En peu de mots, c’est bien difficile ! On peut tout au plus Identifier quelques uns des traits et des étapes dominants de cette longue crise.
Rappelons d’abord le fait que, même si elle n’a en aucune manière été “importée de l’étranger” comme le dit la propagande du régime, elle n’a très vite plus eu de “syrien” que le nom. Dès 2012, le régime était sur le point de s’écrouler. C’est alors qu’une ingérence extérieure massive (iranienne, libanaise et russe), sans commune mesure avec le soutien financier ou technique que l’opposition recevait de l’étranger - cela est essentiel à redire - est venue le sauver.
La conséquence de ce déséquilibre massif instauré au profit du régime par ses partenaires étrangers a fait que l’issue de la crise s’est alors trouvée hors de portée des seuls citoyens de la Syrie. En 2013, la trahison des promesses occidentales de ne pas laisser Bachar al Assad user impunément d’armes chimiques a marqué un point de non retour dans l’affaiblissement de l’opposition nationale, piteusement lâchée par ses soutiens.
C’est de là que résulte l’autre grande caractéristique de la crise : l’irruption, puis surtout la montée en puissance, aux dépends de l’opposition nationale républicaine, des partisans d’un « contre projet révolutionnaire jihadiste ». Ce projet révolutionnaire syro-irakien alternatif, à la fois sectaire et transnational, va prendre ensuite de l’ampleur à mesure que va s’affirmer son corollaire mondial, le phénomène des « jihadistes sans frontières » venus de près de 80 nations, dont notre pays.
La Syrie va dès lors apparaître comme la source de possibles dangers pour nombre de pays européens et c’est cette problématique qui va monopoliser l’image toute entière ou presque de la crise. Par rapport au régime, les jihadistes ne tuaient pourtant qu’à peu près dix fois moins. Mais ils mettaient systématiquement en scène une surenchère de violence provocatrice, à l’égard des occidentaux autant qu’à l’égard du régime.
Daech va masquer ainsi à peu près complètement l’activité de ce régime qui lui, à coup de barils explosifs lâchés sur des zones résidentielles, continuait pourtant à tuer … beaucoup. En août 2014, dans une atmosphère électoraliste, la France est soudain entrée en guerre. Mais nos armes n’ont pas été mobilisées pour affaiblir celui qui tuait beaucoup mais seulement ceux qui avaient l’impertinence de nous provoquer le plus. Cet engagement unilatéral contre la mauvaise cible a profondément transformé la configuration et nous a conduit à la situation extrêmement paradoxale dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui : le régime dictatorial, bien qu’il soit – sans commune mesure – responsable d’infiniment plus de dégâts humains, bénéficie du soutien inébranlable de plusieurs Etats importants (Russie et Iran) et de la complaisance muette d’à peu près tout le reste de la planète.
A l’inverse, l’ « Etat islamique », né en grande partie de la possibilité offerte par la communauté internationale à ce régime de perdurer dans sa ligne mortifère, est ciblé, verbalement ou militairement, aujourd’hui (sans préjuger toutefois de l’opinion de leurs citoyens) par la totalité des Etats de la planète. On en est là… Et depuis peu, quand je lis un peu partout que Daech en veut à notre terrible habitude de boire du bon vin en terrasse de nos bistrots, je crains que nous ne soyons en passe de nous intoxiquer gravement avec notre propre propagande.