Les autorités tunisiennes se réjouissent, tambour battant, de la saison touristique qui s’annonce d’après leurs dires « exceptionnelle » ! Décidément, en Tunisie on n’en tire jamais les leçons ! On reprend les mêmes et on recommence !
« Après deux ans de COVID et presque une décennie entière marquée par des aléas politiques et sécuritaires ayant fragilisé le secteur la saison s’annonce prometteuse ; les hôtels affichent des taux de réservation de près de 70% » se réjouit récemment, sur le plateau de la TV nationale, un des représentants du syndicat des hôteliers.
« Après deux années de crise, l’année 2022 s’annonce prometteuse pour le tourisme tunisien », confirme Mohamed Moez Belhassine, ministre du Tourisme, lors de sa participation début juin à Djeddah au conseil exécutif de l’OMT (Organisation mondiale du tourisme) ; avant de renchérir, « La Tunisie est fermement engagée pour un tourisme durable, résilient, inclusif et responsable». C’est chouette ! Ainsi, le décor est planté : « tourisme durable, résilient, inclusif et responsable !» Bienvenue au pays des merveilles : Soleil, plage et thé à la menthe !
Et si on regarde le bilan de 50 ans de folie, 50 ans de développement tous azimuts du tourisme afin d’éviter de continuer dans la bêtise tête baissée :
1/ Une répartition des recettes très embarrassante pour la Tunisie !
Prenons l’exemple cité par le chercheur et maître de conférence en sciences économiques Gilles Claire in le Monde diplomatique (Manière de voir N°141, juin-juillet 2015, P.61) où il y montre que sur un forfait tout compris d’une semaine sur les côtes tunisiennes – avant la chute de l’ancien régime- à de 600 euros à peine 150 euros reviennent à l’économie local, c’est-à-dire seulement 25% du tarif affiché vont pour nourrir l’économie nationale. Maigre résultat, n’est-ce pas ?
Rappelons au passage qu’il s’agit d’une économie qui subventionne pour sa population tous les produits de première nécessité (farine, huile, sucre, thé, café, lait…) ainsi que tous les combustibles (Gaz, essence, etc.). Ainsi, l’excursion d’un touriste français en Tunisie est subventionnée en partie par l’argent du pauvre contribuable locale ! Invraisemblable ! Sans compter qu’une part importante du maigre pécule qui reste est souvent prélevée par l’oligarchie économique et politique de la région.
Gilles Claire écrivit : « Pour un prix de vente en saison de 600 euros au touriste français, 350 euros n’atteindront jamais la Tunisie : Ils couvriront la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les taxes d’aéroport en France, les dépenses de kérosène, les commissions commerciales, les frais généraux et la marge de l’agence émettrice. » Avant de préciser, « sur les 250 euros restants, qui, après prélèvement de la taxe locale d’aéroport et de la TVA, seront versés à l’hôtel-club, il faut ensuite déduire les importations et le rapatriement d’une partie des profits au Nord. » Pour enfoncer le clou, conclut-il « Au final, cela laisse au maximum 150 euros pour nourrir l’économie locale. »
2/ Des emplois non qualifiés, précaires et très faiblement rémunérés
L’argument phare des lobbyistes du secteur du tourisme est de dire que, outre les recettes en devises, nous sommes des créateurs d’emplois ! Faux !
On vient de voir qu’à peine 25% des recettes générées par le tourisme reviennent à la Tunisie et 75% qui restent sont accaparées par les pays du Nord. Concernant le bilan de l’emploi, les indicateurs, des différents organismes statistiques et ceux de la banque centrale, montrent clairement que les emplois directs sont de l’ordre de 80.000 personnes sur une population d’un peu plus de 4 millions d’individus, ce qui représente 2% de l’emploi total. Avec les emplois indirects, on peut espérer atteindre au mieux 200.000 emplois. On est donc loin des chiffres de 250.000 emplois directs et 450.000 emplois indirects avancés par l’oligarchie nationale qui s’accapare le marché.
Pire encore, il s’agit d’emplois précaires, non qualifiés et faiblement rémunérés ; la moyenne des salaires est d’environ 600 dinars (190 euros). Pas assez pour soutenir durablement la croissance. Le soutien de la croissance exige des rémunérations conséquentes avec du travail qualifié, créateur d’une haute valeur ajoutée.
En conclusion :
Il est temps que les autorités tunisiennes revoient leur copie en la matière. Le tourisme peut être considéré comme un complément et non pas –et surtout pas- comme un secteur fondamental. Il est très soumis aux aléas politiques. Il faut consolider le secteur agricole et créer une véritable industrie créatrice d’emploi et de valeur ajoutée. Il faut donc profiter de la géopolitique internationale pour diversifier nos partenaires.