« L’acharnement d’Anankei nous rappelle que rien n’est aléatoire dans la vie. »
Sophocle
Beaucoup espèrent un changement d’orientation politique de la France (en particulier en politique étrangère), que Bardella de droite ou Mélenchon de gauche gagne. Malheureusement, à mon avis, ce ne sont que de beaux espoirs, destinés à partir en fumée face à l’inexorable condition réelle dans laquelle se trouve l’économie française.
La France est en faillite, comme l’atteste amplement la situation financière nette du pays. Par conséquent, quiconque se rend à l’Hôtel de Matignon devra s’attendre à une visite du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau (« et toutes choses » diraient les Napolitains avec leur capacité unique à se moquer des puissants) qui dira grossièrement ; "Cher Président, notre situation financière nette s’est détériorée au cours des trois dernières années d’environ 100 milliards d’euros par an, dépassant désormais le chiffre de 900 milliards d’euros de passifs. Cela signifie que nous sommes complètement dépendants des capitaux étrangers qui entrent dans le système national, à la fois sous forme de prêts et sous forme d’investissements. Il est essentiel que la situation ne soit pas précipitée, que l’euro reste vivant et donc que les Allemands et les Européens du Nord puissent continuer à déverser en France le surplus de capital si nécessaire à notre survie et au maintien de notre niveau de vie. Dans le même temps, il est essentiel que les riches émirats pétroliers du Moyen-Orient, à commencer par le Qatar, ne déversent pas leurs capitaux excédentaires hors de l’Occident et donc aussi hors de France. Enfin, il est également nécessaire de rétablir le contrôle, au moins partiel, sur la Françafrique afin que le mécanisme du franc CFA continue de financer la France et que l’entrepreneuriat français ne perde pas ces débouchés essentiels pour ne pas voir la balance commerciale se détériorer... ».
À ce stade, le nouveau chef du gouvernement français convoquera une foule de diplomates et de généraux et leur expliquera ce que le gouverneur de la Banque de France lui a expliqué. Les spectateurs, à leur tour, répondront que :
1) Pour maintenir l’euro en vie, il est nécessaire de maintenir l’UE et l’OTAN en vie. Pour maintenir l’UE et l’OTAN en vie, il faudra gagner la guerre en Ukraine, sinon la désintégration sera inévitable. Cela est également dû aux sanctions dévastatrices qui ont particulièrement touché les pays commercialement liés à la Russie, en particulier l’Allemagne, qui a été la nation la plus touchée à la fois en termes de coûts énergétiques et de perte de parts de marché et qui risque à l’avenir de subir également l’expropriation d’énormes investissements allemands en Russie en représailles causées par la volonté de s’emparer des investissements russes dans l’UE sans parler du sabotage du gazoduc russo-allemand NorthStream. Des épisodes qui, en cas de défaite de l’Ukraine (et avec elle de l’OTAN et de l’Occident), pousseront Berlin à couper le cordon et à sortir définitivement de l’orbite occidentale (l’AfD propose d’ailleurs déjà cette débouché), marquant finalement la fin de l’UE et de l’Euro.
2) Afin de maintenir inchangés les investissements des « sultanats pétroliers » du Moyen-Orient en Occident et, par conséquent, aussi en France, il faudra bloquer la pénétration chinoise et russe dans la zone qui a déjà atteint des niveaux d’alarme absolue avec l’entrée des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite dans les BRICS. Sans oublier, cependant, que ces dernières années, des accords ont déjà été signés entre l’Arabie saoudite et la Chine pour le paiement du pétrole en yuan au lieu de dollars : un véritable coup mortel pour le pétrodollar et par conséquent pour le dollar en tant que monnaie standard pour le commerce international. Pour arrêter ce phénomène, il est nécessaire de toutes les manières possibles de déstabiliser le Moyen-Orient afin de favoriser un changement de régime en Arabie saoudite, détrônant le prince régent Mohammed ben Salmane avec un autre plus loyal aux États-Unis et à l’Occident. La déstabilisation du Moyen-Orient est déjà largement en cours grâce au chien de guerre israélien, qui procède à toutes sortes de provocations, à commencer par la guerre cruelle à Gaza, en continuant avec le bombardement insensé du consulat iranien à Damas et, enfin, avec la probable invasion du Liban dans un avenir proche. Tous ces actes sont nuisibles à Israël (qui jette les bases de 100 autres années d’hostilité avec les Arabes) mais de la plus haute importance pour Washington, Londres et Paris, qui, grâce au chaos généré, comptent bloquer la pénétration russe et chinoise dans la région.
3) Afin de maintenir l’hégémonie en Françafrique et donc le mécanisme du Franc CFA, il faudra déstabiliser les pays rebelles (pro-russes et pro-chinois, comme le Mali, le Burkina Faso, le Niger et l’Algérie) en armant les guérillas et, le cas échéant, en intervenant directement ou par l’intermédiaire d’États encore amis (comme le Maroc et la Tripolitaine, c’est-à-dire la partie de la Libye fidèle à l’Occident).
En un mot, le prochain chef du gouvernement français (quel qu’il soit) devra continuer à faire tout ce que Macron fait maintenant, la seule chose qui peut changer est la stratégie de communication et quelques mesures cosmétiques en politique intérieure pour satisfaire les électeurs.
La vérité est que la situation matérielle de « pré-faillite » (il faut regarder les « comptes nationaux », pas les « comptes de l’État », ce sont deux choses différentes...) qui plane comme une épée de Damoclès au-dessus de Washington, Paris et Londres conduit ces trois pays à avoir les mêmes politiques. Il n’y a pas de meilleure alliance de fer que celle dictée par Ananké, la déesse de la nécessité et du destin.