Seuls les peuples qui n’ont pas aliéné la mémoire de leur lutte contre le colonialisme ont cette sensibilité si particulière qui s’exprime par leur solidarité avec la Palestine. Et pour peu que leurs institutions soient assez démocratiques pour traduire cette solidarité en actes, ces peuples démontrent qu’il est possible de s’opposer concrètement aux projets criminels d’Israël.
L’Irlande et l’Afrique du Sud, qui ont marqué l’histoire du combat anticolonialiste, sont les deux seuls pays dans lesquels la symbiose entre la société et l’État permet une riposte solidaire contre Israël. Avant cette résolution du Sénat, sur laquelle la presse occidentale a jeté une chape de silence, l’Irlande avait déjà voté en juillet 2018 une loi interdisant les importations de biens et de services en provenance des colonies israéliennes implantées dans les territoires occupés, sans se soucier de la réaction hystérique qu’elle avait provoquée chez les gouvernants sionistes.
Il ne faudra donc plus jamais parler de la cause palestinienne comme de la cause arabe qu’elle a cessé d’être si tant est qu’elle le fut jamais, mais de la cause anticolonialiste qu’elle est depuis l’origine.
Dans les pays arabes, la solidarité populaire avec cette cause est neutralisée par les États. Ceux qui ont normalisé profitent bien au contraire du génocide perpétré à Gaza pour renforcer leur coopération avec Israël, comme c’est le cas des Emirats et de la Jordanie qui lui offrent, avec la complicité de l’Arabie Saoudite, une route alternative d’acheminement de ses approvisionnements pour contourner le blocus houthiste dans la Mer Rouge, ou encore du Maroc qui vient de renforcer sa coopération aérospatiale avec Israël, alors que les narcotrafiquants du royaume ont fait montre d’un sens politique inattendu et ont décidé de boycotter le marché israélien !
Quant aux États qui résistent à la normalisation, ils tremblent au moindre rassemblement populaire. C’est le cas de l’Algérie qui empêche ses citoyens d’exprimer leur solidarité avec les Palestiniens dans une conjoncture où ces derniers ont le plus besoin d’être soutenus, préférant jouer au bon élève discipliné et modéré de la diplomatie conventionnelle et stérile.
Le patrimoine anticolonial des peuples est un héritage difficile à assumer : la mémoire populaire n’y suffit pas, il faut que les gouvernants n’aient pas trahi le message libérateur des fondateurs. En un mot, aucune fidélité au passé n’est concevable lorsque l’État indépendant reproduit le modèle despotique du colonisateur.