L’arrestation de Sansal : attendre et voir

Il n’y a pas lieu de s’indigner de l’arrestation de Boualem Sansal. Sa famille de pensée, qui se recrute quasi exclusivement en France dans les cercles les plus sinistres de l’extrême-droite pro-sioniste, se charge de le faire dans un bel ensemble auquel nous n’avons aucune raison de nous associer ni de près de loin.

Il n’y a pas davantage lieu de s’en réjouir, pas tant que les autorités algériennes n’en auront pas dit davantage sur les motifs de son incarcération.

C’est à vrai dire par pure précaution formelle qu’il faut pour l’instant s’abstenir car nous sommes malheureusement payés pour savoir que les autorités policières et judiciaires algériennes n’ont que rarement expliqué de manière convaincante les décisions qu’elles prennent de priver leurs citoyens de la liberté.

Cependant, compte tenu des positions affichées depuis de longues années par Sansal à propos de la cause palestinienne, dont il a nié la justesse et même l’authenticité, et de sa persistance à appuyer les thèses sionistes malgré quatorze mois de génocide à Gaza, on peut laisser pour une fois à la justice algérienne le temps de s’exprimer et de nous fournir d’éventuelles preuves matérielles d’une intelligence avec l’ennemi israélien qui justifierait des poursuites (puisque Sansal est accusé par certains d’être un « sayan » infiltré de longue date par le Mossad).

C’est donc dans le doute qu’il convient de renvoyer provisoirement Sansal et ses geôliers dos à dos, et de se mettre en position d’attente sur les bases exclusives que je viens d’énoncer. Car, s’il s’avérait que ce sont les déclarations qu’il a faites sur le tracé de la frontière occidentale de l’Algérie qui étaient la cause de son arrestation, je peux affirmer d’ores et déjà que je n’adhérerais pas, en ce qui me concerne, à l’incrimination qui sera retenue contre lui, quel que puisse en être le fondement

La raison en est simple : autant qu’il soit possible d’accorder du crédit aux comptes-rendus de la presse, Sansal a déclaré au media d’extrême-droite « Frontières » : « Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara (…). Quand la France colonise l’Algérie, elle s’installe comme protectorat au Maroc et décide comme ça, arbitrairement, de rattacher tout l’est du Maroc à l’Algérie, en traçant une frontière ».

Or, ces insanités sont si évidemment inexactes historiquement que ce serait faire trop d’honneur à celui qui les a proférées que de l’accuser d’être un « négationniste », remettant « en cause l'existence, l'indépendance, l'Histoire, la souveraineté et les frontières de l'Algérie » (pour reprendre les termes du communiqué de l’APS du 22 novembre). Les propos incriminés accablent suffisamment leur auteur en révélant son inculture crasse pour dispenser l’État algérien de mobiliser contre lui ses juridictions.

Surtout quand les poursuites sont inaugurées par une embuscade indigne d’un État fort de son bon droit, dans un climat d’appel au lynchage d’un homme seul dont on veut faire à tout prix l’ennemi le plus redoutable de la nation.

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