gains de productivité du côté du capital technologique ; c’est celui-ci qui va tirer la productivité du travail vers le haut. C’est ainsi que nous pourrions gagner en termes de compétitivité-prix et même hors prix (structurelle). Le nivellement se fait par le haut et non pas par le bas, bon bas !