« L’histoire enseigne que le capitalisme est une condition nécessaire de la liberté politique. Mais elle n’est pas suffisante. Une société qui place l’égalité devant la liberté n’aura aucune des deux. Mais les gouvernants n’apprennent jamais rien, seuls les peuples apprennent »
1/ Biographie
Milton Friedman est né dans une famille juive d’origine modeste. Doué, il décroche une bourse qui lui permet de poursuivre ses études à l’université de Chicago. Après des études en mathématique, il s’oriente vers l’économie. En 1935, il intègre la National Bureau of Economic Research, qui a élaboré les décisions de Roosevelt concernant le New Deal.
Il devient enseignant à l’université Columbia avant d’intégrer en 1946 celle de Chicago, où il fonde l’école monétariste. Il y reste pendant 30 ans, jusqu’à son départ à la retraite. Il finit par rejoindre la Hoover Institution à l’université Stanford en Californie, où il exerça presque jusqu’à la fin de sa vie.
Il a été aussi conseiller économique de Nixon et Reagan et surtout un économiste vedette. Friedman savait en effet trouver les formules qui touchent l’opinion publique. Son épouse Rose Director, universitaire et professeure de philosophie, l’avait aussi beaucoup soutenu pour l’écriture de ses livres « grand public ». Ainsi, il est devenu l’économiste le plus connu au monde au cours des deux dernières décennies du XXe siècle. Il reçoit le prix Nobel d’économie en 1976.
2/ Place dans l’histoire de la pensée économique
Milton Friedman est le chantre de la liberté et du libéralisme. Il est réputé pour ses travaux sur la monnaie, la consommation et les politiques de stabilisation (inflation et système monétaire, 1969). C’est un fervent opposant des théories keynésiennes. Toute sa théorie s’est en effet construite contre Keynes et contre les politiques d’intervention publique préconisées par l’anglais après la Seconde guerre mondiale.
La crise des années 1970 et les limites des politiques de relance préconisées par J. M. Keynes ont permit à Milton Friedman d’imposer son approche en substituant au keynésianisme une politique économique inspirée par ce que l’on appellera le « monétarisme ».
3/ Fonction de consommation
Dès 1957, dans « Une théorie de la fonction de consommation », Friedman conteste le fait que l’augmentation des revenus se traduit automatiquement par une augmentation de la consommation. Il considère que la consommation dépend essentiellement des revenus permanents (patrimoine, héritage, carrière prévisible…) des ménages et non pas des revenus accidentels (hausse ou baisse des impôts, primes salariales, gains ou perte exceptionnels…). Il soutient le fait que les revenus accidentels n’ont d’effet majeur que sur l’Epargne, par l’endettement ou par l’investissement.
Ainsi, les politiques de relance par la consommation engagée par les Etats (hausse des prestations sociales, par exemple) sont inefficaces car les ménages ne dépensent pas ce surplus, ils l’épargnent en vue de leur retraite.
4/ Causes de l’inflation
Friedman voit dans l’inflation (hausse généralisée et durable des prix) un phénomène monétaire. En 1963, il publie avec Anna Schwartz une très longue étude historique, « Une histoire monétaire des Etats-Unis, 1867-1960 » ; ils y montrent que l’augmentation de la masse monétaire conduit nécessairement à des tensions inflationnistes. « La cause immédiate de l’inflation est toujours et partout la même : un accroissement anormalement rapide de la quantité de monnaie par rapport au volume de la production », écrivait Friedman in « Inflation et systèmes monétaires » (1969).
Aussi, il dénonçait avec force le concept keynésien des politiques de relance. Il considère que l’intervention de l’Etat qui privilégie le déficit budgétaire pour soutenir la croissance est une manœuvre stratégique dont les retombées sur le porte-monnaie des ménages sont funestes.
« […] L'inflation et 1'alcoolisme se ressemblent. Les premiers effets sont agréables. L’abondance accrue de la monnaie permet à quiconque y a accès (de nos jours, ce sont surtout les gouvernements) de dépenser davantage sans que personne n'ait à dépenser moins. L'emploi se développe, les affaires marchent bien, et tout le monde ou presque est satisfait, au début. Ce sont là les effets agréables. Mais l’augmentation de 1a dépense commence à faire monter les prix. Les travailleurs constatent que leurs salaires, même s'ils ont été relevés, leur permettent d acheter moins ; les entreprises voient leurs coûts augmenter, de sorte que la hausse de leur chiffre d’affaires ne leur procure pas les bénéfices qu’ils envisageaient, à moins que leurs prix n’augmentent encore plus vite. Les effets néfastes commencent à apparaître : hausse des prix, demande moins active, inflation en même temps que stagnation. […]. Dans les deux cas, il faut une quantité sans cesse plus grande, d'alcool ou de monnaie, pour donner à l'alcoolique ou à l’économie le même stimulant. »
Milton Friedman, « La Monnaie et ses pièges » (1992)
Traduction Henri Bernard, éd. Dunod, 1993
5/ Chômage naturel (structurel)
Milton Friedman introduit la notion de « chômage naturel », ce que nous appelons aujourd’hui « structurel », qui ne peut être réduit par des décisions conjoncturelles du gouvernement. Celles-ci n’auront aucun effet à long terme. Les effets de long terme seront même négatifs si ces politiques sont financées par de la création monétaire car, à terme, le chômage n’aura pas baissé et il y aura plus d’inflation.
Pour Friedman, le chômage ne peut être combattu que par des réformes de structure, comme l’introduction d’une grande flexibilité sur le marché de l’emploi ou encore la suppression des salaires minimaux (le SMIC).
« Les lois sur les salaires minimaux constituent sans doute l'exemple le plus parlant que l’on puisse trouver d'une mesure dont les effets sont exactement à l'opposé de ceux qu'en attendaient les hommes de bonne volonté qui la soutenaient. (…) L'Etat peut en effet décider d'un taux minimal des salaires ; mais il lui est difficile d'exiger des employeurs qu'ils embauchent à ce taux minimal tous ceux qui touchaient auparavant des salaires inférieurs à ce minimum. Il n'est évidemment pas de l'intérêt des employeurs d'agir ainsi. Le salaire minimal a par conséquent pour effet de rendre le chômage plus important qu'il ne le serait autrement. »
Milton Friedman, « Capitalisme et Liberté » (1962),
Traduction Antoine Maurice Charno, ed. Robert Laffont, l97l